Davos vs Porto Alegre

 

Internet, un nouveau soft pour accéder à la citoyenneté ?

Porto Alegre, qui entend proposer une alternative à la globalisation néolibérale et poser les bases d’un contre-pouvoir citoyen ne pouvait faire l’économie d’une réflexion sur la communication.

D’où la série de conférences et d’ateliers sur le thème de la « communication et de la citoyenneté ». « La communication est un élément clé du modèle néolibéral et elle en subit les mêmes évolutions concentrationnaires », analyse Sally Burch, la responsable de l’Agence latino-américaine de l’information (ALAI), une association qui milite pour le développement d’Internet en direction des organisations non gouvernementales.

« Aujourd’hui, nous ne sommes pas des acteurs mais des consommateurs de la communication, poursuit la militante, nous devons lutter pour inverser cette tendance. Il n’y a pas de démocratie sans démocratisation des moyens de communication. » Reste qu’au-delà de ce postulat, il faut se poser la question des moyens mis à la disposition des citoyens pour qu’ils puissent reconquérir la sphère de la communication, soumise depuis quelques années à une série de fusions sans précédent.

Pour Roberto Savio, secrétaire général de la Society for an International Developement (SID), qui présidait la conférence principale sur le thème du droit à l’information, il ne fait pas de doute qu’Internet est un outil précieux offert aux citoyens pour faire entendre leur voix et devenir maîtres de leur communication. « Internet est peut-être en train de devenir le nouveau soft pour accéder à la citoyenneté, avance Roberto Savio. Internet est une véritable révolution dont les mouvements civiques doivent se saisir car il permet à chacun d'être producteur et diffuseur d’information. Le Réseau bouleverse les règles du jeu de la communication en donnant une véritable capacité d’action à des mouvements sociaux. » Et de citer la campagne internationale contre les mines anti-personnel initiée sur Internet, et qui a permis d’obtenir leur interdiction, comme exemple de l’influence que peut avoir la société civile sur l’opinion publique mondiale quand elle utilise le Réseau.

Thimoty Ney, le représentant de la Free Software Fondation, est venu à Porto Alegre pour convaincre les participants du forum social mondial des vertus de la Copyleft attitude. « Internet, qui est essentiel pour le stockage des connaissances, permet d’être à la fois le récepteur et le transmetteur de l’information. Et, avec les logiciels libres, il n’est pas nécessaire de posséder des ordinateurs dernier cri avec des puces électroniques super-puissantes mais très chères », explique-t-il.

Pour s’en persuader, les nombreux collectifs et associations représentés à Porto Alegre, et qui n’ont pas encore franchi le palier Internet et donc encore moins du logiciel libre ont trouvé un espace dédié à Linux et au libre en général, dans l’enceinte du Forum. Et à en juger par la foule qui se presse autour des ordinateurs, les logiciels libres devraient faire des émules au sein du mouvement anti-mondialisation.

Mais tous les acteurs du Forum ne sont pas aussi euphoriques. Norman Solomon (voir interview), l’un des observateurs les plus critiques des médias américains, estime qu’il n’y a aucune raison qu’Internet échappe à la logique de concentration qui frappe les grands groupes de communication. « Internet, avec toutes ses promesses, est en train d’être avalé à son tour par les grands conglomérats ».

C’est pourquoi Joëlle Palmieri, fondatrice des Pénélopes , mouvement féministe très actif sur le Réseau, incite les participants de Porto Alegre à réagir vite pour que la société civile ne se voie confisquer un média qui offre l’espoir d’une nouvelle forme de communication faite par et pour les citoyens.

Source: Le Monde (30/01/2001)


Une presse alternative pour un Forum alternatif

A Porte Alegre, les journalistes ne dansent pas la carmagnole mais la Ciranda (farandole). La Ciranda est le nom donné à l’agence de presse en ligne créée pour assurer une « couverture internationale d’information indépendante » du Forum social mondial (FSM). « Le forum n’aurait pas été complet si sa propre histoire n’avait pu être écrite par une presse concernée par la transformation sociale », explique Antonio Martins, initiateur du projet et responsable de la version brésilienne du Monde diplomatique.

Concrètement, une cinquantaine de journalistes, professionnels ou amateurs, Brésiliens ou étrangers, alimentent quotidiennement le site du FSM. Certains représentent des moyens de communications alternatifs comme le site Indymedia ou l’Agence latinoaméricaine de l’information quand d’autres collaborent à des revues ou appartiennent à des organisations non gouvernementale. 

