Attentats US: la faillite d'Echelon?

 


 

Les défaillances d'un autre service de renseignement inquiètent l'Amérique

Des révélations sur de nouvelles défaillances d'un service de renseignement américain avant le 11 septembre - l'Agence de sécurité nationale (NSA), chargée des écoutes dans le monde - inquiètent l'Amérique alors que le FBI met en garde contre de nouveaux attentats.

Selon des sources parlementaires, le patron de la NSA, le général Michael Hayden, a indiqué mercredi devant la commission conjointe du Congrès chargée d'enquêter sur les attentats de New York et Washington que ses services avaient intercepté le 10 septembre deux messages sibyllins annonçant probablement les attentats du lendemain.

"Demain c'est le jour zéro" et "Le match commence demain", disaient ces messages, selon les fuites faites à la presse. Mais ces messages interceptés, en arabe, n'auraient été traduits que le 12 septembre.

Le président George W. Bush a laissé éclater sa colère jeudi en apprenant qu'une nouvelle fois des sources anonymes parlementaires avaient dévoilé des déclarations ou informations confidentielles.

"Le président est profondément préoccupé par ces fuites inappropriées qui peuvent compromettre nos sources et nos méthodes et potentiellement affecter la capacité de l'Amérique à mener la guerre contre le terrorisme", a déclaré son porte-parole, Ari Fleischer.

La NSA - la plus secrète des agences américaines de renseignement - recueille chaque jour des millions de messages grâce à ses satellites espions ou l'interception de conversations téléphoniques ou informatiques. Mais, selon les experts, elle n'a pas assez d'analystes pour exploiter rapidement la masse énorme d'informations enregistrées. Les messages du 10 septembre étaient d'ailleurs sans doute trop vagues pour avoir pu alerter précisément le pouvoir politique quant à l'imminence d'attentats.

Ces dernières semaines, le FBI (police fédérale) a été sous les feu des critiques pour avoir ignoré, par manque de jugement ou pour raisons bureaucratiques, les mises en garde d'agents concernant le désir subit de Proche-Orientaux d'apprendre à piloter des avions, y compris le Français Zacarias Moussaoui. Ce dernier doit prochainement être jugé aux Etats-Unis. La CIA - dont le champ d'action est le renseignement à l'étranger - a ensuite été accusée de ne pas avoir transmis au FBI des fiches concernant deux des futurs pirates de l'air.

C'est pour mieux centraliser les renseignements épars sur le terrorisme, alors que la rivalité entre CIA et FBI est de notoriété publique depuis des décennies, que la Maison Blanche a poussé au renforcement du FBI en matière de contre-espionnage et qu'elle vient de créer un "super-ministère" chargé de la Sécurité intérieure.

Tom Ridge, qui est chargé de sa mise en place, est venu jeudi présenter le projet aux sénateurs, leur demandant d'approuver rapidement la création de ce super-ministère.

Le FBI est pour sa part sur le qui-vive. La police fédérale a fait état mercredi d'informations sur la possibilité d'attentats le 4 juillet, jour de la fête nationale américaine.

"Le quartier-général du FBI a adressé un message électronique à ses 56 antennes portant sur une information non corroborée sur une possible attaque terroriste aux Etats-Unis", a expliqué un porte-parole, Debbie Wierman. Les responsables des unités antiterroristes du FBI, disséminés à travers le pays, ont été conviés dans les prochains jours à Washington afin de recevoir des instructions plus spécifiques.

Source : Netscape Infos - AFP (20/06/2002)

 

M. Bush remonte le moral de l'énigmatique NSA

Le président George W. Bush s'est rendu, mardi 4 juin, au siège de l'Agence de sécurité nationale américaine (NSA), à Fort Meade, dans le Maryland, au nord de Washington, où il s'est employé à remonter le moral des agents des services de renseignements américains, secoués depuis plusieurs semaines par les révélations sur leurs défaillances dans la lutte anti-terroriste avant les attentats du 11 septembre et les règlements de comptes entre agences. Il a notamment "remercié les hommes et les femmes qui contribuent à la sécurité de ce pays", soulignant le "rôle-clé" de la NSA. Le chef de l'Etat a reconnu que le FBI et la CIA n'avaient pas suffisamment coopéré dans le passé, mais a, par ailleurs, estimé que les attentats de New York n'auraient sans doute pas pu être évités même si les services de renseignements avaient su mieux exploiter les informations dont ils disposaient avant ces attaques.

Le président a minimisé les règlements de comptes auxquels le FBI et la CIA paraissent se livrer par presse interposée depuis quelques jours pour éviter de faire figure de bouc émissaire en raison de leurs dysfonctionnements du passé. De son côté, Ari Fleischer, porte-parole de la Maison Blanche, a souligné que M. Bush "garde foi et confiance dans les personnels de la CIA, du FBI, de la NSA et des autres agences de renseignements et il estime qu'ils font le travail qu'ils doivent faire".

"Une agence qui n'existe pas"

Mais quel est le rôle précis de cet organe des renseignements américains ? La NSA, branche du ministère de la défense chargée de protéger les Etats-Unis, a la double responsabilité de veiller à la sécurité des systèmes de renseignement et de fournir des informations sur l'étranger à la Maison Blanche et à l'armée. Avec la réputation d'être si secrète que les lettres de son sigle sont couramment détournées pour signifier "No Such Agency" ("Une agence qui n'existe pas"), la NSA est connue pour ses prouesses en décryptage de codes et ses capacités technologiques qui lui permettent d'écouter des conversations et d'intercepter des transferts de données partout dans le monde.

Faisant partie des 13 organisations fédérales dans le domaine des renseignements américains, la NSA a été créée en 1952 par le président Harry Truman et est devenue l'un des principaux centres d'analyse et de recherche des renseignements en langue étrangère. L'agence intercepte et analyse des signaux électromagnétiques émanant de l'étranger, fournit des renseignements à la Maison Blanche, au chef d'état-major interarmées, aux commandants en chef, au département d'Etat ou à la CIA. Sur décision de Washington, l'agence fournit également des renseignements aux forces multinationales et aux alliés des Etats-Unis. Elle protège les informations gouvernementales classées ou sensibles.

Un des succès historiques de la NSA remonte à la deuxième guerre mondiale lorsque les Etats-Unis avaient réussi à décrypter un code japonais et découvert des plans d'invasion de l'île Midway Island. Elle a été aussi pionnière dans la conception d'un super-ordinateur pour décrypter les codes étrangers et a contribué à l'invention de la cassette magnétique en faisant des recherches sur le stockage.

