La cyber-veille stratégique au service des entreprises

 

Jérôme Wallut : "La veille stratégique ne sert pas qu'à prévenir des crises"

Après avoir dirigé Euro RSCG Design, participé à la création de l'agence interactive ConnectWorld et collaboré à l'agence BDDP Tequila Interactive, Jérôme Wallut vient de lancer une nouvelle société. En collaboration avec Rémi Guilbert, ancien directeur de création de BDDP Interactive et de BBDO Proximity, il a créé une agence de veille active et de conseil en stratégie d'information, baptisée Human to Human. L'activité reste encore et toujours centrée sur Internet, seul média où le public a la parole et donc où l'agence peut être à l'écoute des différents discours autour des marques.

JDN. Quel est le positionnement de votre nouvelle activité ?

Notre ambition est de faire de la veille un métier de la communication. Généralement, quand on pense à de la veille, cela évoque la gestion de crise. Nous abordons ce métier différemment : aujourd'hui, les outils de veille ont tendance à chercher de la volumétrie (souches sémantiques, volume de conversation, mots-clés...) alors que nous, nous sommes un outil de pilotage de la stratégie d'information. Cela signifie que nous cherchons à détecter des opinions émergentes, qui sont trop infimes pour apparaître dans les analyses volumétriques. Notre process est de détecter les gens qui ont de l'influence sur Internet. C'est ce que nous avons appelé les e-influenceurs. Ils ont une capacité d'influence qui ne se mesure pas uniquement pas l'audience, mais aussi par la motivation, par l'exclusivité, par la pertinence, par la persuasion, etc. Notre métier est de trouver ces e-influenceurs et d'écouter les conversations qu'ils tiennent pour informer les marques des conversations les concernant.

Comment détectez-vous ces e-influenceurs et quel est leur profil ?

Nous les trouvons généralement dans les forums de discussion. C'est une première étape pour les identifier. Ce sont généralement des gens qui ont l'initiative, qui sont bavards et qui sont curieux. Ensuite, il faut évaluer leur capacité à influencer. Là, ça passe par l'étude de leur site Internet (leur discours, leur audience, etc.). Aujourd'hui, en France, il y a plus de 3 millions de sites persos et seulement 9 % du trafic sur Internet concerne les sites de marques. Il ne faut donc pas négliger le poids des sites amateurs dans la communication d'une marque. Comme exemple d'e-influenceurs, je pourrais citer le fondateur de Luccas.org, qui a réussi en un peu plus de dix-huit mois à réunir un peu plus de 25 % des clients de Noos dans son association. Une personne comme Christian Denneulin, qui regroupe autour de lui une communauté de personnes qui ont des problèmes avec leur voiture, est un autre exemple. Les webmasters des sites 206cc.net et 307cc.net (une voiture qui n'est pas encore commercialisée mais qui a déjà son site de fans) sont eux aussi des e-influenceurs. Ce sont des amoureux de leur voiture et ils en parlent mieux que Peugeot. D'ailleurs, le constructeur est très attentif à eux.

Pour revenir sur vos précédentes activités en agence interactive, quel bilan en tirez-vous ?

Je pense que si beaucoup d'agences n'ont pas survécu, c'est qu'elles n'ont pas compris une chose cruciale : Internet n'est pas un tout. Internet est un média. La publicité sur Internet, c'est de la publicité. Le marketing opérationnel sur Internet, c'est du marketing opérationnel, etc. A chaque fois, c'est une métier bien particulier et le fait que cela se passe sur Internet ne change rien. D'ailleurs, on peut constater que les seules agences qui survivent aujourd'hui ont opté pour un seul métier. Elles se sont spécialisées. Les agences qui avaient la prétention de tout faire sur Internet sont mortes. Elles ont tenu un temps parce que la technique dépassait le métier mais aujourd'hui que la technique est acquise par tous, il faut une spécialisation pour survivre. Par ailleurs, je crois qu'il faut remettre Internet dans les métiers de la communication. Aujourd'hui, une agence de pub qui n'a pas un département qui fait de la pub online n'est pas une agence de pub.

Source: Journal du Net (13/06/2003)

 

6 pistes pour optimiser votre veille sur Internet

Partenaires, prospects et concurrents s´affichent sur le Web. Une situation idéale pour réaliser une veille concurrentielle ou stratégique à moindre frais en s´appuyant sur des outils gratuits et néanmoins efficaces.

La plupart des entreprises classent la veille technologique, stratégique ou concurrentielle dans la rubrique "science occulte réservée aux gourous". A l´image de News.google.com ou de Ciao.com, il existe pourtant des outils gratuits qui peuvent aider n´importe quelle entreprise à mettre en place des dispositifs de veille rudimentaires mais efficaces.

Surveiller ses concurrents et son marché

Piste 1 : sites et listes de diffusion des concurrents.

Les concurrents affichent leur stratégie et l´actualité de leur entreprise sur leur site. Trois sources sont particulièrement intéressantes : la section presse qui regroupe les communiqués de l´entreprise, la page d´actualités et les listes de diffusion. Quand il s´agit d´une grande entreprise, deux listes sont généralement disponibles : l´actualité commerciale de l´entreprise (nouveaux produits, nouveaux clients, etc.) et l´activité financière si la société est cotée en bourse.

Piste 2 : sites boursiers.

Les sites boursiers tels que Boursorama, CompanyNews ou PRLine permettent de compléter ces informations avec des données et des analyses à jour. Bousorama propose par exemple des analyses sur des marchés, des fiches détaillées sur chaque société cotée, etc. PRLine permet de son côté de sélectionner un secteur d´activité, une liste d´entreprise ou des thèmes à suivre (accords financiers, nouveaux contrats, etc.). Ce site envoie d´ailleurs un e-mail d´alerte dès qu´une nouvelle information correspond aux critères sélectionnés.

Piste 3 : recherches enregistrées et meta moteurs.

Il est bien entendu possible de compléter ces informations poussées vers l´utilisateur par une recherche ponctuelle sur un sujet donné. Certains meta moteurs tels que Profusion permettent d´enregistrer ses recherches effectuées sur une catégorie de moteurs de recherche et d´annuaires. Bien entendu, rien ne vous empêche d´enregistrer dans les favoris de votre navigateur des requêtes complexes effectuées dans Google. Vous n´aurez plus qu´à les visiter à fréquence régulière.

Piste 4 : portails sectoriels.

Bien qu´ils n´existent pas dans tous les secteurs d´activité, ces sites proposent généralement un synthèse des informations recueillies lors d´une démarche de veille. C´est le cas par exemple de France-Elec dans le domaine de l´électricité et de l´électronique ou de Plasticway dédié à la plasturgie. Ces portails proposent généralement une newsletter qui condense une foule d´informations utiles.

Etudier ses clients et prospects

Piste 5 : communautés et sites d´avis.

Les sites communautaires se distinguent des portails sectoriels car ils sont plutôt tournés vers les consommateurs et intègrent des outils tels que les forums. Ce sont d´excellents capteurs pour se faire une idée de ce que pensent les clients. A mi-chemin entre site portail et communauté, Sooaf.com regroupe par exemple les passionnés d´eau minérale (!), Pleinchamp.com fédère les professionnels de l´agriculture ou, dans un autre registre, Seamply.com et Macmusic.org permettent aux amateurs de nautisme ou de matériels Hi-fi de se retrouver en ligne. Les forums de ces sites proposent d´ailleurs des "conseils d´achat" qui en disent long sur les déceptions des consommateurs par rapport à un produit donné. De plus, ils permettent, au-delà de la veille pure, d´engager un dialogue anonyme avec les membres pour valider des pistes d´évolution des produits ou comprendre les sources de leur mécontentement. Dans ce domaine, le site d´avis de consommateurs Ciao.fr est une vraie mine d´or.