Le principe est simple et entend appliquer le concept du logiciel libre au journalisme pour « donner une réponse à la privatisation du savoir ». C’est-à-dire que chaque « journaliste » met ses articles et reportages à la disposition de ses collègues et peut, en échange, reprendre ceux des autres et ainsi avoir un traitement beaucoup plus large du forum que ce qu’il aurait pu faire seul.

Techniquement, chaque producteur d’information dispose d’un code d’accès à un programme informatique (Publique !) qui lui permet de mettre son article en ligne sur le site, une petite équipe de cinq bénévoles chapeautant le tout pour garantir la cohérence visuelle de l’ensemble. « Notre ambition de départ était de parvenir à une couverture meilleure que celle que n’importe quel grand media pouvait donner et de montrer qu’un groupe de programmateurs et de journalistes indépendants peut être plus compétent et plus créatif que le staff d’une méga-entreprise de journalistes ou de programmes pour ordinateurs », explique Antonio Martins, qui estime avoir gagné son pari.

Si le nombre fait la force, alors la Ciranda n‘a effectivement pas de rival. Une trentaine d’articles sont publiés tous les jours dans les langues de leurs auteurs : des interviews des principaux participants, des comptes-rendus de toutes les conférences et des ateliers, mais également des éditoriaux et des photographies.

Mais Antonio Martins ne tombe pas dans l’illusion de croire qu’avec Internet, quiconque peut devenir journaliste. « Qu’Internet permette de démythifier la toute-puissance des journalistes qu’il fasse prendre conscience aux citoyens que ces derniers ne sont pas les seuls écrivains de l’humanité est plutôt positif. Mais le traitement de l’information ne s’improvise pas : il y a des règles à respecter, des techniques journalistiques à maîtriser pour que l’internaute ne se perde pas dans l’océan d’informations qui circulent sur le Web. » Et de reconnaître que c’est ici que le bât blesse dans le milieu de la cyber-presse alternative et qu’il faut non seulement partager sa production d’informations, mais également son savoir journalistique.

Fort de la réussite de la Ciranda, Antonio Martins entend bien prolonger l’expérience après le Forum social mondial. « Notre objectif est de contribuer à la reconstruction d’un journalisme critique, poursuit le journaliste. Au Brésil, par exemple, il y a une fusion complète entre les grands médias et le grand capital. C’est un journalisme très peu critique qui pratique la désinformation totale. Le Forum social mondial ne prétend pas être un point d’arrivée, mais le début d’un long processus de rapprochement entre ceux qui résistent au "Nouvel Ordre" et de recherche d’alternatives. La Ciranda peut être le premier pas pour une union plus solide entre des centaines de publications et d’agences qui cherchent, dans le monde entier, à affronter la dictature des médias, en se basant sur un journalisme critique. »

Pour Antonio Martin, qui voit dans Internet le seul espace capable de porter ce type de projet, la prochaine étape sera la constitution d’une Ciranda permanente qui publierait les textes les plus « universels » provenant des mouvements sociaux et des différentes agences de presse indépendantes qui commencent à se multiplier sur la Toile. Une façon de prolonger l’élan de Porto Alegre sur le Réseau.

Source: Le Monde (30/01/2001)


Du Forum social mondial au Forum Internet mondial 

Les défenseurs d’Internet, s’ils ont pu rencontrer et échanger avec les divers mouvements sociaux représentés à Porto Alegre, ne parlent pas encore d’une même voix. 

Lundi 29 janvier, 20 heures. L’université catholique de Porto Alegre se vide peu à peu de ses participants. Les visages sont tirés. Quatre jours de conférences-débats-ateliers par une chaleur suffocante, ça laisse des traces. Le premier Forum social mondial (FSM) touche à sa fin, l’heure de tirer les bilans est venue. Premier constat, même s’ils étaient loin d’être majoritaires parmi les participants de Porto Alegre, les acteurs de l’Internet citoyen n’étaient pas aux abonnés absents. Deuxième constat : l’objectif de tisser des liens entre les diverses associations (de l’Association pour le progrès des communications APC à Vecam, en passant par les féministes de Woman Action) et les mouvements sociaux a été atteint. Reste maintenant à établir des stratégies, des actions et à les appliquer. 

