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Pendant 40 années, la plus grande agence de renseignements de Nouvelle Zélande, le Bureau de la Sécurité des Communications du Gouvernement (GCSB) l'équivalent de l'Agence de la Sécurité Nationale Américaine (NSA), avait aidé ses alliés de l'Ouest à espionner des pays de la région du Pacifique, sans que la population de la Nouvelle Zélande ou même beaucoup de ses plus hauts fonctionnaires élus ne soient au courant. Ce que la NSA ne savait pas c’est qu’à la fin des années 80, plusieurs membres du personnel des renseignements avaient décidé que ces activités avaient été trop secrètes pendant trop longtemps, et me fournissait des interviews et des documents qui exposaient les activités de renseignements de la Nouvelle Zélande. Finalement, plus de 50 personnes qui travaillent ou ont travaillé dans les renseignements et dans des domaines apparentés ont consenti à être interviewées. Les activités qu'ils
ont décrites, provenant du Pacifique sud, permettent de se documenter,
sur quelques systèmes d’alliances larges et projets qui ont été
gardés secrets ailleurs. Le système ECHELON est de loin le
plus important d’entre eux. Conçu et coordonné
par la NSA, le système ECHELON est utilisé pour intercepter
d’ordinaires e-mail, fax, télex, et les communications téléphoniques
transportés sur les réseaux de télécommunications
mondiaux. Contrairement à beaucoup de systèmes d'espionnage
électronique développés pendant la Guerre Froide,
le système ECHELON est conçu à l’origine pour des
cibles non-militaires : gouvernements, organisations, entreprises, et individus
dans virtuellement chaque pays. Il affecte potentiellement chaque personne
qui communique entre (et quelquefois dans) des pays n'importe où
dans le monde. Ce n’est bien sûr pas
une nouveauté que les organisations de renseignements mettent sur
écoute des e-mail et autres réseaux de télécommunications
publics. Ce qui était nouveau en matière de fuite par le
personnel des renseignements de la Nouvelle Zélande était
la précision de l'information sur où l'espionnage est fait,
comment le système travaille, ses capacités et ses défauts,
et beaucoup de détails tels que les noms de code. Le système ECHELON
n'est pas conçu pour intercepter les e-mail ou les liaisons par
fax d’un individu particulier. Le système travaille plutôt
en interceptant de très grandes quantités de communications
sans faire de distinction et utilisant des ordinateurs afin d’identifier
et d’extraire des messages dignes d'intérêt de la masse de
ceux non désirés. Une chaîne d'installations d'interceptions
secrètes a été établie autour du monde pour
mettre sur écoute tous les composants majeurs des réseaux
de télécommunications internationaux. Quelques-unes sont
à l’écoute des satellites de communications, d’autres basées
à terre à l’écoute des réseaux de communications,
et enfin, d’autres à l’écoute des communications par radio.
Le système ECHELON lie toutes ces installations ensemble et fournit
aux Etats-Unis et à ses alliés la capacité d'intercepter
une grande proportion des communications sur la planète. Les ordinateurs de chaque
station dans le réseau ECHELON recherchent automatiquement à
travers les millions de messages interceptés ceux qui contiennent
des mots-clés préprogrammés. Les mots-clés
incluent tous les noms, localités, sujets qui peuvent être
mentionnés, et ainsi de suite. Chaque mot de chaque message intercepté
à chaque station est recherché automatiquement, qu’il s’agisse
d’un numéro de téléphone spécifique ou d’une
adresse e-mail présent ou non sur la liste Les milliers de messages
reçus simultanément sont lus en temps réel au moment
même où ils arrivent dans la station, heure après heure,
jour après jour, et l’ordinateur trouve des renseignements dans
les meules de foin que représentent les télécommunications. |
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Quelqu'un écoute!