Quelque sept milliards de dollars sur les 30 milliards accordés par le gouvernement américain aux renseignements chaque année vont à la NSA et à ses affiliés, soit un budget deux fois plus important que celui de la CIA, selon le Washington Post. Réputée être le plus grand employeur de mathématiciens aux Etats-Unis, la NSA ne dit pas combien de personnes travaillent pour elle. L'essentiel de l'agence est basé dans le Maryland à Fort Meade, à environ 30 km de Washington.

Source: Le Monde (04/06/2002)

 

«Echelon ne piégera pas les terroristes»

«Croire que Ben Laden utilise des sites pornographiques en cachant des informations sensibles dans des images est complètement stupide.» Duncan Campbell, le journaliste anglais qui a révélé l'existence d'Echelon, le système d'écoute américain qui surveille le Net et les communications électroniques, est catégorique: «C'est un mythe: technophobe, anti-arabe et anti-porno. Il ne tient pas debout.» Si Ben Laden veut protéger ses communications, il n'a qu'à utiliser les technologies de cryptage que n'importe qui peut se procurer sur le Net.

De passage à Genève, l'enquêteur faisait le point mercredi soir sur l'utilité du réseau de surveillance Echelon. Son constat est sans appel pour la National Security Agency, qui a dépensé des milliards de dollars pour développer ces «grandes oreilles électroniques» afin de surveiller le réseau: «Les Etats-Unis n'ont pas vu venir les événements du 11 septembre parce que leur système veut tout écouter. Ils feraient mieux de contrôler moins de monde mais de manière plus intelligente.»

Pire: les Etats-Unis veulent, suite aux attentats, développer encore leur système de surveillance globale . «C'est une aberration! Cela met en péril les libertés individuelles sur le réseau, sans apporter de vraies réponses aux risques terroristes.»

Source: Le Temps (16/11/2001)

 

Des logiciels commerciaux adaptés à la lutte anti-terrorisme comme étecteurs de mensonges

Les services de sécurité et de renseignement américains s'attellent à modifier des logiciels de data mining et data crunching couramment utilisés pour détecter les fraudes de consommateurs et l'espionnage industriel à la lutte anti-terroriste. Ces nouvelles applications se heurtent toutefois à l'immense quantité de données collectées chaque jour par les super-ordinateurs du gouvernement fédéral, masse qui gêne la transformation de l'information en connaissance et en données opérationnelles. Certains craignent également que ces nouveaux logiciels ne favorisent des intrusions dans la vie privée allant au-delà des besoins de la sécurité nationale ou internationale.

Intelligence artificielle et renseignement

Des logiciels comme ceux la société américaine HNC Software ou écossaise Memex sont aujourd'hui couramment utilisés par de nombreuses sociétés commerciales travaillant en ligne ou non pour dépister la fraude. Basés sur l'intelligence artificielle, ils définissent des règles adaptées à la logique floue (Fuzzy logic) permettant de diagnostiquer des déviations avec des profils enregistrés dans des bases de données. Les sociétés de cartes de crédit les utilisent couramment pour prévenir les abus. Par exemple, lorsque le profil du titulaire d'une carte de crédit établit qu'il s'en sert essentiellement pour régler des notes de restaurant, d'hôtels et de pleins d'essence, de soudains achats de matériel électronique pour des sommes importantes auprès de firmes étrangères déclenche une alerte. Le numéro de la carte a pu être détourné par des escrocs. La plupart des sociétés de commerce électronique disposent de bases de profil-clients constituées par l'analyse des habitudes d'achat et par les cookies pour mieux cerner leur clientèle et lui adresser des offres ciblées appelées à un plus grand succès qu'un arrosage promotionnel. Des variantes de ces logiciels sont également mises en ouvre par des entreprises pour détecter et prévenir des tentatives d'espionnage industriel. Créer une société fictive est un instrument pour nouer un dialogue de type Business-to-Business avec une entreprise bien réelle et obtenir des renseignements sur ses clients, ses produits, sa stratégie commerciale. Sur le plan militaire, les logiciels de data mining (exploration des données) sont couramment employés pour analyser des renseignements sur les pays sensibles. En 1995, les logiciels de la Defense Intelligence Agency ont permis d'analyser des données sur l'Iraq donnant l'impression de préparatifs militaires analogues à ceux qui avaient précédé l'invasion du Kowait en 1990. Les conclusions des logiciels ont établi qu'il ne s'agissait pas d'une mobilisation, évitant ainsi un nouveau déploiement de troupes dans le Golfe.

Difficultés d'adaptation

Le projet d'utilisation de l'intelligence artificielle et des logiciels basés sur elle pour traquer des sociétés qui mentent sur leur taille, leur historique, l'ampleur de leur chiffre d'affaires, de leurs contrats, qui posent des réclamations invérifiables ou encore d'individus qui ont des trous dans leur curriculum vitae ou qui occupent soi-disant des fonctions incompatibles avec leur formation et leur expérience est séduisant et passionne les informaticiens. Il est évident que les terroristes, comme les criminels informatiques, dissimulent leur identité derrière des écrans. Mais pour créer des agents logiciels intelligents capables de passer au crible les sites Web pour détecter les informations inexactes ou non plausibles - cahier des charges résumé de la Defense Advanced research Projects Agency - il faudrait préalablement établir des profils de terroristes, ce qui est éminemment difficile avec un ennemi qui n'a pas de visage - physique ou électronique. Un ratissage trop large sur la base critères généraux ne serait d'aucune aide, estiment les experts, car il générerait une marée d'informations qui viendrait se superposer à celle déjà recueillie quotidiennement par les super-ordinateurs de la National Security Agency et de la Central Intelligence Agency. Or, le problème actuel des services de renseignements américains ne semble pas être le manque d'information, mais le trop-plein. Il manque des ressources logicielles, mais également humaines, pour évaluer correctement les informations. A titre d'exemple, la Drug Enforcement Administration avait créé un scandale voici trois ans en lançant une opération contre des clients d'une chaîne de super-marchés parce que ses logiciels d'analyse avaient relevé des achats massifs de petits sacs en plastique. Cela paraissait un indicateur de trafic de drogue, mais il n'en était rien. Cet avatar montre à quel point les modes de fonctionnement des logiciels d'investigation doivent être adaptés, sous peine de générer de fausses informations et de fausses alertes.

En dépit des nécessités créées par la situation actuelle, des défenseurs des libertés individuelles s'inquiètent des possibilités d'intrusion dans la vie privée que pourraient favoriser de tels logiciels. Ils craignent notamment une résurgence du MacCarthysme et de chasse aux sorcières des années 1950, lorsque les agences gouvernementales n'étaient pas suffisamment contrôlées. Logiciels d'investigation pour traquer le terrorisme, la criminalité, oui. Pour espionner la vie privée, non est en résumé leur position.