Si la programmation initiale du FSM pouvait laisser penser que les questions liées à la communication, en général, et à l’appropriation par la société civile des nouvelles technologies de communication, en particulier, avaient été négligées par les organisateurs, elles se sont progressivement imposées comme un enjeu stratégique dans l’élaboration d’une alternative viable à la mondialisation version Davos. Pour s’en persuader, il suffisait d’écouter, ce dernier jour, Ignacio Ramonet, le directeur du Monde diplomatique, et l’un des inspirateurs de Porto Alegre : « Le système médiatique est l’appareil idéologique de la globalisation. C’est lui qui l’ inscrit dans le disque dur de notre cerveau. Et Internet n’est pas neutre dans l’affaire : la révolution digitale tend à abolir les frontières entre les sphère de l’information (presse professionnelle), de la communication institutionnelle (propagande politique, publicité) et de la culture populaire (telenovelas, cinéma de masse, sport télévisé). L’année 2000 a vu l’apparition de mégagroupes de communication avec les fusions de AOL et Time Warner, d’un côté, et de Vivendi et Universal, de l’autre. Ces groupes n’ont pas de spécialité, ils font tout : de la presse, de la musique, du cinéma, de la publicité, du sport…ce sont eux les principaux acteurs de la globalisation ». 

Une fois le constat dressé et la critique formulée, que faire ? Le directeur du Monde diplomatique a l’honnêteté intellectuelle de répondre qu’il ne sait pas. Pour les acteurs de l’Internet citoyen, la lutte contre la concentration des moyens de communication passe par la démocratisation de l’accès à Internet, perçu comme le dernier réseau qui reste ouvert et où le contrôle du contenu de l’information est plus difficile. L’APC, qui apporte son soutien à des organisations non gouvernementales et des mouvements sociaux défend l’idée que la société civile doit développer un « usage stratégique » d’Internet. Comment ? En développant par exemple des télécentres pour permettre aux populations exclues d’accéder au Réseau. Et de proposer la création de portails pour les pays du Sud afin de « contrer le projet de grand portail unique de la Banque mondiale ». 

Mais la stratégie que semblent retenir les « cybermilitants » pour entamer la reconquête citoyenne de la communication est celle de créer sur le Web une agence de presse internationale et indépendante. Concrètement, il est proposé de reprendre l’initiative de la Ciranda (voir article du 28 janvier) - qui a couvert le Forum grâce à la mise en commun du travail d’une cinquantaine de journalistes professionnels et amateurs - en l’ouvrant aux mouvements sociaux. Pour Joëlle Palmieri, des Pénéloppes, comme pour Ignacio Ramonet, il ne faut pas tomber dans les travers de la contre-information. « Il nous faut élaborer des stratégies de contrôle de la diffusion de l’information pour contrer la concentration industriellle, mais il ne faut pas s’enfermer dans l’alternatif » qui est la tendance de beaucoup d’agences dites de « contre-information » qui fleurissent actuellement sur la Toile. C’est pourtant bien la voie que semblent prendre une partie des participants du Forum en annonçant, à grand renfort de brochures publicitaires, le lancement de Carta Maior, une « agence alternatives d’information » brésilienne qui s’appuie sur le Réseau et entend devenir une plate-forme internationale pour tous les mouvements réunis à Porto Alegre. 

Autant dire que les défenseurs d’Internet, s’ils ont pu rencontrer et échanger avec les divers mouvements sociaux représentés à Porto Alegre, ne parlent pas encore d’une même voix. C’est pourquoi certaines voix commencent à s’élever pour réclamer, fortes de cette première expérience, la tenue d’un « Forum mondial sur la société de l’information ». En attendant une Internationale de l’Internet ! 

Source: Le Monde (30/01/2001)


Porto Alegre contre Davos, l’Internet citoyen contre la Netéconomie

Depuis trente ans, les maîtres du monde se réunissent à Davos pour la grande parade de la World Company : le Forum économique mondial. Cette année encore, 1000 « top business leaders », 250 « political leaders » et 250 « world media leaders » sont attendus du 25 au 30 janvier dans la petite station de sports d’hiver suisse pour décider à quelle sauce néolibérale sera croqué le siècle qui s'ouvre. Aux mêmes dates, mais à quelques milliers de kilomètres de l’autre côté de l’Atlantique, tous ceux qui ne font pas partie du club très fermé des « global leaders », et ils sont un certain nombre, se sont donné rendez-vous à Porto Alegre, dans le sud du Brésil, pour le premier Forum social mondial (FSM).