Les ordinateurs dans les
stations autour du globe sont au courant, tout comme les Dictionnaires
du système ECHELON, dans la limite du réseau. Les ordinateurs
peuvent rechercher automatiquement à travers le trafic des mots-clés
qui existent depuis au moins les années 70, mais le système
ECHELON a été conçu par la NSA pour interconnecter
tous ces ordinateurs et permettre aux stations de fonctionner comme composantes
d'un tout intégré. La NSA et le GCSB sont liés par
un accord anglo-américain sur les signaux de renseignements regroupant
cinq pays. Les trois autres partenaires avec des noms également
obscurs sont les Quartiers généraux des Communications du
Gouvernement (GCHQ) en Grande-Bretagne, l'Établissement de la Sécurité
des Communications (CSE) au Canada, et le Conseil d'administration de Signaux
de Défense (DSD) en Australie. L'alliance, qui a grandi
grâce à des efforts de coopération à intercepter
des transmissions radio pendant la Deuxième Guerre mondiale, a été
organisée dans le cadre de l'accord anglo-américain en 1948
et était dirigée à l’origine contre l'URSS. Les cinq
agences anglo-américaines sont aujourd'hui les plus grandes organisations
de renseignements dans leurs pays respectifs. Avec le business mondial
qui a lieu par fax, e-mail, et téléphone, l’espionnage de
ces communications reçoit la plus grosse partie des ressources des
renseignements. Pendant les décennies qui précédèrent
l’introduction du système ECHELON, les alliés anglo-américains
ont fait collection d’opérations de renseignements pour l'un et
pour l'autre, mais chaque agence avait pour habitude de traiter et d’analyser
les interceptions de ses propres stations. Sous ECHELON, un ordinateur
Dictionnaire d'une station particulière contient non seulement les
mots-clés choisis par son agence mère, mais aussi des listes
entrées par les autres agences. Dans la station d'interception satellite
de Nouvelle Zélande à Waihopai (dans l'Île du sud),
par exemple, l'ordinateur a des listes de recherche distinctes pour la
NSA, GCHQ, DSD, et CSE en plus de la sienne. Quand le Dictionnaire rencontre
un message contenant un des mots-clés des agences, il le sélectionne
automatiquement et l'envoie directement aux quartiers généraux
de l'agence intéressée. Personne en Nouvelle Zélande
ne filtre, ou même voit, les renseignements collectés par
la station de Nouvelle Zélande pour les agences étrangères.
Par conséquent, les stations des plus jeunes alliés des anglo-américains
fonctionnent pour la NSA comme si ces stations étaient sur le sol
américain. Le premier composant du réseau
ECHELON est les stations qui ont pour cible les satellites de télécommunications
internationaux (Intelsats) utilisés par les compagnies de téléphone
de la plupart des pays. Une ceinture d'Intelsats est placée autour
du monde, stationnaires au-dessus de l'équateur, chacun desservant
une station relais pour des dizaines de milliers de coups de téléphone
simultanés, fax, et e-mail. Cinq stations anglo-américaines
ont été établies pour intercepter les communications
transmises par les Intelsats. La station GCHQ britannique
est localisée au sommet de hautes falaises surplombant la mer à
Morwenstow dans la région des Cornouailles. A côté
des tentaculaires bâtiments des opérations, les antennes paraboliques
sont pointées en direction des Intelsats au-dessus de l'Atlantique,
de l’Europe et inclinées presque à l’horizontale pour l’océan
indien. Une station de la NSA à Sugar Grove est implantée
à 250 kilomètres au sud-ouest Washington DC, dans les montagnes
de l’Ouest de la Virginie, elle couvre les Intelsats de l’Atlantique transmettant
en direction de l’Amérique du Nord et du sud. Une autre station
de la NSA est dans l’état de Washington, 200 kilomètres au
sud-ouest de Seattle, à l'intérieur du Centre de tir Yakima
de l’armée. Ses antennes paraboliques sont pointées en direction
des Intelsats du Pacifique et vers l'Est. Le travail d’interception
des communications Intelsat du Pacifique qui ne peuvent être interceptées
à Yakima revient à la Nouvelle Zélande et à
l’Australie. Leur emplacement dans le Pacifique sud aide à assurer
l'interception mondiale. La Nouvelle Zélande fournit la station
à Waihopai et l'Australie fournit la station de Geraldton située
dans l’ouest de l’Australie (laquelle cible les Intelsats des océans
Pacifique et indien). Chacun des ordinateurs Dictionnaire