Contrôler son image de marque

Piste 6 : revue de presse en ligne.

La veille est souvent aussi synonyme de contrôle de l´image de marque et de répondre à la question : "qui dit quoi sur ma société ?". Outre les forums et sites d´avis, il existe des moteurs tels que l´excellent News.google.com qui permettent de rechercher un mot clé uniquement sur des sites media. Les listes de diffusion proposées par les sites de presse spécialisée sont également très pratiques.

Source: Indexel (16/04/2003)

 

Joël de Rosnay* : « Il existe une intuition de l'Internet »

Nous ne sommes qu'à l'aube des changements amenés par les technologies de l'Internet dans le domaine de l'intelligence économique. Pour Joël de Rosnay, ces technologies sont en train de définir un nouveau métier dont l'expertise se situe entre l'économie et l'analyse cognitive.

Comment les technologies de l'Internet transforment-elles les métiers liés à la recherche de l'information ?

Sans les agents intelligents, les interfaces homme-machine évoluée ou les logiciels de classement et de présentation de l'information, ces métiers ne sont plus réalisables aujourd'hui. A une question comme « quelles sont les réactions de la concurrence à la sortie d'un nouveau produit ? », l'analyste va réaliser un état du marché, mais il va également tenir compte de l'historique et des possibilités d'évolution des tendances observées. C'est un travail différent de celui du documentaliste traditionnel, même si ce dernier peut faire, lui aussi, de la bibliographie prospective. Ce travail consiste à interpréter des résultats en contextualisant les informations recueillies afin de caler ses réponses sur les questions qui lui ont été posées. C'est un travail de distillation de l'information.

Ces transformations justifient-elles l'appellation d'« infomédiaire » plutôt que de « veilleur », donnée à cet analyste qui utilise les méthodes de renseignement classiques des militaires ?

Recherche d'information, analyse, croisement et synthèse sont en effet les méthodes des militaires, appliquées pendant des siècles dans la tactique, la stratégie et le renseignement. Mais si l'infomédiaire croise effectivement des informations et effectue des synthèses, ses méthodes ont grandement évolué avec les technologies de l'Internet. Entre la recherche d'information à la main et la synthèse orale, un saut quantitatif a été réalisé. Ce saut a eu un effet qualitatif : le fait de passer, par exemple, d'IP à IPV6 a fait entrer du qualitatif dans la recherche et la compréhension de l'information. Et des choses impossibles auparavant sont devenues possibles.

La maîtrise des technologies de recherche de l'information est donc indispensable ?

Si on ne sait pas utiliser les derniers moteurs de recherche, et surtout si l'on n'est pas capable de mettre en commun les différents outils de contextualisation et de personnalisation de l'information, il est impossible d'exercer ce métier.

Ces outils ne demandent-ils pas des compétences qui vont au-delà du simple savoir-faire d'utilisateur ?

Il est vrai qu'il n'est plus possible aujourd'hui de suivre l'évolution d'un marché sans outils de représentation des espaces complexes. Il faut savoir aussi utiliser les informations rapportées par les agents intelligents. Et donc être en mesure d'utiliser les systèmes relevant de la dynamique des réseaux.

En s'attaquant aux environnements complexes, ces outils sont-ils d'un usage spécifique au monde de l'intelligence économique et stratégique ?

Non. Mais ils relèvent tous du monde des réseaux et de l'Internet. Ils incluent les travaux effectués actuellement par le W3C autour du web sémantique. Ils font appel aussi aux recherches menées sur le langage XML pour faciliter les exportations entre bases de données. Ici, l'objectif est d'être en mesure de traquer une information de serveurs en serveurs afin de créer ce que l'on pourrait appeler une intuition de l'Internet. On ne sait pas où se trouvent les informations, mais on sait qu'elles vont permettre d'établir des corrélations qui vont à leur tour suggérer d'autres questions. Je range également dans cette logique les technologies du « grid computing », du « peer to peer » entre agents et les services web qui permettent d'échanger des informations d'entreprise à entreprise grâce aux agents intelligents. Cybion a d'ailleurs créé un portail d'agents intelligents.

Comment ces technologies se complètent-elles ?

Je pense que, grâce au grid par exemple, des agents intelligents vont faire du « peer to peer », sans notion de localisation. Ils feront du trading d'information entre eux.

Tous ces outils sont-ils donc le moyen de se placer entre la macro et la micro-économie, terrain privilégié pour discerner les informations susceptibles de déboucher sur l'action opérationnelle ?

En proposant des représentations de la complexité, ces outils contribuent effectivement à la création d'informations opérationnelles. Mais savoir comment passer de la représentation à l'action relève du knowledge content management (KCM). Les entreprises génèrent de plus en plus d'informations qui se sédimentent dans des bases de données. Associées aux outils de représentation, certains font alors appel au corporate process management (CPM) pour rendre ces données opérationnelles. Je n'y crois pas. Ce concept me rappelle celui d'executive information system (EIS) des années 70, qui n'a rien donné. Je ne crois pas à l'automatisation.

Quelle possibilité reste-t-il alors ?

Je crois à la relation humaine. Je pense que l'interface humaine est et restera déterminante.

* Cofondateur et directeur de la prospective de Cybion, conseiller de la direction générale de la Cité des Sciences et de l'Industrie de la Villette

Source: 01 Informartique (21/03/2003)

 

Méthodologie de veille sur Internet

Les astuces pour optimiser la recherche d'informations

Internet constitue un formidable accélérateur pour la diffusion des activités de veille et d'intelligence économique au sein des entreprises. Revue de détail des astuces méthodologiques.

Il existe une multitude d'outils de recherche sur Internet. Mais au-delà des outils, ce qui est réellement important pour mener des recherches sur Internet, c'est de disposer de méthodes efficaces. Avant de "s'acharner" sur Internet, il est toujours préférable de bien réfléchir et de se poser les bonnes questions. Cerner dès le début le champ d'action permet en effet de savoir quelles sont les différentes stratégies de recherche à votre disposition. Souvent, "apprendre à perdre quelques minutes" avant de commencer vous évitera d'en perdre beaucoup plus en cours de route... Tout d'abord, essayez de définir précisément ce que vous recherchez (une société? un produit? une étude? une personne? un logiciel? etc.) et dans quel but. Ayez toujours à l'esprit le contexte et l'objectif principal de votre recherche. Vérifiez bien que vous ne disposez pas déjà de cette information ou que celle-ci n'est pas accessible facilement ailleurs. Si ce n'est pas le cas, fixez-vous un délai maximum pour mener à terme votre recherche sur Internet (le délai sera bien évidemment proportionnel à l'importance de l'information recherchée).

Évitez de vous disperser. Internet est un outil fabuleux mais qui peut vous faire perdre énormément de temps. Au cours de votre connexion, vous serez obligatoirement amené à croiser des informations sans aucune relation avec votre recherche. Imposez-vous de ne pas les consulter. Internet est le meilleur moyen pour "dévier du bon chemin", si vous cédez à la tentation de suivre vos passions ou vos pulsions...

Ensuite, dressez une première liste de mots-clés en relation étroite avec votre recherche. Évitez les mots communs qui ne vous apporteront que du "bruit". Traduisez cette liste en anglais et soyez toujours prêt à y rajouter de nouveaux éléments.

Pour choisir les bons mots-clés, mettez-vous à la place de la personne qui a rédigé le document ou la page web que vous recherchez. Soyez psychologue : qui est-il? quel vocabulaire a-t-il utilisé? quels termes discriminants? quel langage? Plus vous serez précis avec les mots-clés employés et plus vous aurez de chances d'obtenir des résultats pertinents.

En fonction du thème de votre recherche, essayez de déterminer quelle est la "sphère Internet" où pourrait se trouver vraisemblablement votre information. Sur le web ? Dans les "sphères informelles" (forums de discussion, chat, listes de diffusion…) ? Dans le "web invisible" et ses multiples bases de données externes? etc.