Le Brésil contre la Suisse. Le social contre l’économie

Deux approches antagonistes de la mondialisation… et de l’usage des nouvelles technologies. A Davos, les patrons des multinationales dissertent sur les résultats en dents de scie du Nasdaq et les bénéfices qu’ils ont à tirer du financement de la lutte contre la « fracture numérique ». A Porto Alegre, organisations non gouvernementales, associations, syndicats et mouvements de citoyens des quatre continents débattent de la « fracture mondiale » - numérique ou pas - entre pays riches et pays pauvres, des OGM et de la bioéthique, du monopole de l’information et de sa réappropriation par les citoyens à l’heure d’Internet. 

Les organisateurs du FSM, des ONG brésiliennes et l’Association pour la taxation des transactions financières et l’aide aux citoyens (ATTAC) affichent la couleur : « Le Forum social mondial sera un nouvel espace international pour la réflexion et l’organisation de tous ceux qui s’opposent aux politiques néo-libérales et construisent des alternatives pour donner la priorité au développement humain et mettre fin à la domination des marchés financiers dans chaque pays et dans les relations internationales. »

Il s’agit donc de dépasser la phase protestataire, amorcée à Seattle en novembre 1999 contre l’Organisation mondiale du commerce, pour proposer et théoriser une mondialisation à visage humain et jeter les bases d’un véritable contre-pouvoir à la « pensée du marché ». Le choix de Porto Alegre n’est pas innocent. Dirigée depuis douze ans par le Parti des travailleurs, la cité, considérée comme un véritable « laboratoire social », expérimente la démocratie participative en permettant à ses habitants de décider de l’affectation des fonds municipaux, notamment via des services en ligne très développés. Outre les figures de proue de la lutte antimondialisation (de José Bové à Ralph Nader), plusieurs milliers de militants et quelque 500 associations sont attendus dans la capitale de l’Etat de Rio Grande do Sul. A l’instar de Public Citizen, de Ralph Nader, ou de 50 Years Is Enough !, qui ont cristallisé la protestation internationale contre l’OMC, certaines sont très actives sur le Réseau, quand d’autres, telles l’Association pour le progrès des communications (APC) ou l’Agence latino-américaine d’information (Alai) militent pour un Internet solidaire au service de la société civile.

Le Réseau, qui a joué un rôle majeur dans la construction et la coordination du mouvement antimondialiste et a largement contribué à préparer le forum lui-même (des groupes de travail se sont constitués sur la Toile pour organiser les ateliers qui se tiendront quotidiennement selon des thématiques différentes), sera l’un des enjeux d’un forum qui entend poser un jalon de plus vers « la naissance d’une citoyenneté planétaire s’enracinant dans les luttes sociales locales et nationales ».

Source: Le Monde (29/01/2001)


”L’idée du Forum social mondial de Pôrto Alegre est peut-être née de l’Internet”

Laurent Jesover, webmestre d’ATTAC, Association pour la taxations des transactions financières pour l’aide aux citoyens, est actuellement à Zurich, en Suisse, où il assiste à une conférence internationale réunissant les mouvements de résistances internationales aux effets de la globalisation. Il participera demain à la contre-manifestation (toujours interdite) de Davos. Joint par téléphone, Laurent Jesover explique comment les associations tirent pari du Net. Mais surtout, comment le mouvement social se mobilise sur le Réseau pendant les réunions de Davos et de Pôrto Alegre.

Menez-vous des actions spécifiques sur la Toile à l’occasion des réunions de Davos et Pôrto Alegre ?

Notre but est surtout d’informer – via notre site ou nos listes de discussion - nos réseaux militants sur ce qui se passe à Davos et à Pôrto Alegre, où se déroule pour la première fois le Forum social mondial. Nous avons monté par exemple une équipe internationale de journalistes [portugais, français] et de volontaires, tous membres d’ATTAC, afin d’éditer un bulletin d’information quotidien. En dehors d’ATTAC, d’autres initiatives sont également prévues sur la Toile. Un pont audiovisuel reliant par satellite la Suisse et le Brésil sera organisé dimanche. Il réunira les représentants du monde économique de Davos et ceux du monde social de Pôrto Alegre. L’événement sera diffusé sur Internet en différé, mardi, pour des questions de budget, sur madmundo.tv

Que change Internet dans la diffusion d’informations sur ce genre de rendez-vous internationaux ?