Source: Le Quotidien Suisse des Affaires et de la Finance (15/10/2001)

 

Pourquoi Echelon n'a pas vu venir l'attaque du 11 septembre

Outre ses dramatiques conséquences humaines et économiques, l'attaque terroriste du 11 septembre a aussi sérieusement entamé le credo en la toute-puissance technologique des services secrets américains. Ces derniers n'ont absolument pas prévu les agissements des terroristes. L'outil de surveillance planétaire dont ils disposent avec le réseau Echelon est, lui aussi, resté aveugle. Ce dernier, resté secret depuis sa création à la fin de la Seconde Guerre mondiale et dont l'existence a été progressivement révélée depuis quelques années, permet aux Etats-Unis et à plusieurs de ses alliés (Grande-Bretagne, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande) d'écouter les communications relayées par les satellites de communications commerciales.

Des centaines d'e-mails échangés

« Le réseau Echelon est d'abord dédié à de l'espionnage économique », répond Duncan Campbell, spécialiste des écoutes, qui fut parmi les premiers à rendre publique l'existence du réseau Echelon et a rédigé l'an dernier un rapport pour le Parlement européen, disponible en librairie « Surveillance électronique planétaire » aux éditions Allia. La surveillance du réseau Internet opérée par la NSA américaine (National Security Agency) n'a pas non plus donné de résultat.

Après-coup, les enquêteurs du FBI ont en effet retrouvé des centaines d'e-mails échangés plus d'un mois avant les événements aux Etats-Unis et à l'international. Ces messages, souvent écrits en arabe et en anglais, ont pu être ouverts sans difficulté. Mais les terroristes auraient-ils pu, comme l'a affirmé « USA Today », utiliser des techniques de chiffrement ou encore la stéganographie qui consiste à cacher ce message codé dans une image ou un fichier musical pour le rendre indétectable ? « Ces informations n'ont jamais été confirmées, ni vérifiées », affirme Duncan Campbell. « Contrairement à ce que l'on a pu écrire, chiffrement et stéganographie n'ont rien à voir là-dedans. La technique utilisée par les terroristes était beaucoup plus simple et tout aussi efficace. Il s'agit tout simplement de se mettre d'accord sur des conventions, comme celles utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale, précise Jean-Jacques Quisquater, professeur de cryptographie à l'université de Louvain-la-Neuve, on voit donc que ces solutions purement technologiques ne résoudront jamais le problème de surveillance. Nous sommes 6 milliards sur terre, écouter tout le monde est tout bonnement impossible ». Ces événements auront en tout cas des conséquences importantes, car certains demandent déjà aux Etats-Unis une restriction, voire une interdiction de l'utilisation des systèmes de cryptographie et un renforcement de l'utilisation du système Carnivore qui permet au FBI de surveiller les échanges d'e-mails. Le gouvernement français a également l'intention de faire adopter par le Parlement, d'ici à la fin de l'année, des mesures pour permettre aux juges de surveiller les messages électroniques ou de déchiffrer les messages cryptés.

source: Les Echos (10/10/2001)

 

Le satellite espion démasqué

L´armée américaine vient de procéder au lancement d´un satellite espion dont la mission, en théorie secrète, consiste à repérer les mouvements suspects en Afghanistan.

L´US Airforce voulait garder l´information secrète, mais la presse est au courant. Le 5 octobre 2001, les Américains ont lancé un satellite espion destiné à surveiller l´Afghanistan. Selon BBC News, la fusée Titan IV qui a décollé la semaine dernière d´une base de l´US Airforce a mis en orbite un satellite comportant notamment une caméra digitale capable de repérer au sol de très petits objets (d´une envergure de seulement 10 centimètres). Le satellite espion serait aussi capable de suivre des déplacements de véhicules, d´armes ou de petits groupes de personnes se déplaçant à pied. « En se basant sur la configuration spécifique de la fusée et l´heure de décollage, les observateurs ont déduit que le satellite est plus probablement un vaisseau (...) utilisant un télescope qui pointe sur la terre plutôt que vers les profondeurs de l´espace », indique le très sérieux magazine Space.com. Ces spécialistes de l´espace précisent que cette opération, organisée par le National Reconnaissance Office (le NRO), ne se limitait au lancement d´un satellite, mais en comportait 3. Le premier, lancé le 8 septembre dernier, était destiné au repérage des mouvements de navires de guerre. Le prochain, qui aura lieu le 10 octobre, sera lancé depuis Cape Canaveral. En fonction de son orbite, les spécialistes pourront préciser s´il s´agit d´un satellite destiné au relais des communications ou à l´écoute et à l´interception des communications ennemies.

Source: Transfert (08/10/2001)

 

Les Etats-Unis lancent un nouveau satellite-espion

Après plusieurs reports en grande partie provoqués pour des raisons techniques au niveau du lanceur, une fusée Titan-4B a décollé hier 5 octobre 2001 à 21h21 TU depuis la base de Vandenberg (Californie), emportant sous son immense coiffe un satellite militaire de reconnaissance photographique de la dernière génération.

D'une masse de 19 tonnes (dont près de 20% de carburant), ce satellite, dénommé par défaut KH-12 (USA-161) ou encore "Crystal" a été inscrit sur une orbite polaire estimée à 290 x 1000 km. Son architecture est très proche de celle du télescope spatial Hubble (en fait, ce dernier a été directement inspiré de cette série de satellites espions, qui existe depuis 1976). D'une longueur totale de près de 14 m pour un diamètre de 4,3 m, alimenté par panneaux solaires, le KH-12 est équipé d'un objectif à miroir de 2,3 m de diamètre.

Le pouvoir de résolution effectif n'est pas connu, certains communiqués officiels faisant état de 15 cm, d'autres de 9 cm. Mais les experts s'accordent à penser qu'il devrait en fait être inférieur au centimètre, permettant de déterminer aisément la marque d'une voiture ou le nombre de personnes présentes dans un rassemblement. Grâce à des capteurs extrêmement sensibles, le KH-12 est capable d'observer de jour comme de nuit, y compris à travers les nuages dans le rayonnement infra-rouge.

Les satellites de reconnaissance du type KH sont exploités par la NSA (National Security Agency), principale agence de renseignements américaine, dont le budget annuel s'élève officiellement à 4 milliards de dollars en 1996. Mais ce chiffre semble largement sous-estimé, une indiscrétion de Georges Tenet, directeur de la CIA, faisant état de 28 milliards de dollars pour 1999.