En règle générale, utilisez d'abord les annuaires comme Yahoo si le domaine de votre recherche est étendu et général. Plus votre recherche est spécifique et plus il vous faudra vous orienter vers des moteurs de recherche style Google (d'abord les généralistes et ensuite ceux spécialisés par secteur d'activité qui permettent d'atteindre ce qu'on appelle le "web invisible"). Il faut savoir qu'une bonne maîtrise de Google permet désormais d'appréhender environ 80% des recherches d'informations dans la sphère du web, des forums de discussion et maintenant aussi des articles de presse. Apprenez à maîtriser ses fonctions avancées et surtout ne vous privez pas de la fonction "copie cachée" qui archive toutes les pages web et vous permet donc d'accéder à des documents qui ne sont plus en ligne (en surlignant dans chaque document les mots-clés que vous avez choisi).

Face aux résultats d'un outil de recherche, ne commettez pas l'erreur de cliquer directement sur chaque lien. Vous perdrez en effet la page avec tous les résultats et vous serez donc obligé de revenir en arrière à chaque fois. Apprenez-donc à ouvrir chaque résultat dans une nouvelle fenêtre grâce au bouton droit de la souris. Vous ne perdrez plus de temps à attendre le chargement d'une page ou à retrouver la liste des résultats. Une bonne capacité à travailler simultanément sur plusieurs fenêtres web constitue un gain de temps énorme (ceci est encore plus vrai avec les résultats " copie cachée " de Google avec les mots-clés surlignés).

Enfin, si vous êtes pressé par le temps ou si vous n'êtes pas satisfait par les outils classiques, un méta-moteur comme Profusion.com peut représenter un bon compromis. Ce type d'outil vous permet, d'une manière un peu approximative certes, de débroussailler très vite le terrain en interrogeant à la fois des annuaires et des moteurs de recherche. De même, malgré une phase de mise en place parfois un peu longue, certains agents intelligents assez simples (par exemple BullsEye) constituent probablement la meilleure solution pour être exhaustifs sans perdre de temps. Ces logiciels sont indispensables quand vos recherches deviennent récurrentes ou quand vous adoptez une démarche de surveillance ou de veille.

Les astuces pour optimiser les études

Internet constitue un formidable accélérateur pour la diffusion des activités de veille et d'intelligence économique au sein des entreprises. Revue de détail des astuces méthodologiques.

Que disent les internautes au sujet de mes concurrents, de mon entreprise, de mes marques et de mes produits sur Internet? N'y-a-t-il pas des leçons ou des idées à prendre des messages des internautes dans les forums de discussions. Telles sont les questions que peut se poser un directeur de la communication, du marketing ou de la stratégie. Les sites Web, les forums ainsi que les listes de discussions constituent un espace très intéressant à explorer afin d'avoir une remontée d'informations sur l'image d'une société ou d'une personne. En général, une étude menée par Internet permet d'obtenir une image instantanée à un moment précis dans un univers bien défini. De nombreuses astuces existent afin d'accélérer vos recherches et améliorer votre efficacité au moment d'entamer une étude sur Internet.

Ne pas se laisser griser par l'information. Après avoir défini les objectifs et le cadre de l'étude, il est indispensable de toujours les garder en tête. À cause de la navigation hypertexte, il est courant de se perdre sur Internet en découvrant des sources d'information apparemment intéressantes. Évitez les détours inutiles! Le facteur temps est souvent très difficile à maîtriser.

Définir l'équipe ou choisir un prestataire. Si vous pensez mener l'étude en interne, il faudra mettre en place une équipe aux compétences multiples. Si vous préférez sous-traiter, de plus en plus de sociétés proposent des services de recherche sur Internet. Leurs résultats sont inégaux. Exigez de connaître leurs références, le profil de leurs chercheurs, les outils et méthodes utilisés .

Ne pas se surestimer. La recherche sur Internet demande de longues heures de pratique et ne s'improvise pas. Il est indispensable d'être rigoureux et patient, de bien connaître les outils que l'on décide d'utiliser. Une erreur communément répandue consiste à affirmer qu'une information n'est pas disponible sur Internet parce que l'on n'a rien trouvé après une journée de recherche, alors qu'il s'agit souvent d'un problème de maîtrise des outils de recherche.

Commencer avec les outils classiques. Évitez de débuter avec les derniers outils à la mode ou le dernier agent intelligent sorti. Souvent, un bon annuaire de recherche vous permettra de bien cerner comment est structurée l'information qui vous intéresse. Vous pourrez ensuite affiner avec les moteurs de recherche et les principaux moteurs sectoriels ou bases de données (Web invisible). Commencez toujours par des recherches sur le Web et passez ensuite aux autres sphères d'Internet (forums de discussion, listes de diffusion, bases de données...etc.).

Évaluer les sites et organiser son bookmark Surtout dans le cas de benchmark, pensez à créer des fiches d'évaluation pour chaque site Web et à définir les critères les plus importants que vous souhaitez prendre en compte pour cette étude, tant au niveau de la réalisation (rapidité d'accès, conception, attractivité, richesse du contenu, cohérence/efficacité, interactivité...) qu'au niveau du contenu du site (site vitrine, catalogue, vente en ligne, information, support client...). De même, sachez que de nombreux logiciels permettent de classer beaucoup plus efficacement vos favoris par rapport aux gestionnaires de signets (bookmark) intégrés dans votre browser. Ceci requiert du temps mais présente l'avantage de pouvoir facilement retrouver les sites qui vous intéressent avec en plus des commentaires pertinents.

Identifier l'origine exacte de chaque document recueilli. Il faut apprendre à bien dissocier les différentes "sphères" d'Internet (web classique, sphères informelles, web invisible…) afin d'évaluer la qualité, la fiabilité et la pertinence de chaque document identifié. En effet, on ne peut pas traiter et analyser (ni manuellement, ni automatiquement) des données issues d'un forum de discussion en même temps que des articles de presse ou des simples pages web. En ce qui concerne la fiabilité des informations recueillies, en cas de doute n'hésitez pas à remonter au site original ou à faire des recherches croisées sur les auteurs.

Exploiter les agents intelligents agents. Utiliser un agent de type "aspirateur" dès qu'un site intéressant est repéré. Ce type d'application réalise une copie du site et permet de consulter en local les pages à partir de son disque dur sans devoir se connecter sur Internet. D'autres agents de surveillance peuvent vous aider à actualiser le contenu de votre étude avant qu'elle ne soit périmée.

Rester discret. Vous laissez de nombreuses traces après votre passage sur Internet. Sans entrer dans un exposé technique, sachez qu'il vaut mieux éviter d'effectuer une recherche à partir du réseau de votre entreprise si vous disposez d'un IP fixe et si vous souhaitez rester discrets. Évaluez également la possibilité de désactiver certaines fonctions du browser (cookies, ActiveX, vbscript…) ou de désinstaller certains logiciels (surtout ceux de " peer to peer " ou de chat) afin de renforcer le niveau de sécurité.

Garder un œil critique. Soyez toujours circonspect dans l'utilisation et l'interprétation des informations que vous trouverez sur Internet, essayez de déterminer la date de publication des documents, leur auteur, l'activité et la localisation du site qui les héberge... Malheureusement, il est parfois très compliqué de "fiabiliser" une information issue d'Internet (surtout des sphères informelles)

Analyser les informations recueillies. Avec l'ensemble des informations dont vous disposez, vous pouvez commencer à formuler les premières hypothèses de travail. Éventuellement, vous pouvez compléter vos données en contactant les webmasters de certains sites et les experts identifiés dans les forums. Au moment de la rédaction, adoptez une "approche multimédia" (documents électroniques avec images et liens hypertexte) qui vous permettra de diffuser plus efficacement vos résultats au sein de l'entreprise ou sur votre intranet.