L’avantage, c’est que l’information provient d’un réseau décentralisé. En complément aux agences de presses et aux médias traditionnels. Pour le site d’ATTAC, qui met à disposition des associations ATTAC des autres pays une infrastructure technique, il existe environ 60 webmestres. Ils disposent tous d’un code d’accès à l’administration d’une partie du site. Un membre d’ATTAC Portugal pourra ainsi modifier le contenu d’ATTAC Portugal rapidement. Pour diffuser une information urgente, par exemple. Indymedia a poussé cette souplesse d’une organisation décentralisée à l’extrême. Chacun a ainsi la possibilité de publier, par l’intermédiaire du Web, une contribution sur le site. 

Existe-t-il des échanges sur la Toile entre les militants présents à Davos et Pôrto Alegre ? Sont-ils susceptibles de peser sur l’ambiance des deux réunions ?

Nous échangeons des mails avec les personnes présentes à Pôrto Alegre. Cela nous permet de nous tenir au courant du déroulement des débats. En ce qui concerne les interactions entre les deux forums, il faut attendre demain. Pour le moment, la police suisse interdit toute manifestation à Davos. S’il s’avère que des faits gravissimes se passent à Davos, les délégués du Forum social mondial pourraient prendre position rapidement. 

Des débats sont-ils prévus sur le rôle et l’usage d’Internet dans les mouvements sociaux à Pôrto Alegre ?

Deux ateliers de travail sur ce sujet sont au programme du Forum social mondial. Ce qui est sûr, c’est que depuis quelque temps Internet a permis à des associations de sensibilités différentes de se mettre en contact les unes avec les autres. À un niveau international. Par l’intermédiaire de sites ou de listes de diffusion, elles ont pu échanger leurs réflexions. De ce point de vue, le constat qui émerge de ces collaborations est qu’Internet crée du lien social. D’une certaine manière, l’idée du Forum social mondial est peut-être née de l’Internet.  

Source: Transfert (27/01/2001)

Davos ou Porto Alegre 

Difficile pour vous d'assister au WEF (World Economic Forum) de Davos et au FSM (Forum Social Mundial), le contre-sommet de Porto Alegre, qui se tiennent du 25 au 30 janvier ? Pas de problème : le Web est là pour vous tenir informé, en direct de la Suisse et du Brésil. Tout d'abord, les deux sites officiels (forumsocialmundial.org et weforum.org) vous assureront une information quotidienne mais... partisane. Les reportages de l'Independent Media Center constitue une excellente alternative... pour les anglophones. Pour ceux qui veulent du live et aiment les débats contradictoires, Madmundo.tv organise un duplex en direct (et en français) dimanche 28 janvier à partir de 17h00 (heure de Paris) pour confronter deux visions opposées de la mondialisation. Enfin, n'oubliez pas que vous pouvez utiliser un gadget et envoyer des messages aux participants du sommet de Davos (pas les manifestants, encore interdits de rue) à partir de 17h00 tous les jours sur hellomrpresident.com. Le courriel, une fois filtré par la rédaction de la radio suisse pour éviter les excès (prévisibles), sera ensuite projeté par laser en lettres géantes sur l'une des pistes de ski dominant la station, au nord de la ville. Cyberdémocratie quand tu nous tiens !

Source: L'Internaute (26/01/2001)


Mais où sont passés les militants de l’Internet citoyen ? 

A Porto Alegre, les militants de l’Internet citoyen se font rares, dans un forum où l’importance de l’Internet n’a apparemment pas été assez prise en compte par les organisateurs. 

Des centaines de drapeaux claquent au vent. Rouges pour la plupart, certains avec un marteau et une faucille, d’autres frappés des lettres « P » et « T », du sigle du Parti des travailleurs au pouvoir depuis douze ans. Plusieurs dizaines de milliers de personnes s’agitent gaiement dans le gigantesque amphithéâtre naturel de pôrdosol (porte du Soleil). Manu Chao ne chantera pas ce soir, mais des artistes du cru local ne tardent pas à le faire oublier. Il est 20 h 30, le premier Forum social mondial vient officiellement de commencer à Porto Alegre, dans le sud du Brésil.
 