De même, tout ce que l'on sait sur la série des satellites KH (Key Hole, trou de serrure) provient d'indiscrétions. Ces satellites ont été élaborés et construits par la NRO (National Reconnaissance Office), une agence gouvernementale dont le budget est classé secret defense, mais dont on peut se faire une petite idée si l'on se souvient qu'il y a quelques années, une légère erreur d'environ un milliard de dollars était apparue dans la comptabilité; il était ensuite apparu que ce montant faisait partie d'un budget secret destiné à mener des opérations clandestines sans alerter les pays étrangers (systèmes d'écoute et de surveillance radio, etc.). Mais suite à cette "révélation", le NRO ne publie plus aucun chiffre depuis 1996.

Quatre satellites de type KH-12 ont été lancés jusqu'à présent, dont trois avec succès. Le premier n'a pu atteindre son orbite définitive après avoir été largué par une navette spatiale le 28 février 1990. Puis les 28 novembre 1992 et 20 décembre 1996, les deux exemplaires suivants ont été placés sur des orbites de 256/911 et 153/949 km inclinées à 97,7 et 97,9°. Le quatrième KH-12, lancé hier, semble s'être inscrit sur une orbite semblable.

Si l'on considère l'ensemble des KH (KH-11, KH-12 et aussi des deux KH-13 de 27 tonnes), ce sont actuellement 15 satellites de ce type qui déversent en continu un flot considérable d'images et d'informations à destination du NRO. Traiter cette masse de renseignements demande des moyens informatiques énormes dont la simple énumération suffit à donner le vertige à n'importe quel informaticien.

Les ordinateurs du NRO réunissent plusieurs grands constructeurs comme Motorola, Intel, IBM, mais surtout CRAY/SGI, qui a mis au point les systèmes actuellement les plus performants de la planète. Décrire exactement le système informatique du NRO tient de la gageure, d'autant plus que l'agence de renseignements américaine a poussé le souci de la confidentialité au point de créer sa propre chaîne de fabrication de composants et de microprocesseurs à Fort Meade, afin d'entourer leur nombre de la plus grande discrétion.

L'architecture exacte du réseau de traitement de l'information est ainsi inconnue. Cependant, on peut déduire que chacun des quinze centres de réception des signaux dans le monde est équipé d'au moins un superordinateur, probablement du type CRAY SV1-32, le haut de gamme absolu actuellement.

Dans sa configuration la plus puissante, cette machine est équipée de 192 processeurs à 4,88 Go et 256 processeurs à 1,2 Go ainsi que d'une mémoire DRam interne de 1 To (1 téra-octets ou 1024 Go). Ses performances sont d'environ 1229 GFlops (1 trillion 229 milliards d'opérations en virgule flottante par seconde).

Le siège du NSA (National Security Agency) comporte quant à lui quatre (au moins) de ces superordinateurs pour la réception, le classement, le décryptage et l'archivage des données. D'autres superordinateurs moins puissants se chargeraient de la reconnaissance vocale et de l'analyse sémantique des messages interceptés, mais on s'écarte du sujet...

Cependant, on estime que la future tendance sera de traiter l'information à bord même des satellites afin d'en réduire le plus possible le volume à transmettre, dans le but de simplifier et d'alléger les stations au sol et ainsi pouvoir les multiplier tout en les décentralisant. En effet, les militaires estiment que leur petit nombre les rend trop vulnérables, surtout dans le climat terroriste actuel. Et justement, on peut remarquer que les KH-13 "Advanced Krystal", dont deux prototypes ont déjà été mis sur orbite, accusent 8 tonnes supplémentaires pour des performances sensiblement identiques, sans que l'on sache exactement à quoi cette masse correspond...

Source: Space News (06/10/2001)

 

L´intelligence artificielle contre le terrorisme

Une société américaine perfectionne un système informatique soi-disant capable d´anticiper les actes terroristes. Baptisé KARNAC, le projet entend bien empiéter sur certaines libertés élémentaires...

Plus jamais ça. C´est avec ce type d´arguments que la société américaine Applied Systems Intelligence (ASI), basée à Atlanta, vend son projet de prévention du terrorisme, baptisé KARNAC (pour Knowledge Aided Retrieval in Activity Context). Présenté le 26 septembre dernier, ce système basé sur l´intelligence artificielle permettrait de constituer une gigantesque banque de données publiques ou même privées. Conçu initialement pour limiter les fraudes bancaires, son développement est désormais suivi avec attention par la CIA, le FBI et la NSA (National Security Agency)... Selon ses créateurs, Karnac serait capable d´imaginer tous les scénarios possibles d´attaque terroriste et d´avertir en temps réel les autorités en cas de danger imminent. Comment ? En centralisant un maximum de données sur des individus à l´aide de renseignements officiels ou d´informations récoltées via Internet et les mails, Karnac relèverait toutes les activités "suspectes" (une personne fichée achetant de quoi faire une bombe ou réservant une chambre dans un hôtel proche du siège d´une institution, par exemple). Confrontant ensuite ces données avec des scénarios préétablis, le système juge "opportun" ou non, d´alerter les forces de l´ordre.

Avenir incertain

"Le but de Karnac est d´aider les enquêteurs à rassembler des éléments éparpillés", affirme Anthony Bagdonis, directeur de recherche chez ASI. Et après tout, poursuit-il, la situation actuelle justifie un tel empiètement sur des libertés élémentaires, comme la confidentialité des données. Pourtant, même dans le contexte actuel, l´avenir de Karnac n´est pas assuré. Anthony Bagdonis reconnaît d´une part que "toutes les agences gouvernementales ne voudront pas forcément partager toutes les informations". Or, ce type de projet n´a justement de sens que s´il rassemble toutes ces données. Un brin perfide, ASI précise que plusieurs informations avaient été collectées avant l´attentat d´Oklahama City, survenu en avril 1995, mais que l´éparpillement de celles-ci avait fait échouer les services de renseignement.

Source: Transfert (04/10/2001)

 

La détection des terroristes tombe à l´eau

Deux satellites américains se sont écrasés, vendredi 21 septembre. Parmi eux, Orbview 4, un satellite d´imagerie sophistiqué, destiné à localiser les terroristes en Afghanistan et leurs éventuelles armes biologiques...