Actualiser l'étude. Les études deviennent très rapidement caduques sur Internet. Pensez à actualiser leur contenu régulièrement et commencez à envisager d'installer des dispositifs de veille efficaces.

Les astuces pour optimiser la veille

Internet constitue un formidable accélérateur pour la diffusion des activités de veille et d'intelligence économique au sein des entreprises. Revue de détail des astuces méthodologiques.

D'une manière générale, la veille est la faculté que nous avons d'appréhender notre environnement ; une sorte d'état d'esprit orienté vers l'extérieur. Plus précisément, la veille stratégique permet aux entreprises d'anticiper les "signaux faibles" susceptibles de créer des opportunités et d'écarter les éventuelles menaces. Cela dit, la veille stratégique est un terme général qui englobe différentes autres formes de veille : veille concurrentielle, veille marketing, veille juridique, veille technologique, veille "personelle"…etc.

A/ Veille concurrentielle et marketing

Si vous êtes intéressé par ce que font vos concurrents, par leurs produits et services, ou par les autres acteurs de votre marché (distributeurs, fournisseurs, clients…), les agents d'alerte (téléchargeables gratuitement à partir de Veille.com) peuvent vous aider de différentes manières :

La démarche directe consiste d'abord à identifier manuellement (avec les outils de recherche traditionnels) les sites de vos concurrents ou des autres acteurs que vous désirez surveiller. D'ailleurs, l'astuce la plus bête pour identifier certains sites de vos concurrents consiste à analyser la rubrique dans laquelle votre site est listé sur Yahoo ou Nomade… Ensuite, pour chacun des ces sites, il s'agit de trouver la ou les parties qui méritent une "attention particulière" (souvent ce sont les pages consacrées aux "produits et services" ou aux "nouveautés"). Enfin, il faut choisir l'agent d'alerte à utiliser afin d'être au courant des nouveautés qui peuvent apparaître. En général, les agents d'alerte "off-line" permettent un niveau de personnalisation bien supérieur par rapport aux agents d'alerte par e-mail qui eux sont "on-line".

La démarche indirecte est issue du constat évident qu'une veille concurrentielle efficace ne se limite pas à ce que les concurrents ont choisi de communiquer… Ceux-ci se doutent bien que ce qu'ils publient ne va pas être lu uniquement par leurs clients ou prospects… Il faut donc trouver des sources complémentaires d'informations. À l'aide des outils de recherche traditionnels (moteurs, annuaires, méta-moteurs), vous devrez alors identifier les articles, les revues, les magazines et toutes les autres bases de données susceptibles de contenir des informations intéressantes. Toutefois, vous choisirez toujours un ou plusieurs agents d'alerte pour surveiller en permanence le fruit de vos découvertes…

La démarche empirique a pour but d'être à l'affût de tous les bruits et rumeurs, fondés ou pas, qui circulent sur telle ou telle société, sur tel ou tel produit. En général, c'est surtout en analysant les archives des forums de discussion que vous obtiendrez les informations les plus "croustillantes". Mais il ne faut pas négliger les listes de diffusion ainsi que les sites web personnels ou "non officiels". La démarche empirique repose sur une surveillance rigoureuse des sphères informelles d'Internet.

B/ Veille juridique

Puisqu'une majorité de personnes (et de sociétés !) sont persuadées qu'Internet constitue un état de non-droit où l'on peut faire ce que l'on veut sans courir aucun risque, vous-même avez tout intérêt à prendre certaines précautions pour assurer votre propre protection tant au niveau de la contrefaçon que de la désinformation.

Si vous voulez vous assurer de ne pas être victime d'une contrefaçon et que par exemple personne n'exploite votre argumentaire commercial, la meilleure solution consiste à prendre des mots, ou mieux de courts extraits très caractéristiques de votre offre, et de lancer des recherches avec les moteurs les plus puissants (Google, All The Web...). L'idée consiste à retrouver ceux qui auraient pu recopier certaines des phrases qui décrivent votre offre. Pour éviter d'être submergé par les résultats, choisissez entre 3 et 5 mots issus d'une phrase typique et lancez la recherche en mode 'exact phrase' (ce qui équivaut souvent à mettre la requête entre guillemets). Si personne ne vous copie, vous ne trouverez que l'adresse qui pointe vers votre site.

Naturellement, il ne s'agit que d'une méthode empirique qui est loin d'être infaillible. D'autant plus que, contrairement à ce qu'ils font croire, même les meilleurs moteurs de recherche n'indexent pas l'intégralité du Web et il arrive parfois qu'il faille attendre plusieurs semaines avant que leurs robots ne visitent de nouvelles pages.

La meilleure solution, beaucoup plus pragmatique, consiste à identifier vos concurrents actuels et potentiels et à surveiller l'évolution de leur offre. Ainsi, pour détecter plus rigoureusement des contrefaçons, au lieu de lancer épisodiquement des recherches d'informations parfois peu efficaces, vous pouvez mettre en place des dispositifs de veille, et ce toujours à partir d'agents d'alerte :

Tout en sachant qu'il n'y a pas de "recette miracle", une bonne stratégie consiste donc à identifier à l'aide des outils traditionnels les sites de vos principaux concurrents directs et indirects. Dans un deuxième temps, installez des agents d'alerte et paramétrez-les de manière à ce qu'ils surveillent au moins la partie "services/produits" de leur site ainsi que celle consacrée aux nouveautés. Ensuite, vous choisissez un logiciel capable d'indexer l'ensemble des données que les agents ont rapatrié de manière à pouvoir effectuer des recherches très précises et très rapides directement sur votre ordinateur, à intervalles fixes.

Le problème de cette démarche, c'est qu'elle n'est pas capable de détecter de nouveaux entrants sur vos marchés. Pour cette raison, il est indispensable de mener régulièrement des mini-études afin de les inclure dans votre liste de sites à surveiller. Il s'agit donc d'un processus cyclique qui s'autoalimente et s'autoenrichit progressivement.

En ce qui concerne d'éventuelles campagnes de désinformation ou de déstabilisation, quand celles-ci ont lieu, c'est surtout au niveau des forums de discussion et dans une moindre mesure dans les listes de diffusion ou au sein de certains sites web plus ou moins anonymes. A intervalles réguliers, vous avez donc intérêt à utiliser des outils spécialisés pour les newsgroups (ex. Google Groupes), les mailing lists ou le Web, pour contrôler si votre nom ou celui de votre société n'apparaît pas soudainement sur Internet.

Là aussi, plutôt que de lancer des recherches ponctuelles, il est préférable de mettre en place des dispositifs de veille continue. Ainsi, pour détecter des campagnes de désinformation ou de déstabilisation, il faut suivre une démarche qui consiste d'abord à identifier les "endroits" (forums de discussion, listes de diffusion, sites web personnels) à partir desquels une éventuelle attaque pourrait avoir lieu. Si vous êtes dans le secteur de l'assurance, vous avez tout intérêt à identifier et surveiller les principaux forums et sites consacrés à votre secteur d'activité. En choisissant des mots clés suffisamment pertinents, vos agents d'alerte traqueront une partie des informations qui pourraient vous porter préjudice. Naturellement, les agents n'étant pas intelligents, vous recevrez des fausses alertes dès que quelqu'un parlera de vous, même en de bons termes…

Par ailleurs, vous pouvez transformer votre enquête en une étude d'image pour comprendre ce que disent de vous vos clients ou les "internautes" en général. De nombreux bruits circulent sur certains leaders d'opinion et sur de nombreuses entreprises. Les leaders d'opinions (hommes politiques ou autres), aussi bien que les entreprises, ont tout intérêt à contrôler les discussions les concernant. En effet, tôt ou tard celles-ci se répercutent en dehors d'Internet via les médias traditionnels.