Parmi la vague de drapeaux rouges, ceux de l’association Attac sont à peine visibles, et encore ce sont ceux du collectif argentin. Pourtant, ils sont arrivés en force ce matin. Un avion en partance de Paris avait quasiment été repeint à leurs couleurs, quelques figures bien connues du monde politique français, parmi lesquels Alain Krivine, Harlem Désir ou encore Jean-Pierre Chevènement, venant donner une teinte plus bariolée à l’ensemble.

Bien difficile dans toute cette cohorte de militants-intellectuels-politiques de gauche de distinguer la tête d’un représentant de l’Internet citoyen. Rien d’étonnant, pourtant, à en croire Frédéric Sultan, le seul membre de Vecam, l’une des associations phares de l’Internet citoyen en France et en Europe, à avoir fait le déplacement au Brésil : « Les mouvements qui ont monté Porto Alegre se posent d’abord des questions en termes de fiscalité, de commerce, de rapports Nord-Sud et toutes les questions qui touchent à la mondialisation. Les réseaux qui s’occupent du développement d’Internet ne sont pas forcément dans cette mouvance-là. » 
Joelle Palmieri, présidente-fondatrice des Pénéloppes, un collectif féministe très actif sur le Réseau, et qui est également du voyage, a un autre avis sur la question: « Les organisateurs du Forum social mondial n’ont pas assez pris en compte la question de la communication. Or, c’est un enjeu politique majeur. On ne peut pas constater qu’il y a un mouvement international qui se met en place depuis Seattle et ne pas concevoir des modes d’information radicalement différents de ceux que propose le néolibéralisme. Et Internet doit jouer un rôle fondamental. Si on en perd le contrôle, comme c’est en train de se passer avec les fusions AOL-Time Warner et Vivendi-Universal, on est foutu. Aujourd’hui, c’est encore ouvert, donc il faut réagir vite, faire des propositions maintenant. » Les 27 et 28, dans le cadre du Forum, les « Pénéloppes » co-organiseront, avec diverses associations qui militent pour le développement d’Internet, des ateliers sur les perspectives ouvertes par Internet à la communication citoyenne.

Frédéric Sultan est plus mesuré et pragmatique. Il espère seulement tirer profit du Forum pour pouvoir nouer le plus de contacts possibles avec les mouvements sociaux et politiques qui ne sont a priori pas sensibilisés aux problématiques d’Internet (développement du Réseau dans les pays du Sud, le e-learning…). « Après ce qui s’est passé à Barcelone, il est temps pour nous de nous connecter avec d’autres réseaux dont les principales préoccupations ne tournent pas autour d’Internet. » Il leur reste cinq jours pour y parvenir.

Source: Le Monde (26/01/2001)


Davos en direct 

Le Forum économique mondial de Davos, qui réunit une trentaine de chefs d'Etat et de gouvernement, 80 ministres et l'élite internationale des affaires et de l'économie, prend cette année beaucoup d'envergure sur Internet. 

Le Forum, qui dure jusqu'au 30 janvier, a commencé ses travaux avec un débat sur la situation économique aux Etats-Unis, dont le ralentissement de la croissance inquiète le reste de la planète. Les personnalités vont également plancher sur la façon de "soutenir la croissance et combler les écarts" entre riches et pauvres, "stabiliser le rythme de la mondialisation" et réduire le fossé digital. Mais cette année, la planète entière pourra participer au forum économique, grâce notamment à Internet et à quelques initiatives originales. En effet, outre les retransmissions en direct de la salle de conférence plénière, et les résumés en vidéo consultables le lendemain sur le site du Forum, les internautes sont invités à envoyer leurs questions et leurs commentaires, qui seront ensuite discutés par les invités. Mais si ce niveau d'interactivité ne suffit pas à satisfaire les internautes, ces derniers pourront toujours se brancher sur le site hellomrpresident.com, où ils pourront laisser des messages qui seront projetés par laser sur une paroi neigeuse surplombant le site du Forum. Selon le site Swissinfo, organisateur de cette façon originale de communiquer avec les puissants de la planète, les centaines de personnalités et les milliers de journalistes présents ne pourront pas ne pas voir ces messages, projetés en lettres de 15 mètres de haut. 