Quatre-vingt cinq secondes. Les scientifiques américains ont pu croire, pendant ce cours laps de temps, que le lancement de la fusée Taurus serait un succès. Mais, un peu plus d´une minute après le lancement, le deuxième étage de la fusée a pris feu en plein vol. Quelques minutes après, les deux satellites OrbView 4 (appartenant à la société d´imagerie Orbimage) et Quick Toms (propriété de la NASA) sont tombés dans l´Océan Indien. L´échec du lancement de la fusée Taurus rappelle cruellement celui de Pegasus, en juin dernier. Même moteur (baptisé Orion 50S), mêmes acrobaties dans le ciel... La NASA a affirmé qu´elle allait mener l´enquête. Mais la prestigieuse agence américaine a d´ores et déjà perdu dans la bataille le satellite Quick Toms, destiné à observer l´évolution du trou de la couche d´ozone (en remplacement de la sonde Toms Earth Probe, qui commence à fatiguer...). Mais la palme du plus cuisant échec revient sans nul doute à Orbimage, une société spécialisée dans l´imagerie satellitaire de haute définition. Son petit protégé, OrbView 4, situé dans l´étage supérieur de la fusée, devait vendre des images haute résolution à des clients civils, gouvernementaux et mêmes militaires. Ces derniers étaient tout particulièrement intéressés par un instrument d´imagerie hyper spectral gentiment baptisé "Warfighter- ", qui aurait notamment servi à localiser les terroristes cachés en Afghanistan.

Armes biologiques, soldats camouflés

Grâce à Warfighter-1, le satellite aurait permis de détecter d´éventuelles armes biologiques ou chimiques, de mesurer l´impact de bombes ou de distinguer des soldats (ou des voitures) camouflés dans les feuillages. OrbView 4 était en effet capable d´offrir des images métriques et hyperspectrales qui permettent de décomposer, avec une grande précision, les terrains observés en objets ou en masses différentes. Cette technologie permet de scruter non seulement ce qui est du domaine du visible, c´est-à-dire les ondes électromagnétiques comprises entre 0,4 microns (qui apparaissent en bleu) et 0,8 microns (en rouge), mais aussi les infra-rouges et, en théorie, l´ultraviolet. Orbview pouvait aussi combiner deux types d´images : des images en noir et blanc de résolution 1 mètre, destinées à cartographier des routes ou à localiser des voitures et d´autres clichés en couleur de résolution 4 mètres, destinées au départ à la télédétection agricole. La chute d´Orbview 4 constitue donc une belle perte pour Orbimage... qui n´a toutefois pas dit son dernier mot. La mise en orbite d´OrbView 3, un satellite qui offre, lui aussi, une résolution d´images multispectrale est prévue pour l´année prochaine. D´ici là, il faudra songer à mettre en œuvre d´autres techniques pour débusquer les terroristes...

Source: Transfert (29/09/2001)

 

Le cyber-terrorisme en avance d'une guerre ?

Les attentats du 11 septembre dernier ont pris au dépourvu les services de renseignement américains. Le FBI est surnommé "Famous But Incompetent" (célèbre mais incompétent), et la critique enfle, accusant les as de l'espionnage outre-Atlantique d'accorder trop de place à la technologie au détriment des hommes. Dans son édition du 19 septembre, le Los Angeles Times soutient que si les Etats-Unis sont en train de perdre une guerre contre le terrorisme, c'est celle très technologique du cyber-espace.

Les Américains dépensent des milliards de dollars dans le renseignement technologique. La NSA (National Security Agency) surveille les informations provenant de sources aussi variées que la radio, la télévision, le téléphone ou Internet. Mais les experts, tel Jeffrey Hunker, un ancien du Conseil national de sécurité, considèrent que les agences de renseignement peinent à suivre le rythme des changements technologiques.

L'an dernier, le système informatique de la NSA est tombé en panne durant trois jours à cause de logiciels trop anciens et surchargés. L'affaire aurait pu avoir des conséquences pour le centre nerveux de la sécurité nationale, devenue pratiquement aveugle.

Face au cyber-terrorisme, l'analyse du quotidien de la côte ouest est inquiétante. Dans plusieurs domaines, la NSA perd du terrain ou manque de moyens. De plus en plus de communications passent par les fibres optiques. Or, à la différence des communications par onde, l'espionnage moderne suppose de se connecter directement aux lignes, procédure complexe. La NSA ne semble pas en mesure, non plus, de lutter efficacement contre les messages cryptés. Or certains spécialistes estiment que les réseaux terroristes de Ben Laden auraient utilisé de tels messages pour les opérations du 11 septembre. Enfin, chaque jour, la NSA collecte un volume de données équivalent à celui contenu dans la bibliothèque du Congrès, l'une des plus vastes du monde. Selon le Los Angeles Times, le personnel est insuffisant pour traiter une telle masse d'informations.

La bataille est-elle sur le point d'être perdue ? Le département de la défense reconnaît que chaque année des centaines d'intrusions ont lieu dans ses réseaux. Brian Dunphy, un ancien du réseau de sécurité du département de la défense, admet que les dégâts sont pour l'instant limités. Mais il prévient : "Les infrastructures critiques pour notre pays sont à la fois connectées au réseau public et vulnérables. Elles sont ouvertes aux terroristes opérant n'importe où dans le monde, avec motivation et compétences." Des qualités qui ne semblent pas avoir manqué aux auteurs des attentats de New York et de Washington.

Source: Le Monde (24/09/2001)

 

De nouveaux satellites espions sur la piste de Ben Laden

Malgré les récriminations des partisans du renseignement humain, ce que le Washington Post appelle la première guerre du XXIème siècle reposera plus que jamais sur la technologie. Selon la BBC, les satellites espions du réseau Echelon auraient été – ces tous derniers jours - focalisés sur la région de l’Afghanistan, à la recherche des communications des réseaux Ben Laden.

Malgré tout, ces réseaux d’écoute et d’observation, conçus en vue de conflits traditionnels, seraient insuffisants contre de petits groupes de combattants, principalement dotés d’armes légères. C’est donc très à propos qu’une nouvelle génération de satellites vont être lancés dans les prochains jours.

Vendredi, c’est OrbView-4, satellite d’observation, qui sera mis en orbite, en attendant QuickBird, dont le lancement est lui prévu pour le 18 octobre. Des satellites plus précis, capable de distinguer des détails de moins d’un mètre, et surtout, dans le cas d’OrbView-4, qui emploient une technique d’imagerie hyperspectrale, capable paraît-il de détecter un campement, même camouflé, ses images permettant même de créer des cartes animées des montagnes et vallées afghanes. Les opérateurs des deux satellites auraient déjà été approchés par des officiels américains, à l’affût d’un atout stratégique de plus, dans un conflit de moins en moins conventionnel.

En attendant la riposte, pour mieux comprendre les forces en présence et les enjeux de cette nouvelle guerre, détour indispensable par le site de la Fédération des Scientifiques Américains, qui publiait à la veille des attentats un dossier extrêmement complet sur les réseaux terroristes et leurs soutiens dans le monde.

De son côté, le Washington Post consacre, en images, des pages entières à l’organisation et à l’implantation des réseaux terroristes, en imaginant même une escalade des attentats vers des attaques bactériologiques. Selon le site du journal, une attaque à l’Anthrax sur Washington pourrait se solder par plusieurs millions de morts. Un scénario qui fait froid dans le dos, mais que plus personne aujourd’hui n’ose assimiler à de la science-fiction.