C/ Veille "personnelle"

Il faut savoir que chaque fois que vous vous exprimez publiquement sur Internet, soit à travers une intervention dans un forum (newsgroup ou webforum), soit à travers une liste de diffusion, vos propos sont enregistrés sur un ou plusieurs serveurs d'archives dans le monde. Ensuite, des moteurs de recherche comme Google Groupes se chargent d'indexer le contenu de ces messages et ceux-ci restent accessibles pendant plusieurs mois, voire des années. Vous pouvez même retracer le profil d'une personne en analysant automatiquement dans quels forums elle intervient et de quelle manière elle s'y exprime. Vous pouvez ainsi cerner assez précisément ses centres d'intérêt et certains traits de son caractère...

Rares sont les personnes qui sont au courant de ce phénomène. Ainsi, il peut arriver que des employeurs souhaitent savoir si leurs employés s'amusent sur les forums pendant les heures de travail. Jusqu'ici le principe est certes discutable mais répréhensible. Mais l'atteinte à la vie privée devient très facile. Imaginez qu'un employeur se rende compte qu'un employé, même en dehors de ses heures de travail, intervient dans des forums "roses"... Légalement, il a le droit de faire toutes les recherches qu'il veut tout simplement car un forum sur Internet est un espace public accessible à tous

Si vous ne voulez pas être observé, il existe néanmoins des solutions techniques, notamment en adoptant une adresse e-mail anonyme. Mais le but ici n'est pas de traquer ou d'espionner les mouvements de quelqu'un sur Internet, même si cette possibilité existe. Internet peut être un outil formidable pour suivre les interventions ou les publications de tel ou tel expert. Pour optimiser ce type de veille, il faut d'abord, toujours avec les outils de recherche classiques, identifier les newsgroups, les mailing lists ou les sites web, dans lesquels la personne a l'habitude de s'exprimer. Une fois que ces ressources ont été repérées vous pourrez, comme d'habitude, les surveiller à l'aide d'un agent de veille off-line.

Source: Journal du Net (12,18,26/04/2002)

 

Dossier veille du Journal du Net

Veille : Internet chamboule (presque) tout

Tâche obscure et souvent fastidieuse, la veille a pris une nouvelle dimension depuis quelques mois avec Internet. L'arrivée des réseaux et des bases de données actualisées en permanence et accessibles partout dans le monde a en effet modifié la donne. Et ce travail, qui consiste pour l'entreprise à analyser les sources d'informations pour découvrir de nouveaux acteurs potentiels sur un marché ou mieux connaître son environnement technologique, s'est offert une nouvelle exposition.

Tous les prestataires de la veille l'affirment en cœur, Internet et sa composante Web ont eu un effet entraînant pour le secteur en sensibilisant les entreprises à ce métier. "L'Internet a fait découvrir aux entreprises qu'elles pouvaient avoir l'information rapidement et facilement, constate Alain Pajot, le président de Startem. Elle se sont découvert un goût pour l'information." Aucun service de veille d'entreprises ne pourrait désormais se passer d'Internet pour alimenter ses recherches. Qui mieux que le Web peut en effet permettre d'identifier, en quelques clics, ses concurrents sur un secteur ou veiller à la sortie de nouveaux produits? Cette facilité et cette rapidité d'accès à l'information ont d'ailleurs conduit certaines entreprises à "imaginer dans un premier temps qu'elles pourraient s'émanciper des cabinets de conseil en s'occupant elle- même du travail", constate Didier Heiderich, président de Ksiopa. "Internet a, eu au début, un effet égalisateur, résume de son côté Yves-Michel Marti, président d'Egideria. Des grands cabinets de conseil qui avaient accumulé de la documentation depuis des années en interne et qui la faisaient payer très cher aux entreprises ont vu brusquement leurs informations se retrouver en libre-service sur Internet", explique-t-il.

Le marché est de plus en plus concurrentiel et l'atterrissage risque d'être brutal pour certains

Le phénomène un peu illusoire des débuts serait toutefois en train de s'estomper progressivement. Pour des raisons finalement assez évidentes, que résume Yves-Michel Marti. "Internet, c'est un peu comme si vous déversiez 30 tonnes de minerais aurifère aux pieds de votre conjoint en lui disant : tiens voilà de l'or. Sans raffinage il n'y a pas d'or. Dans la veille c'est pareil." Un constat également dressé par Gilles Feingold, à travers son expérience commerciale chez Alogic. "Les entreprises que nous avons prospectées veulent absolument savoir ce qui se passe sur Internet et l'utilisent. Mais elles ont désormais peur de l'abondance d'informations récupérées et ont du mal à faire le tri."

Si ce mirage de la veille sur Internet a frappé les entreprises, il a également eu quelques effets euphorisants dans le milieu des prestataires. Beaucoup de sociétés sont ainsi nées dans le sillage des Cybion, Startem ou Ksiopa, pionnières en la matière au même titre qu'Egideria, née en 1994. Le marché devient donc de plus en plus concurrentiel et l'atterissage risque d'être brutal pour certains. "Avec un modem pour Internet, un bon logiciel de veille et un bureau, on peut prétendre faire de l'intelligence économique pour un client. Seulement, cela ne suffira pas", prévient un prestataire.

L'écrémage se fera sans doute sur l'expérience. Car si Internet a pu donner de fausses illusions aux entreprises, le Web leur a tout de même permis de placer la barre beaucoup plus haut en matière d'exigences. "La demande s'est décalée, constate François Libmann, présent dans le monde de la veille avec sa société FLA Consultants depuis 1977. Désormais, la plupart des clients ont déja fait un gros travail de recherche sur Internet avant de venir nous voir, avance-t-il. Les questions sont moins simples et mieux formulées. C'est à nous de nous adapter et d'amener de la valeur ajoutée avec l'utilisation d'outils plus complexes. Une analyse partagée par Stéphane Martin, le directeur commercial de Cybion : "Beaucoup d'entreprises pensent encore que l'Internet se limite à la sphère du Web. Le Web, c'est 6 milliards de pages selon Google. Il y en a sans doute près de quinze fois plus, sans compter les multiples bases de données accessibles via Internet."

"Le client arrive mieux formé. Mais nous nous améliorons également et nous allons plus vite"

Et c'est dans ce dernier domaine que les acteurs peuvent jouer leur plus grand rôle, selon Didier Heiderich (Ksiopa). "La vraie amélioration pour les prestataires se situe dans la connaissance de ce Web invisible. S'il est exact que le client arrive mieux formé, nous nous améliorons également et nous allons plus vite." Pour les prestataires, l'avantage d'Internet résiderait ainsi principalement dans l'accélération de la vitesse de recherche d'information. Un élément dont la conséquence majeure pourrait être une meilleure qualité de la veille produite en bout de chaîne. "Avant Internet, nous passions 80% du temps à chercher et 20% à analyser l'information rappelle Stéphane Martin. Désormais, l'objectif est quasiment d'arriver au ratio inverse."

Veille : un oeil sur la technologie, un oeil sur la communication

En créant récemment un nouveau groupe autour de trois pôles de compétences, le groupe Datops a peut-être illustré la nouvelle donne du marché de la veille sur Internet. Les dirigeants respectifs de trois sociétés (API, Startem et Datops) ont en effet décidé de rapprocher leurs compétences de technologe de veille (Datops), d'étude et d'analyse (API) et de gestion et de communication de crise (Startem). Ce rapprochement entre la technologie et les services associés se justifiait selon, Alain Pajot, le fondateur de Startem, par la demande importante du marché en la matière. "S'il faut aider le client à utiliser Internet, car il est le seul à maîtriser sa problématique, nous avons constaté que vendre de la technologie pure ou du logiciel de veille n'était pas aisé. Notamment parce qu'à l'heure actuelle, le niveau de maturité des cellules de veille des PME est faible".