Sources: Les News.net (25/01/2001)   
Mondialisation : la confrontation en ligne

Davos et Porto Alegre présenteront deux visages de la mondialisation. Les décideurs politiques et financiers se retrouvent aujourd’hui dans le petit village suisse. De l’autre côté de l’Atlantique, au Brésil, le monde associatif se réunit pour la première fois autour du Forum social mondial. Entre les deux, le Réseau, notamment…

Le premier n’est lisible qu’en anglais. L’autre se décline en quatre langues. Les deux sites parlent mondialisation, mais pas de la même façon. Tant sur la forme que sur le contenu, tout oppose le site de Davos et celui du Forum social mondial. D’un côté, donc, Davos et ses cravates. Un petit village suisse où se retrouvent du 25 janvier au 30 janvier, chefs d’entreprises et politiques venus discuter globalisation du monde. De l’autre, Porto Alegre et ses milliers de représentants du monde associatif. Une ville du Brésil qui accueille pour la première fois un "Forum social mondial" (FSM) aux mêmes dates que le Forum économique mondial de Davos. Le comité d’organisation – plusieurs associations brésiliennes – veut montrer ainsi que la mondialisation proposée par Davos n’a rien d’inéluctable. L’ambition ? Créer "un nouvel espace international pour la réflexion et l’organisation de tous ceux qui s’opposent aux politiques néolibérales et construisent des alternatives pour donner priorité au développement humain".

Le choix du lieu est symbolique. Porto Alegre est une municipalité de gauche, engagée dans la démocratie participative et capitale d’un État, le Rio Grande do Sul, considéré comme un laboratoire social. Un exemple pour beaucoup d’organisations gauchistes. Pour participer aux débats et exposer leurs points de vue, plusieurs associations françaises ont délégué des représentants à Porto Alegre. Les plus riches en ont aussi envoyé en Suisse pour participer à la contre-manifestation organisée entre Zurich et Davos. Problème : comment faire communiquer les militants anti-mondialisation d’un côté à l’autre de l’Atlantique ? "Nous ne sommes pas très sûrs d’avoir assez de temps pour s’envoyer des mails. On se servira plutôt des sites d’information pour se tenir au courant", explique Laurent Jesover, webmaster d’Attac (Association pour la taxation des transactions financières). Avec une autre militante, il part pour Davos vendredi, ordinateur sous les bras, pour assiter à des conférences à Zurich, le vendredi, et prendre part à la contre-manifestation prévue samedi matin (et pour l’instant interdite) à Davos.

À l'opposé d'un débat d'idée

Neuf militants d’Attac seront présents au Brésil. Si tout se passe bien, ils devraient mettre en ligne quotidiennement, et en trois langues, l’actualité du forum social. L’Agence multimédia d’information citoyenne a, elle, envoyé une militante, caméra au poing pour diffuser son et images régulièrement sur informationcitoyenne.org. Après les sommets de Seattle, Prague et Nice, le réseau sera une nouvelle fois au centre du système d’information mis en place par certaines associations, habituées à diffuser et échanger sur la Toile. "Internet peut permettre de décloisonner une manifestation comme Davos en diffusant un maximum d’informations vers l’extérieur, confie Jean-Phillipe Joseph, militant, qui participe à la coordination de la contre-manifestation de Davos. Ce contre quoi nous luttons à Davos, c’est aussi le fait que ce soit un Forum privé, complètement fermé à l’extérieur. À l’opposé d’un débat d’idées permettant des échanges réels."

Information contributive 

Le site d’Indymedia France, créé le 30 juin dernier lors de la mobilisation de soutien à José Bové à Millau, publie les témoignages provenant des militants. "Nous ne faisons pas du journalisme, mais de l’information contributive", précise Gilles Klein, resté à Paris pour mettre en ligne les différentes contributions. À la veille de l’ouverture du forum économique mondial de Davos, le site relayait les premières infos, notamment celle concernant un bus de militants refoulé à la frontière Suisse... Sur le site du Forum social, même principe. Une coordination de journalistes mettra en ligne des informations et une partie du site sera ouverte à l’ensemble des participants présents à Porto Alegre. Apôtre du libre échange mondial, le Forum de Davos n'a bizarrement pas choisi la même démarche : seule la rubrique "La phrase du jour" est ouverte aux participants. Jeudi 25 janvier, c'est une phrase de Pierre Sané, secrétaire général d'Amnesty International, qui avait été retenue : "Je crois que c’est dans l’intérêt des affaires de voir les droits de l’homme protégés." Comme quoi, le libéralisme a aussi une conscience.

Source: Transfert (25/01/2001)