Source: LCI (19/09/2001)

 

Obsédée par la technologie, la CIA n'a rien vu venir

Nous sommes parfaitement adaptés aux hautes technologies de notre époque moderne. » Tel était, en ce début de XXIe siècle, le message que semblaient adresser les services de sécurité américains au reste du monde. Mais, le 11 septembre au matin, des terroristes ont fait s'effondrer ces certitudes en choisissant d'attaquer l'Amérique par des détournements d'avions, une méthode inventée trente ans plus tôt. Ils ont choisi de détourner des avions de lignes intérieures pour les écraser sur deux des principaux symboles de la puissance américaine, le Pentagone et les tours jumelles du World Trade Center. La CIA n'a rien vu venir.

Pire, la justice allemande interrogeait, vendredi, un Iranien vivant en Allemagne, qui avait tenté la semaine précédente d'alerter la CIA d'un attentat imminent. Mais personne ne l'avait pris alors au sérieux. Des milliers de personnes sont mortes de cette impréparation. Du coup, jeudi soir, c'était le silence total sur la page d'accueil du site Web de la CIA, qui n'affichait aucun commentaire sur la tragédie. Les différents organes de sécurité essuient le feu des critiques. Comment la CIA, le FBI mais aussi la NSA (National Security Agency) ont-ils pu ne pas détecter une attaque d'une telle envergure, malgré un budget total de 30 milliards de dollars pour les services de sécurité ? Au lendemain de la tragédie, les membres de la commission sénatoriale sur le renseignement remettaient d'ailleurs en cause le bien-fondé des sommes allouées à ces organisations.

Pas de cyber Pearl Harbour

Aujourd'hui, nombre d'observateurs montrent du doigt l'obsession des services de sécurité américains pour les hautes technologies. Durant la guerre froide, les Etats-Unis se sont équipés du système d'espionnage le plus complet au monde, Echelon, géré par la NSA). Employant 30.000 personnes et disposant de 120 satellites, l'Agence peut assurer 2 millions d'écoutes par minute, qu'il s'agisse de fax, de données ou de conversations téléphoniques. En recherchant par mots clefs (par exemple « Jihad », guerre sainte en arabe), les espions peuvent obtenir un faisceau d'informations sur ce qui se trame sur la planète entière.

Mais, surtout, la CIA et le FBI s'alarment depuis de nombreuses années de risques d'attaques cyberterroristes contre les Etats-Unis. Lors d'une audition, en mai, devant la commission sénatoriale sur le renseignement, le Bureau fédéral avait ainsi détaillé les principales menaces pesant sur la sécurité intérieure des Etats-Unis: les armes de destruction de masse et, avant tout, une attaque sur les infrastructures de réseaux du pays. Le Bureau relevait notamment que l'organisation terroriste d'Oussama ben Laden, Al Qaeda (la base), faisait désormais un usage massif du réseau. Pourtant, le Pearl Harbor électronique n'a pas eu lieu.

Surtout, malgré ses moyens imposants, les agences n'ont rien détecté. « Je suis sûr qu'Al Qaeda a été ciblée par des linguistes arabes de la NSA ou par ses moteurs de recherche arabophones, estime l'américain Wayne Madsen, l'un des spécialistes reconnus d'Echelon, ayant notamment travaillé pour ce programme dans les années 80. Mais le problème est que, ces dernières années, l'Agence s'est avant tout attaquée à des menaces moins graves que le terrorisme, s'intéressant davantage à l'espionnage économique, à la lutte contre le trafic de drogue et au blanchiment d'argent. »

L'obsession de la CIA pour la technologie semble lui avoir fait perdre de vue la nécessité d'opérer sur le terrain, par exemple en infiltrant des mouvements extrémistes. Selon un article d'« Atlantic Monthly », la CIA ne disposerait d'aucun agent au sein de la mouvance islamiste radicale, largement soupçonnée d'avoir inspiré les attentats. « L'opération de ben Laden n'avait rien de high-tech, c'était plus « no-tech » [sans technologie, NDLR]: des cachettes et du courrier postal, et ni téléphone portable, ni e-mail, ni fax », pense l'ancien agent de la NSA. Même si une partie des radicaux islamistes utilise Internet, le fossé séparant les Etats-Unis de ses pires ennemis n'est pas qu'idéologique. Il est aussi technologique. D'ailleurs, l'Afghanistan, qui abrite Ben Laden, a banni l'utilisation d'Internet.

Source: Les Echos (17/09/2001)

 

La faillite de l'espionnage ultrasophistiqué

Aux Etats-Unis, la polémique sur l'inefficacité des «services», CIA en tête, ne fait que commencer. Mais ce sont tous les services de renseignements occidentaux qui ont été pris au dépourvu par cette attaque terroriste. «C'est manifestement un échec de grande dimension», estime déjà l'Américain Richard Shelby, membre de la Commission du Sénat sur le renseignement.

Cortège de satellites

Ce n'est pourtant pas faute de moyens: le gouvernement fédéral a prévu de dépenser cette année 30 milliards de dollars (33,10 milliards d'euros) pour l'ensemble de la «communauté du renseignement», avec son cortège de satellites-espions et de stations d'écoute du système Echelon. Pourtant, un expert comme Clifford Beal, de la revue spécialisée Jane's, dénonce «le sous-financement chronique du renseignement humain». Beaucoup d'équipements sophistiqués, mais peu d'espions introduits dans les mouvances terroristes: le choix américain apparaît aujourd'hui très coûteux. «Les Américains font la guerre des étoiles, captent les téléphones du monde entier mais le colosse a été piqué par une abeille. C'est la faillite avérée des technologies ultrasophistiquées dans le monde du renseignement et le retour indispensable aux vieilles méthodes d'infiltration humaine», explique un patron du renseignement français qui privilégie, depuis les attentats de 1995, «le travail en profondeur de pénétration des réseaux islamistes» sur le territoire.

«25 tuyaux par an»

Convoqués à Matignon mardi soir, les chefs des services spéciaux français ont été sommés de «renforcer les dispositifs de renseignement opérationnels sur les islamistes». Tous ont critiqué la tendance du FBI et de la CIA à privilégier «les interceptions téléphoniques extérieures» et «le travail de renseignement à l'étranger». «Les Américains ont une propension naturelle à considérer que le risque vient d'ailleurs. Ils ont peut-être un déficit de travail sur les mouvances implantées chez eux, on l'a déjà vu pour les milices d'extrême droite», confie un coordinateur de la lutte antiterroriste à Paris. «En France aussi, on recense au moins vingt-cinq tuyaux par an sur des projets d'actions islamistes d'envergure, mais si vous n'avez pas les noms de ceux qui sont en train de tromper votre vigilance, le mode opératoire ou le lieu géographique, vos rapports ne servent pas à prévenir l'action», explique un analyste du renseignement.