Ce constat est partagé par l'ensemble des acteurs de la veille avec une formule que résume Jérôme Thil, le président de Coelis Systems. "Quand j'étais responsable de la veille dans une entreprise, en acquérant un logiciel, j'avais l'impression d'acheter des problèmes et non pas une solution de veille. Maintenant que je suis de l'autre côté de la barrière, il est difficilement concevable de vendre une technologie brute. Nous préférons garder la technologie et vendre du service" confie-t-il.

Ce besoin était également rendu impérieux par le fait que la technologie a encore beaucoup de limites en matière de veille. " Vous pouvez utiliser des outils somptueux et faire un travail de cochon, explique Yves Michel Marti, le président d'Egideria. La veille n'est pas un problème de logiciels mais de méthodes" tempête-t-il exemple à l'appui. "Prenons un mot comme 'détergent'. Ce mot a une définition différente dans la science ou le marketing. Un moteur, même le plus performant, ne peut comprendre cela. Il faut de l'humain et donc du conseil derrière pour affiner la recherche." En écho, Jérôme Thil estime que "l'Internet et les outils technologiques n'ont pas tout résolu. La veille reste du jus de cerveau."

"L'Internet et les outils technologiques n'ont pas tout résolu"

Si la plupart des sociétés allient donc désormais technologie et conseil (beaucoup de cabinets-conseil sont d'ailleurs béta-testeurs pour les éditeurs de logiciels), une autre tendance semble se dégager. Celle qui consiste à proposer une solution à l'entreprise à l'issue d'une mission de veille dans le cas, notamment, où un problème est détecté. La gestion et la communication de crise font ainsi de plus en plus leur apparition dans la panoplie du prestataire. "La veille ne sert pas à grand chose si on ne sait pas l'utiliser derrière pour proposer des réponses", constate à cet égard Nathalie Spilmann responsable de la veille Internet chez Atlantic Intelligence, un groupe créé par l'ancien patron du GIGN Philippe Legorjus.

Sa société, pourtant issue de la sécurité industrielle, a fait l'an dernier le même pari que Startem. Créée initialement sous le nom de PHL Consultants, la société est devenue une holding, Atlantic Intelligence, qui dispose notamment, depuis mai 2000, d'une filiale à 51%, Caravagge, spécialisée dans la gestion et la communication de crise. "C'est très complémentaire de notre activité de veille, explique Nathalie Spillmann. Avec Internet, la réaction doit être très rapide et il était préférable de nous doter de cette compétence de communication de crise pour répondre plus vite aux problèmes de l'entreprise."

Les agences de communication se penchent sur le secteur

Pour ces raisons, le marché déjà atomisé de la veille, pourrait voir arriver de nouveaux acteurs. Les agences de communication ausculteraient ainsi le secteur, un peu par conviction mais également par obligation. Co-fondateur, d'Enterpress, une société de communication, Manuel Morlier juge ainsi que la veille sur Internet pourrait redistribuer les cartes dans son secteur. "La demande des entreprises est de plus en plus globale. Avant, les agences de communication pouvaient se contenter de fournir aux clients une simple prestation pour des communiqués de presse ou des relations publiques. Cela ne suffit plus et il faut maintenant savoir identifier les concurrents, les nouveaux produits, les signaux de crise. En clair, avoir une compétence encore plus forte dans la veille".

Cette tendance avait été illustrée l'an dernier par le groupe de communication Publicis. Précurseur, celui-ci avait ainsi créé, ex-nihilo, Netintelligenz, une filiale spécialisée dans la veille sur Internet qui s'appuie en cas d'alerte sur les métiers de base de Publicis . "En matière de veille, Publicis a fait le choix de l'intégration et non l'appel à un prestataire, avance Florence Bonetti, la directrice générale de la société. Cela nous permet d'être plus rapide et surtout d'éviter au maximum les fuites et la déperdition d'informations lors de la détection d'un problème. Le recours à une cascade de prestataires rend le travail souvent plus complexe." Selon elle, les grandes agences de communication, s'y mettront d'ailleurs tôt ou tard avec la multiplication des crises nées sur Internet.

Vers un système de rapprochements

Stéphane Martin, le directeur des études de Cybion en est également convaincu, persuadé qu'il faudra être "multi-offres". Le seul point d'interrogation réside finalement dans la forme que prendront les rapprochements entre prestataires de la veille et agences de communication. "Est-ce qu'il y aura des fusions ou des sociétés travaillant en partenariat fort entre elles. Je penche plutôt pour la deuxième solution" pronostique Stéphane Martin. Les sociétés auront en tout cas le temps de s'y préparer puisque le marché de la veille sécuritaire sur Internet ne nourrira pour l'instant pas tous les acteurs. Dans son prospectus d'introduction en Bourse, Atlantic Intelligence estimait que cette activité de gestion de crise pouvait être estimée en France à 120 millions de francs cette année avec un taux de croissance prévisionnel de 50% par an dans les années qui viennent.

Le Web, future baguette magique de la veille ?

Exploiter des bases de données de presse, surveiller les forums de discussions, vérifier les nouveaux sites de la concurrence sur le Web : l'internet permet désormais de couvrir une palette de plus en plus large en matière de veille. Les prestataires livrent quelques recettes et des exemples de missions qu'ils ont pu mener pour le compte de clients.

L'analyse des sources de presse

Si de nombreuses archives de journaux existent gratuitement sur le Web pour qu'une entreprise puisse veiller sur la perception qu'ont les médias de son activité, les prestataires ont accès à des bases de données payantes beaucoup plus puissantes. Startem a ainsi mené une étude pour une entreprises à travers ces bases de données qui agrègent parfois jusqu'à 8 000 sources de presse dans le monde actualisées quotidiennement. "Après une campagne de communication de l'entreprise, nous avons tenté d'analyser comment le message de la société était perçu par les médias. Grâce à des outils technologiques, notamment sémantiques, et une large intervention humaine, on s'est aperçu que le message diffusé n'atteignait pas forcément le but escompté et était mal répercuté du fait d'une mauvaise interprétation. Une fois le constat établi, nous avons proposé à cette entreprise de créer un nouveau site pour expliquer la stratégie en corrigeant le tir et en retouchant le FAQ présent sur la page d'accueil de son site".

La veille concurrentielle

S'il est aisé pour une dotcom de veiller à l'apparition de nouveaux concurrents, puisque tout le monde a son site dans ce domaine d'activité, la veille concurrentielle se propage également à d'autres secteurs plus traditionnels. Jean-Philippe Miginiac, président de Strategic Road estime ainsi qu'il désormais facile d'"identifier les nouveaux entrants ou de regarder les mouvements d'un concurrent grâce au Web. Il existe quelques recettes pour anticiper le lancement d'un site dédié à un nouveau produit par exemple". Jean- Michel Marti, président d'Egideria, pense également que le Web peut rendre de menus services à l'entreprise. "En vous abonnant à Yahoo vous pouvez par exemple être prévenu de tout nouveau site inscrit dans l'annuaire. C'est un moyen très simple de veiller à l'arrivée d'un concurrent". Selon lui, le Web sert également à surveiller les néologismes pour la technologie ou à dénicher des experts.