des cinq stations a un nom de code pour le distinguer des autres dans le
réseau. La station Yakima, par exemple, localisée dans une
région désertique entre les Saddle Mountains et Rattlesnake
Hills, a le Dictionnaire COWBOY, pendant que la station Waihopai a le Dictionnaire
FLINTLOCK. Ces noms de code sont enregistrés au début de
chaque message intercepté, avant qu'il soit transmis au réseau
ECHELON et permet aux analystes de reconnaître à quelle station
a eu lieu l'interception. Le personnel des renseignements
de Nouvelle Zélande est impliqué de près avec la station
Yakima de la NSA depuis 1981, quand la NSA a poussé le GCSB à
contribuer à un projet visant les communications de l'ambassade
japonaise. Depuis lors, l’ensemble des cinq agences anglo-américaines
est responsable de l’écoute des câbles diplomatiques de tous
les postes japonais dans les mêmes parties du globe auxquelles elles
sont assignées pour l’écoute anglo-américaine. Jusqu'à
l’intégration de la Nouvelle Zélande dans le système
ECHELON avec l'ouverture de la station Waihopai en 1989, sa part de communications
japonaises était interceptée à Yakima et envoyée
non traitée aux quartiers généraux GCSB à Wellington
pour décryptage, traduction, et transcription dans le format des
rapports de renseignements (la NSA fournit le programme de décodage). |
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Communication par satellites
Un autre composant du système
ECHELON intercepte une gamme de communications de satellite qui ne sont
pas transmises par Intelsat. En plus des stations anglo-américaines
visant les satellites Intelsat, il y a encore cinq stations ou plus, pointées
sur les satellites de communications de la Russie et d’autres régions
du globe. Ces stations sont Menwith Hill dans le nord de l’Angleterre;
Shoal Bay, à l'extérieur de Darwin dans le nord de l’Australie
(qui cible les satellites indonésiens) ; Leitrim, juste au sud d'Ottawa
au Canada (qui semble intercepter les satellites latino-américains);
Bad Aibling en Allemagne; et Misawa dans le nord du Japon. Un groupe d'installations
basé à terre et qui se met directement à l’écoute
des systèmes de télécommunications est le dernier
élément du système ECHELON. En plus des satellites
et des communications radio, l'autre moyen important pour transmettre de
grandes quantités de communications pour les particuliers, pour
le business, et les gouvernements, est une combinaison de câbles
déposés au fond des océans et des réseaux de
micro-ondes sur terre. Les câbles lourds, déposés au
fond des mers entre les pays, représentent un grand nombre de communications
internationales à travers le monde. Lorsqu'ils sortent de l'eau
pour rejoindre les réseaux de micro-ondes basés à
terre, les câbles sont très vulnérables aux interceptions.
Les réseaux de micro-ondes sont composés d’antennes situées
au sommet de collines qui relaient des messages (toujours dans ligne de
vue) à travers la campagne. Ces réseaux transfèrent
de grandes quantités de communications à travers un pays.
L'interception de ces réseaux donne accès aux communications
sous-marines internationales (une fois que les câbles refont surface)
et aux communications interurbaines internationales à travers les
continents. Ils sont aussi une cible évidente pour l’interception
à grande échelle de communications domestiques. Parce que les installations
nécessitaient, pour intercepter les communications radio et satellite
d’utiliser de grandes antennes et paraboles qui sont difficiles à
cacher longtemps, ce réseau est assez bien documenté. Mais
tout ce qui est nécessaire pour intercepter des réseaux de
communication basés à terre est un bâtiment situé
le long du chemin des micro-ondes ou un câble souterrain caché
allant du réseau légitime à un quelconque bâtiment
anonyme, peut-être prélevé loin. Bien que cela semble
techniquement très difficile, l'interception des micro-ondes de
l'espace par les satellites espions des Etats-Unis a aussi lieu. Le réseau
mondial d'installations pour intercepter ces communications est en grande
partie non documenté, et parce que le GCSB de la Nouvelle Zélande
ne participe pas à ce type d'interception, mes sources à
l'intérieur du GCSB ne pouvaient pas non plus m’aider. |
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Source: Le système Echelon (28/08/1999) |