Un chef du contre-terrorisme intérieur rappelle, lui, l'échec des services français, qui n'avaient pas su prévoir les bombes en série du GIA (Groupe islamiste armé) de l'été 1995 et identifier le réseau de Khaled Kelkal. Pourtant, à l'époque, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la Direction du renseignement militaire (DRM) et la Direction de la surveillance du territoire (DST) multipliaient les rapports sur «l'état de la menace» algérienne. Comme la CIA et le FBI, qui ne comptent plus leurs synthèses trop générales sur les «menaces contre les intérêts américains».

Elément essentiel

A se focaliser sur un risque, on en oublie parfois d'autres. «Dans les rencontres internationales, nous évoquions l'éventualité d'agressions chimiques ou bactériologiques, ou les nouveaux risques liés à la cybercriminalité. Le terrorisme aérien n'était pas notre préoccupation», reconnaît un autre expert français.

Pourtant, le détournement de l'Airbus d'Air France en décembre 1994 aurait dû faire réfléchir les spécialistes. Le succès de l'opération du GIGN sur l'aéroport de Marseille-Marignane a masqué un élément essentiel, comme l'a expliqué, hier dans le Parisien, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Charles Pasqua: «Le plan des terroristes était bien de frapper Paris, exactement de la façon dont ils ont choisi New York pour cible.» Une information confirmée par un militaire: «Lorsque les terroristes ont demandé de refaire le plein de kérosène, nous avons compris qu'ils voulaient faire exploser l'avion sur la capitale.» Et par Philippe Legorjus, commandant du GIGN de 1985 à 1989 et, à l'époque, consultant en analyse de risques à Air France: «Les preneurs d'otages du GIA voulaient faire sauter l'avion sur la "ville Satan", Paris. Sans les passagers, mais avec l'équipage. C'est pourquoi, à Marignane, l'ordre a été donné de crever les pneus de l'Airbus, en cas de tentative de décollage. Avec la démonstration du GIGN, l'affaire de l'Airbus était mes yeux la fin des prises d'otages d'aéronefs classiques et l'émergence de moyens plus radicaux.»

Attaque à l'ULM

Mais, six ans plus tard, nul n'avait envisagé l'hypothèse d'un détournement-suicide. Un commissaire de la DST ne jette pas la pierre à ses homologues américains: «L'ensemble de la communauté du renseignement ignorait que les moudjahidin s'exerçaient à piloter des avions pour foncer sur des buildings. Pourtant, tous les services suivent la mouvance des islamistes qui s'entraînent en Afghanistan avant de revenir dans leurs pays d'origine.» En octobre, une réunion d'experts antiterroristes internationaux en Israël, consacrée aux opérations kamikazes, n'imaginait, au pire, qu'une attaque avec des ULM... Un officier de l'armée de l'air française reconnaît qu'aucune étude n'a été conduite sur les dégâts qu'un tel crash provoquerait à Paris. Très récemment, un officier des forces spéciales a constaté la faiblesse de la documentation sur le contre-terrorisme aérien, malgré l'existence d'un plan «Piratair» classé secret-défense.

Source: Libération (13/09/2001)

 

Echelon : la sourde oreille

Les officiels américains n´avaient jamais autant critiqué leurs grandes oreilles que depuis la vague d´attentats aux USA. Si leur politique d´espionnage high tech n´a pas empêché la tragédie, les Européens ont décidé de faire... pareil.

Ce que d´aucuns qualifient déjà de "Pearl Harbor" du terrorisme ramène les "grandes oreilles" américains sur le devant de la scène. Selon le Seattle Times lire l´article , le sénateur républicain Orrin Hatch aurait ainsi fait état de communications interceptées par les services américains, qui lieraient le milliardaire saoudien aux attentats. Le même article précise néanmoins que deux officiels américains auraient fait état d´autres télécommunications, interceptées précédemment, indiquant que Ben Laden planifiait effectivement des opérations contre les USA... mais à l´étranger. Suivant une tactique déjà utilisée par le chef de l´Etat lybien Kadhafi et par le Hezbollah, qui savaient leurs télécommunications surveillées, les terroristes auraient ainsi volontairement induit en erreur les "grandes oreilles" américaines. Afin de focaliser l´attention des autorités américaines sur des objectifs extra-territoriaux. Nombre de critiques pointent ainsi le fait que les USA, qui investissent des sommes colossales dans Echelon, leur programme high tech d´écoute et d´interception des télécommunications, n´ont pas été pas capables de prévoir que des terroristes pouvaient se servir de couteaux afin de détourner un avion.

´Je pense que la chose la plus importante à faire, c´est de reconstruire l´ensemble des services de renseignement´ déclarait ainsi Bob Graham, le président de la Commission judiciaire du Sénat. Ces dernières années, la majeure partie du budget alloué aux services de renseignement (30 milliards de dollars, soit 33,3 milliards d´euros, 219 milliards de FF, pour le budget 2002) a été investie dans le "tout technologique" aux dépens du renseignement humain. De l´avis quasi-unanime des experts interrogés depuis le jour de l´attentat contre le World Trade Center et le Pentagone , le renseignement classique aurait pu faciliter la prévention d´une telle catastrophe. La surveillance électronique a cela dit de beaux jours devant elle. Selon Wired, le FBI aurait d´ores et déjà fait installer plusieurs DCS1000 (le nouveau nom du Carnivore) chez plusieurs fournisseurs d´accès à l´internet. De même, ils auraient mis sous surveillance un certain nombre de comptes Hotmail à consonance islamique.

Quant aux Européens, dont plusieurs députés appelaient la semaine dernière, au moment de signer leur résolution contre Echelon, à la création d´un système équivalent, ils semblent bel et bien partis pour se mettre eux aussi à investir en masse dans la surveillance électronique. Le 7 septembre, un communiqué du ministère de la Défense intitulé "Vers un système global européen d´observation par satellites" révélait en effet l´existence d´un document précisant les "besoins opérationnels communs pour un système global européen d´observation par satellites à des fins de sécurité et de défense" élaboré conjointement par les états-majors allemands, espagnols, italiens et français. Il devrait être à terme soumis à l´ensemble des partenaires de l´Union européenne et ne cache pas ses ambitions en matière "d´écoute électronique, d´alerte avancée et de surveillance de l´espace".