Une démarche entreprise par Jérôme Thil, président de Coelis pour le compte d'un client." Notre client voulait savoir quel circuit avait utilisé un concurrent pour faire du lobbying auprès de la Commission européenne. Grâce au Web, nous avons pu établir quels cabinets étaient intervenus dans le dossier, les montants des contrats et les différentes personnes en charge du dossier" . S'il faut, selon lui, une phase de vérification humaine obligatoire après la recherche sur Internet, l'utilisation du Web permet de repousser les limites et de ne solliciter le renseignement humain qu'en dernier ressort. "C'est une bonne chose car dans ce petit milieu tout le monde se connaît et cela réduit le risque de fuites", avoue-t-il.. Dernier exemple en matière de veille concurrentielle, l'analyse rapide et complète d'un concurrent. Le prestataire Business Alpha a notamment mis en ligne sur son site un exemple des potentialités offertes par le Web dans ce domaine en analysant la société américaine Revlon.

La prévention des crises

Si le recours, pour certains groupes de pression, à la création d'un site pour médiatiser une affaire a fait ses preuves, il a également ses faiblesses. L'adversaire (l'entreprise en l'occurrence) a ainsi une vision globale des avancées de l'"ennemi" et peut tenter d'anticiper la crise. Florence Bonnetti, directrice générale de Netintelligenz, juge ainsi que "si le Web n'est pas encore représentatif de la population mondiale, il est en revanche un puissant relais auprès des leaders d'opinion et son impact peut être majeur". Pour le compte d'une entreprise, la société a par exemple surveillé des sites activistes qui rendaient compte des conditions de travail dans un pays où se trouvait son client. La part d'intervention humaine était toutefois importante dans ce travail, car, selon elle, "on ne peut pas, dans ce genre de cas, s'appuyer entièrement sur ce qui est dit sur le Web. Nous avons dû nous rendre dans le pays pour vérifier les informations émises par les sites activistes". Une fois vérifiée et confirmée, Netintelligenz a mis en place une cellule de communication de crise pour l'entreprise avec notamment un site fantôme prêt à être activé en cas d'alerte.

Ksiopa a mené une mission semblable pour une entreprise cliente qui devait annoncer un plan de restructuration dans une région française. Le prestataire a été chargé d'étudier d'éventuelles critiques ou des signaux faibles de crise sur le Web. "Les bonnes sources sont la presse locale sur internet, les site contestataires et sociaux et surtout le web invisible dont la connaissance s'affine au fil des missions", explique Didier Heinderich. Mais avant se lancer dans la veille il faut, selon lui "bien comprendre le produit et le contexte". Cela permet "plutôt que de proposer une exhaustivité, inutile et impossible à atteindre, de travailler directement sur quelques sources et de gagner du temps".

Les forums de discussions, futurs stars de la veille sur internet ?

"Même s'il ne faut pas faire d'une étincelle une explosion", selon les mots de Didier Heinderich, les forums de discussions, ces gigantesques cafés du commerce mondiaux, sont désormais scrutés attentivement par les entreprises. Parfois pour prévenir les crises mais également dans le cadre de missions marketing et commerciale. Un exemple d'utilisation de cette veille est illustré par Yves-Michel Marti, président d'Egideria. "Nous avons mené sur le Web une mission pour un fabricant de déodorants pour tissus. En scannant les forums, on s'est aperçu que le nom du produit revenait notamment souvent dans les fils consacrés à certains sujets comme le skate-board. Cela a permis ensuite de proposer au clients de cibler des magasins de sports branchés pour sa distribution".

Cette tendance à l'utilisation marketing des forums ne serait toutefois pas encore majoritaire chez les acteurs pour des raisons structurelles. Jean-Philippe Miginiac, estime "notamment qu'on a pour l'instant du mal à identifier le profil des visiteurs des forums ce qui rend complexe l'analyse marketing". Stéphane Martin, le directeur des études de Cybion, juge également que la limite actuelle est liée au profil socio-professionnel de l'internaute. "En majorité la population qui utilise le Web ou les forums est très jeune, féminine et plutôt aisée. Cela peut donc servir pour une marque de cosmétique mais pas pour d'autres secteurs". Sa société a toutefois mené une mission de ce type pour le compte d'un fournisseur d'accès à internet (FAI) lorsque celui-ci a augmenté ses prix. "C'est un sujet très discuté sur les forums. La veille a permis de prendre le pouls des internautes en vue de préparer le service client du FAI aux questions qui revenaient le plus souvent. La rapidité de propagation de l'information sur le Web permet souvent d'y récupérer de l'information avant tout autre source. Dans le cas du FAI, on a d'ailleurs remarqué que les messages postés sur les forums et ceux reçus ensuite pas le service client étaient très similaires. Ceux qui s'expriment sur les forums sont également souvent les plus prompts à envoyer un courrier de mécontentement", constate Stéphane Martin.

... Et des buts moins avouables

Si les prestataires restent plutôt discrets sur le sujet, l'internet a également permis à certaines entreprises de mener quelques missions moins avouables pour ficher leurs "ennemis". A titre d'exemple, Jean-Philippe Miginiac confie ainsi qu'il a découvert, au cours d'une banale mission sur le Web pour un groupe international, qu'un des plus hauts cadres de l'entreprise cherchait visiblement un nouveau job chez la concurrence. "Il n'avait pas mis directement son CV sur Internet mais l'avait fait par le biais d'un ami. Mais après étude de quelques forums de discussions, il a été facile de l'identifier. Nous ne l'avons pas signalé car ce n'était pas notre mission initiale mais il faut y prendre garde". Véritable évolution pour les entreprises, la veille sur internet devra donc parallèlement rendre méfiant le citoyen et le salarié.

Source: Journal du Net (17-18-19/12/2001

 

La cyber-veille stratégique au service des entreprises

L'intelligence économique ne peut plus se passer du Net

Les cyber-veilleurs, ou traqueurs d'informations sur Internet, ont la cote auprès des entreprises. Le net a, en effet, modifié en profondeur le travail d'intelligence économique réalisé de tout temps par des sociétés soucieuses de veille concurrentielle. Certes, le Web ne dispense pas encore complètement les discrets agents du renseignement d'affaires de fréquenter les salons professionnels, d'éplucher soigneusement la presse spécialisée... bref, d'épier par tous les moyens les projets de la concurrence. Mais, aujourd'hui, les informations transitant sur la Toile constituent la matière principale des spécialistes de la veille. Au risque de décevoir les épigones d'OSS 117 et autres James Bond, les professionnels du secteur se suffisent fort bien de l'information dite publique. Comme le note ce consultant spécialisé dans la mise en place d'applications de gestion de la connaissance : « Quatre-vingt-quinze pour cent de l'information à valeur ajoutée est à portée de main. » Et Internet constitue la porte d'entrée principale à ces ressources libres.

Abondance et qualité

Sites professionnels, banques de données publiques ou privées, groupes de discussion, sites de recrutement : les sources abondent pour le spécialiste de la veille sur le Net. « Mais l'abondance ne garantit pas la qualité », poursuit le consultant. Si le gisement est immense, le minerai est plutôt pauvre... « L'enjeu est d'arriver à extraire du bruit ambiant et de la confusion l'information utile et les données qui font sens », renchérit Frédéric Datchary, consultant chez Arisem, un éditeur spécialisé.

Basée sur des technologies utilisées par les moteurs de recherche, toute une gamme de logiciels automatise la recherche d'informations sur le Net. Ces aspirateurs et autres agrégateurs de données peuvent être exploités en mode dit « push » : dans un premier temps, l'utilisateur doit personnaliser sa requête. Une fois configuré, le logiciel scrute le Web en permanence, rapatrie automatiquement l'information et la classe, de même, dans l'ordinateur de l'utilisateur. Les chercheurs de Rhône-Poulenc Rorer, qui travaillent sur les applications découlant du décryptage du génome humain, utilisent ce genre de produit.

Intervention humaine

Les plus sophistiqués de ces outils s'appuient sur les techniques de l'intelligence artificielle. Ils ne se cantonnent pas, comme les moteurs de recherche généralistes, à une quête basée sur quelques mots clés. Ils sont capables d'élargir le spectre de la recherche en analysant le contexte sémantique et lexical des documents. Un progrès, donc, mais pour Jean-Philippe Miginiac, le créateur de Strategic Road (portail français de référence en matière d'intelligence économique), ces logiciels ne permettent pas d'avoir accès à la face cachée du Web.

