Le CELAR

 

Comment le Centre électronique de l'armement prépare la guerre de l'information

Depuis l'émergence du concept de la guerre de l'information pendant le conflit du Golfe (1991), et la révélation de la supériorité des Etats-Unis dans ce domaine, les experts du Centre électronique de l'Armement (CELAR), près de Rennes, préparent les batailles du futur. "La domination de l'information, c'est ce qui fera gagner les batailles de demain", a expliqué lundi lors d'une journée portes ouvertes François Fayard, directeur du service des programmes d'observation, de télécommunication et d'information de la Direction générale de l'armement (DGA), dont dépend le CELAR.

Budget : 2 milliards de francs

Cet établissement fondé en 1968, qui emploie 720 personnes dont 300 ingénieurs, au budget de 2 milliards de francs, est une sorte de laboratoire d'études qui permet de tester les différentes techniques d'information pouvant être utilisées en temps de guerre, sur terre, dans l'air, en mer et dans l'espace. Première étape de cette nouvelle forme de guerre: protéger le réseau informatique des attaques extérieures. Le "système nerveux du monde moderne est devenu informatique", selon Yves Corec, docteur en mathématiques et ingénieur, et il est d'autant plus vulnérable que les systèmes de défense reposent sur des logiciels civils, cibles des "hackers", des mafias ou des Etats. Contre les attaques connues, comme certains virus informatiques, les logiciels sont vaccinés, mais ici les experts cherchent à faire face à des attaques non identifiées.

Du chiffrement...

Ils développent ainsi un réseau de capteurs installés sur tous les ordinateurs, et qui permettent de donner l'alerte à une machine centrale lorsqu'un des logiciels ne fonctionne pas normalement. Le CELAR a également crée le logiciel ACID Cryptofiler, qui permet de protéger les fichiers afin qu'ils puissent passer d'un ordinateur à un autre via des réseaux informatiques en toute sécurité. Chaque message sensible est ainsi enfermé dans une sorte de capsule, et seul un utilisateur averti peut le "décapsuler" pour pouvoir le lire. Le logiciel ACID a été proposé à tous les organismes du ministère de la Défense, et à terme à tous les organismes gouvernementaux.

... à la "guerre de l'espace"

Pour la guerre de l'espace, dont la France était totalement absente il y dix ans, le CELAR a mis au point un simulateur d'images radar de l'observation spatiale (SIROS), qui donne en théorie des définitions extrêmement précises des images terrestres. Une station radar autonome d'acquisition des paysages électromagnétiques permet aussi de prendre les images les plus complètes possibles de toutes les cibles connues: elles sont modélisées par les ingénieurs du CELAR, ce qui permet ensuite à l'armée de prévoir le comportement des cibles étrangères. Après la cartographie de la terre, la guerre de l'information nécessite de posséder l'environnement électromagnétique terrestre: pour cela, des démonstrateurs de systèmes satellitaires effectuent des relevés des ondes. Le satellite Clémentine a été mis en orbite pour "donner une idée de la densité électrique de la terre", explique Jean-Yves Guyomard, en charge des affaires relatives à l'écoute spatiale.

La mise en orbite, d'ici trois ans, de quatre satellites Essaim, devrait permettre de développer au mieux l'environnement électromagnétique terrestre dans le domaine des télécommunications militaires. Mais l'écoute du contenu des émissions électromagnétiques est interdit en temps de paix, souligne Jean-Yves Guyomard

Source: Journal du Net (17/05/2001)

 

Stratégies des experts français de la «guerre de l'information» face aux attaques électroniques

Cartes à puce utilisées de manière illicite, virus diffusés par des «as» de l'informatique: à Bruz (ouest de la France), les experts du Centre d'électronique de l'Armement (CELAR) traquent sans relâche les attaques électroniques.

Fondé en 1968, cet établissement français spécialisé de la Délégation générale pour l'armement (DGA), qui s'étend sur 100 hectares et emploie 700 personnes dont 300 ingénieurs, a pris une importance stratégique, notamment depuis que le conflit du Golfe a consacré le principe de la «guerre de l'information».

Mardi, à l'issue d'un Conseil de sécurité intérieure, le gouvernement français a indiqué qu'il annoncerait courant février des mesures pour renforcer la sécurité technique des cartes bancaires, régulièrement victimes de fraudeurs, comme ce fut le cas fin décembre à la Caisse d'épargne des Pays de la Loire pour un montant de 12 millions de francs (2,5 millions$ CA).

L'armée française, qui fut l'un des premiers utilisateurs de la carte à puce, une invention française, est confrontée à des problèmes de sécurité comparables à ceux des enseignes bancaires. Le CELAR est donc chargé de chercher sans cesse de nouvelles parades pour protéger les centres militaires des «agressions» informatiques de tous bords et leur permettre de transmettre leurs informations en toute sécurité.

«Il y aura toujours des anomalies, des cartes à puce mal faites ou volées. Ce qui est important c'est de savoir réagir» avant que l'attaque ne fasse des dégâts, explique à l'AFP l'ingénieur général de l'armement François Fayard, directeur du CELAR. Et en la matière, reconnaît-il, «il n'y a pas de ligne Maginot qui vous protègerait à coup sûr pendant 20 ans. Une carte à puce d'il y a dix ans, aujourd'hui, peut être "volée" en quelques minutes. La sécurité a une durée de vie».

Face aux «chevaux de Troie» envoyés notamment par des pirates informatiques (les fameux hackers) surentraînés et toujours plus inventifs, «il faut toujours avoir une guerre d'avance» et «une génération d'avance dans la protection», estime l'ingénieur général Fayard.

«C'est la course de l'arme et de la cuirasse», lance-t-il. «Il faut bien connaître le niveau de la menace et être toujours un niveau au-dessus. Heureusement, à mesure que la technologie des circuits intégrés progresse, on trouve des solutions plus sûres».

Dans une société de plus ou plus informatisée, Internet et les nouvelles technologies ont fait naître de nouvelles menaces. «On a remplacé le coup de poing ou d'épée par l'attaque informatique», résume François Fayard.

Sans aller jusqu'à dévoiler des informations classées «secret-défense», le CELAR collabore parfois avec des entreprises de télécommunications, par exemple en pratiquant des échanges de méthodologies et de protocoles. Mais le centre militaire reste prudent face aux «systèmes de sécurisation» commercialisés dans le civil. «Plus vous vendez un produit, plus des gens vont le décortiquer et découvrir ses éventuels défauts. Le produit devient assez vite vulnérable», explique M. Fayard.

La meilleure défense restant l'attaque, le directeur du CELAR autorise ses employés à pratiquer eux-mêmes, mais uniquement en interne, le hacking. «C'est une visée d'autodéfense», dit-t-il. «Je veux être certain que mes ingénieurs n'arriveront pas à attaquer le centre. S'ils y parviennent, naturellement, ils ont le devoir d'en rendre compte».

Source: AFP (01/02/2001)