Polémique sur le budget

Depuis la vague d´attentats, experts et commentateurs autorisés ne cessent de gloser sur le fait que les nombreux services de renseignements américains semblent avoir été incapables de prévoir la tragédie. Pour Richard Shelby, vice-président de la commission des services de renseignements du Sénat, ´Si les services de renseignements étaient parvenus à se rassembler, nous aurions pu déjouer les attaques´. Donald Rumsfeld, le secrétaire d´état à la Défense, avait quant à lui fustigé, la veille même des attentats, l´inertie du Pentagone, qu´il comparait alors à la bureaucratie du "Soviet system". D´autres, proches du complexe militaro-industriels, déplorent les coupes budgétaires effectuées depuis la fin de la guerre froide. Georges Bush Jr avait d´ores et déjà réclamé une augmentation de 9% du budget militaire, la plus forte augmentation depuis 1982, qui portera la somme à 329 milliards de dollars (366 milliards d´euros, 2404 milliards de francs !). Pour l´instant, rien ne dit en effet que Bush ne décidera pas d´investir encore plus et mieux au vu de ce qui vient de se passer. Les dépenses fédérales concernant l´Education s´élèvent , quant à elles, à 42 milliards de dollars…

Source: Transfert (12/09/2001)

 

Attentats : pourquoi les grandes oreilles sont restées sourdes

À la stupeur provoquée par les images du drame s'en ajoutait une autre : comment le pays le plus richement doté en services de renseignement n'a-t-il pas décelé qu'une action terroriste d'envergure se tramait sur son propre sol ? Réponse des experts.

« Ce qui s'est passé hier est une remise en cause totale de la stratégie du tout électronique et du tout technologique » affirme à ZDNet Christian Harbulot, qui dirige l'École de guerre économique (EGE) et reste l'un des meilleurs observateurs européens de l'espionnage moderne. « Si, comme les médias l'ont rapporté pour l'instant, les terroristes ont détourné les avions armés de cutters et de couteaux, ce sont les armes les plus simples et les plus artisanales, les armes du faible, qui ont été employées pour déstabiliser le plus fort. Les démocraties occidentales et leurs experts, y compris en France, ont tout misé sur l'outil machine, et c'est exactement le contraire qui s'est passé (...). En Occident, nous ne savons pas comprendre ni faire face aux mouvements terroristes qui s'appuient sur la détermination humaine. Contre la détermination humaine, la guérilla, le pseudo tout technologique avec ses gros moyens satellitaires et électroniques ne peuvent rien. Tout miser sur la modernité de l'informatique et des systèmes de couverture satellitaire, c'est une aberration totale sur laquelle il va bien falloir maintenant se mettre à réfléchir. »

Les services de renseignement américains dépassés

La sentence de cet expert en renseignement est sans appel. Suite au quadruple détournement d'avion d'hier, qui a frappé au coeur les symboles politiques, financiers et militaires des États-Unis, le monde de l'espionnage se pose en effet la même question : comment les services secrets les plus puissants du monde ont-ils pu se faire dépasser ? La National Security Agency, la célèbre agence de renseignement électronique, est pourtant dotée d'un budget bien plus important que celui de la CIA. Elle recourt à des moyens technologiques toujours plus sophistiqués et fait appel à des dizaines de milliers d'analystes dans le monde, qui traquent inlassablement la moindre information stratégique grâce à des ordinateurs équipés de filtres d'analyse sémantique... Et puis, ultime camouflet, ne dispose-t-elle pas du fameux réseau Echelon, le must en matière d'interception des signaux radio à l'échelle planétaire ?

La technologie impuissante face aux armes traditionnelles

Maurice Botbol, observateur de longue date de l'espionnage et de ses ramifications technologiques, est à peu près sur la même longueur d'onde. Pour lui, directeur de la publication de la revue Intelligence Online (anciennement Le Monde du Renseignement), « le système de surveillance électronique est resté sourd parce que les terroristes n'ont vraisemblablement pas utilisé de moyens pouvant être interceptés de cette manière, en évitant par exemple d'utiliser des comptes internet ou des téléphones cellulaires », dit-il. « C'était ce qu'il "fallait faire" puisque [les groupes terroristes] savent que la partie adverse est focalisée sur les modes d'interception électroniques et y consacre tous ses budgets. Les terroristes ont dû employer des méthodes d'espionnage classiques, telles qu'elles existaient avant. C'est exactement ce qui s'est passé en Somalie [en 1992-1993], à l'époque de Georges Bush père, quand les "fantassins du futur" de l'US Army ont débarqué et se sont fait avoir [18 soldats tués, Ndlr] malgré tous leurs moyens électroniques. »

L'hypothèse d'une défaillance humaine

Certains spécialistes du terrorisme international juge pourtant ces propos démagogiques. « Arrêtons ce discours, ce n'est pas si simple » rétorque Jean-Luc Maré, l'un des experts de la Fondation des études stratégiques (FES). « Des signes qui ont pu mettre la puce à l'oreille des services américains, il y en a des milliers par jour. Ce n'est pas l'échec de l'outil, mais peut-être celui de l'interprétation humaine [de ces signes]. »

Dire que les tragiques événements du 11 septembre étaient inimaginables au regard de la puissance de feu dont dispose la NSA n'apporte qu'une demi-réponse. Même si les différences organismes de renseignement fédéraux - il y en a une bonne douzaine aux États-Unis - sont censés collaborer, la NSA n'a pas pour mission d'enquêter sur le sol américain. En revanche, elle peut intervenir à l'étranger pour protéger les intérêts étatsuniens.

« Vous qui avez des oreilles et n'entendez point »

Le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière, qui s'exprime aujourd'hui dans l'édition web du magazine l'Express, avance d'ailleurs que cette "menace intérieure" était bien réelle : « Depuis quatre ans, cette menace [les intégristes musulmans] se déplace vers l'Amérique du Nord. (...) Nous savions, par exemple, que des filières clandestines quittaient la France et l'Europe pour s'installer au Canada, proche de la frontière américaine. Les événements effroyables qui se sont déroulés aux États-Unis sont peut-être la conséquence de la pénétration, depuis des années, de ces réseaux. »

Pour un autre expert du renseignement, qui a préféré ne pas être cité, il est présomptueux d'affirmer que les services américains « n'ont rien vu, malgré leurs gros moyens ». Pour sa part, il préfère avancer une explication quasi sociologique : « La bonne interrogation n'est peut-être pas de savoir s'ils ont été oui ou non assez alertés des menaces qui pesaient sur leur territoire. Pour eux, une telle catastrophe, sur leur propre sol, était tout simplement inconcevable. Il s'agit plutôt d'une question de mentalité... »

Source: ZDNet (12/09/2001)