En effet, certains sites de chercheurs ou d'experts, certaines pages personnelles, certains liens hypertextes, échappent parfois sciemment à l'indexation. « Il faut avoir une connaissance intime et empirique du Web et de ses ramifications pour avoir accès à ces ressources », affirme Jean-Philippe Miginiac. L'intervention humaine reste donc maîtresse. Pour une veille stratégique de qualité, les données restituées par les logiciels doivent être passées au crible par des interprètes en chair et en os, parfaitement compétents dans leurs métiers. Ces cyber-veilleurs doivent, notamment, vérifier soigneusement l'exactitude des informations : la diffusion de fausses nouvelles de la part de la concurrence fait évidemment partie du jeu...

Le fonctionnement d'un moteur de recherche

Si les technologies mises en oeuvre sont complexes, le principe du moteur de recherche est simple. Tout d'abord, le logiciel chercheur doit effectuer un parcours le plus exhaustif possible d'Internet, en termes géographiques, mais aussi linguistique et temporel. Puis le moteur indexera les documents collectés dans le but d'en extraire l'information pertinente. L'analyse portera alors sur la structure du document (mots, phrases, sigles), sa morphologie, sa syntaxe et sa grammaire. Puis viendra le temps du traitement de la question, la recherche et le tri, à l'aide d'outils linguistiques.

Recherche sémantique sur Internet

Pour chercher de l'information sur Internet, les moteurs de recherche et autres « crawlers » sont incontournables : du moteur généraliste à la portée de tous aux logiciels spécialisés dotés de fonctionnalités sophistiquées de recherche et d'indexation. Ces derniers produits sont essentiels à une veille stratégique sérieuse. Chacun a, en effet, pu en faire l'expérience : les moteurs de recherche généralistes, qui tournent à partir de mots-clés, rapatrient sur l'écran des utilisateurs des informations très éloignées, voire sans aucun rapport avec l'objet de la recherche. D'où cette impression de grande confusion ressentie par les néophytes qui font leurs premières armes sur Internet. Et l'utilisation par l'internaute de la fameuse icône « propriétés de recherche avancée » ne change pas grand-chose à l'affaire...

Analyse lexico-linguistique

Certains éditeurs proposent aux professionnels des technologies capables de ratisser le Web, à la fois de façon plus fine et plus large. Elles sont basées sur l'analyse lexico-sémantique. Il s'agit d'identifier des documents pertinents qui n'auraient pas été repérés par des outils utilisant les seuls mots-clés. Exprimée en langage courant, la requête de l'utilisateur va être « traduite » par l'outil informatique et associée à d'autres concepts, via l'exploitation de dictionnaires très complexes, établis au préalable par des bataillons d'ingénieurs linguistes.

Quelques sites de veille stratégique

Strategic Road, pionnier de la veille sur Internet : avec près de 110.000 pages vues par mois et de près de 45.000 visites, le site Strategic Road est devenu « la » référence de la veille stratégique sur Internet. Créé et dirigé par Jean-Philippe Miginiac, l'un des « papes » de cette discipline, ce portail est fréquenté assidûment par les spécialistes de l'intelligence économique, les « cyberveilleurs » et... les journalistes. Jean-Philippe Miginiac, installé physiquement à Voiron, dans l'Isère, a donné une orientation très géopolitique à ce portail. Lancé sans publicité, cet adepte du « marketing viral » (bien plus chic que le simple bouche-à-oreille !) a passé des accords avec les sites Internet de grands titres nationaux qui lui apportent du trafic supplémentaire.

Clementine International, veiller pour mieux recruter : une application de veille n'est pas réservée aux grandes entreprises. C'est ce que prouve le cabinet de recrutement spécialisé dans les métiers de hautes technologies Clementine International. Cette petite entreprise a, en effet, déployé un logiciel de veille qui lui permet d'interroger en permanence les sites de recrutement, les forums de discussion, les pages perso comprenant des CV disponibles en ligne. Objectif : identifier les « bons » candidats avant la concurrence, dans un contexte de pénurie croissante de ressources.

Infoguerre.com, portail offensif : véritable mine d'informations sur l'intelligence économique « offensive », le site Infoguerre.com est aujourd'hui l'un des sites soutenus par le cabinet C4IFR, qui a pour particularité d'employer des anciens de l'Ecole de guerre économique. Ce cabinet a également créé un site dont l'objet est de proposer des tests des nouveaux logiciels de veille ou applications connexes mises sur le marché par les éditeurs.

Les informations stratégiques doivent irriguer l'entreprise tout en restant confidentielles

Aussi sophistiqué soit-il, un logiciel de veille n'est pas, à lui seul, gage d'une bonne pratique de l'intelligence économique. Marc Noël, PDG du cabinet de conseil Parker Williborg, souligne ainsi que « l'efficacité de la veille est dépendante de l'organisation qui va supporter l'interprétation et la communication des informations aux utilisateurs ». Comme le rappelle Carlo Revelli, l'un des fondateurs de Cybion, un portail spécialisé dans l'intelligence économique : « Sans compétence métier capable de hiérarchiser et d'interpréter les données, une application de veille stratégique court à l'échec. » La parole reste donc aux hommes de l'entreprise.

Paranoïa

Historiquement, les entreprises ont confié, à des cellules très centralisées, la collecte d'informations sur la concurrence ou les tendances du marché. Celles-ci les rapportaient à leurs directions générales, dans un climat de paranoïa aigu ! « Elles avaient en tête l'exemple du renseignement militaire », affirme Frédéric Datchary, consultant chez Arisem, éditeur de moteurs de recherche. « Aujourd'hui, ces modèles peuvent se révéler contre-productifs », indique ce responsable de la gestion documentaire d'un grand compte. En effet, la mise à plat des structures hiérarchiques pyramidales, la complexité des métiers et l'autonomie accordée à certaines équipes (R&D, notamment) s'accommodent mieux de modèles « semi-ouverts ». Un autre élément en faveur d'une organisation plus ouverte : la vitesse de circulation de l'information, le « time-to-market », est devenue, pour les opérateurs de secteurs en proie à une recomposition permanente (informatique, biotechnologies), un critère aussi important que le contenu de l'information. Il ne suffit donc pas de savoir, il est impératif de savoir avant ses concurrents.

Informations stratégiques

Dans des modèles d'organisation adaptés, relativement ouverts, des micro-communautés d'utilisateurs définissent leurs besoins en matière d'information. Ceux-ci sont pris en compte par des correspondants spécialisés placés à des points stratégiques du circuit de diffusion de l'information dans l'entreprise. Ces correspondants, salariés sortis du rang, sont les mieux à même d'apprécier la qualité des informations collectées lors de la veille. Ils font donc office de modérateurs et d'administrateurs du flux d'informations stratégiques.

Pour autant, il n'est pas question de transformer l'entreprise en maison de verre. « Il y a des questions de confidentialité à gérer. Toutes les informations collectées à l'extérieur ne peuvent être exploitées en mode partagé. Parfois, certaines requêtes effectuées par les membres d'une équipe risquent de renseigner la communauté des utilisateurs sur la nature d'un projet ultra-confidentiel », explique un spécialiste du domaine.

Attention, enfin, à ne pas confondre les différents niveaux de veille : « La véritable veille stratégique est un processus qui vise à éclairer les décideurs dans leurs prises de décisions. Il ne faut pas la confondre avec la simple diffusion ou le partage d'informations supposées à valeur ajoutée », affirme Josette Bruffaert-Thomas, directrice générale de Competitive Intelligence Management.

Source: La Tribune (28/02/2001)