Intelligence économique et décision

 

1 - Introduction

La mondialisation des échanges, la globalisation des marchés, l'innovation technologique constituent des facteurs de multiplication des risques qui rendent la position des entreprises de plus en plus difficile à une échelle économique mondiale. Lors d'un colloque à Ile Rousse, nous avions déjà souligné le passage actuel d'une économie de production à une économie d'environnement et à une économie de marché (création et développement d'alliances, fusions/acquisitions etc.…).

Cette problématique, dans un univers où la quantité d'information et son accessibilité augmentent et se complexifient, nécessitent d'adopter une attitude "anticipatrice" par une exploitation permanente des informations vitales pour l'entreprise : c'est ce que permettent de faire les systèmes d'information pour l'aide à la décision.

Dans ce contexte, la maîtrise et l'exploitation de l'information stratégique et critique dans des conditions optimales de qualité, de coût et de temps, sont au moins aussi importantes que la capacité à concevoir, organiser, piloter des projets ou animer des réseaux internationaux. Ces deux capacités alliées constituent un des principaux atouts de compétitivité pour les entreprises à l'heure actuelle et l'axe majeur de l'intelligence économique.

Dans cette présentation, nous aborderons les points suivant :

- L'intelligence économique : définitions.

- La décision et les outils d'aide à la décision.

- L'intelligence économique et la coopération

 

2 - L'intelligence économique

2.1 Définitions

L'intelligence économique est un outil de compétitivité qui permet de fournir à l'entreprise une compréhension fine de son environnement, en utilisant tous les moyens d'information disponibles, en traitant l'information pour agir et appréhender les stratégies des concurrents. C'est anticiper sur les marchés à venir et prendre les meilleures décisions dans un contexte économique fluctuant.

Nous sommes très proches de la définition d'Henri Martre de l'intelligence économique en tant qu'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et distribution de l'information utile aux acteurs économiques pour permettre l'action et la prise de décision. Ceci dépasse les actions partielles désignées sous le nom de documentation, de veille (scientifique et technologique, concurrentielle, financière, juridique et réglementaire) et invite de surcroît à "passer d'un traitement individuel de l'information à la gestion de l'information et à un processus d'actions collectives".

Dans le cadre du DESS SIAD1 de l'Université de Toulouse 1 et des travaux du LIHS2, nous militons en faveur d'une approche de l'information prenant en considération les aspects émergents de l'information :

- le système d'information, dans le contexte de l'entreprise (c'est-à-dire les informations internes).

- les informations en provenance du monde extérieur (la surveillance de l'environnement).

- les outils qui permettent de sélectionner, mémoriser, traiter, agréger et faire émerger l'information pertinente pour l'entreprise en termes de décision et d'action

- la mise en accès collectif des connaissances émergeant du système d'aide à la décision.

Pour nous, l'information est une matière qui se travaille, se transforme dans un processus circulaire qui sert de révélateur tant de l'image que nous donnons de nous-mêmes au monde extérieur que des différents secteurs qui nous intéressent. C'est pourquoi la mise en place d'un système d'aide à la décision permet de coordonner la circulation des flux d'informations, de faciliter l'accès à une information commune de créer des richesses, des moyens capitalisables et combinables à travers expériences et savoir-faire, mais aussi de l'information utile.

2.2 La Pensée stratégique

La gestion stratégique de l'information économique est devenue une fonction cruciale pour connaître les capacités de chaque entreprise, mais aussi pour comprendre les dynamiques territoriales, les pratiques locales et internationales.

En préalable à toute pensée stratégique, il y a la connaissance des caractéristiques propres à chaque entreprise concernée pour qu'elle maîtrise l'image qu'elle donne d'elle-même au monde extérieur, ainsi qu'une connaissance fine de ses forces et de l'évolution du champ d'activités dans lequel elle s'inscrit (les constituants de son univers et leur dynamique).

Face au développement de la "bataille économique" actuelle, l'entreprise doit être en mesure de déterminer ce qui est pertinent et important au regard d'une situation dont la complexité ne cesse de croître, afin de programmer les actions qu'elle doit engager à partir de ses stratégies particulières. La connaissance dynamique de son environnement économique et socioculturel lui permet d'analyser les tendances et d'anticiper certaines évolutions à travers la constitution de scénarios "informés", évaluables et modifiables au cours de l'action pour tenir compte des événements imprévus et des changements de niveaux et d'échelle.

Au-delà de la notion de veille informationnelle, la notion d'intelligence économique, est une démarche d'anticipation et de projection dans le futur, une démarche de mise en évidence de liens unissant différents acteurs dans un même secteur d'activités. Pour nous, l'intelligence économique repose sur une démarche d'anticipation individuelle et collective, une profonde connaissance de l'environnement et des réseaux existants afin de pouvoir agir et réagir à un niveau individuel et collectif. La coordination des actions dans le cas d'une action commune requiert une forte capacité à saisir les variations et les réactions environnementales à chaque étape d'exécution d'une stratégie afin de repérer les facteurs de changement et réévaluer la stratégie et en tenir compte.

2.3 Les Sources pour l'intelligence économique

De façon générale, les entreprises mettent en place différents types de veille :

- scientifique qui permet de prendre en compte toutes les informations scientifiques (ex : recherches de nouvelles normes européennes);

- technologique (en surveillant toutes les nouvelles évolutions technologiques à travers les brevets, la propriété industrielle…etc.);

- économique et concurrentielle. (ex : en surveillant les opérations de fusions-acquisitions…etc.).

On distingue généralement deux types d'informations :

- Les sources publiques : qui reposent sur des informations de type mass médiatique largement accessibles tels que des supports papiers devenus classiques, les vidéotex, Minitel, banques de données…etc.

- Les sources à accès plus restreints : dont la diffusion de ces informations est largement liée à une politique très sélective de définition des accès.

Pour recueillir une information plus fine, plus spécialisée, on collectera des :

- informations sur les ressources de l'environnement;

- informations sur les intentions des acteurs (décideur, institutions, entreprises.).

La connaissance des mouvements internes et externes d'une entreprise est nécessaire pour en prédire les actions, on y trouvera des indications précieuses. Parmi les éléments qui permettent de faire cette collecte, on peut citer :

- les rapports annuels aux actionnaires, bilan social, rapports d'activités, lettres d'entreprises, discours des experts et personnes affiliées à une entreprise repérables à travers la presse locale et spécialisée, syndicats.

- les rencontres professionnelles, associations, comités, organisation d'affaires ex. groupes de développement régional.

- les foires, colloques, sessions parallèles, tables rondes, galeries marchandes sur le Web.

- la presse spécialisée, commerciales, les agences de presses (REUTERS, AFP, presse économique informations financières et boursières présente sur le Web et les sites spécialisés sur la veille, le CDROM Mc CARTHY).

- les analystes financiers (associations, réunions, publications, Web)

- l'examen des lois affectant l'industrie ainsi que le commerce.

- les partenaires officiels : chambre de commerce, chambre des métiers, direction du travail et interlocuteurs régionaux, régions, (comité consultatif pour la recherche est le développement), le département, mais aussi l'Arist, l'Anvar, Délégation régionale du ministère de l'industrie et de la recherche, le CRITT (centre de transfert technologique), pour connaître les plans d'expansion industriels, fonciers ou financiers, les intentions d'acquisitions, fusions ou relation de type "Joint-Ventures", pépinières d'entreprises et autres "incubateurs".

L'enjeu de cette collecte de l'information est de dresser un tableau fin et précis de l'environnement de la décision à prendre. La quantité d'information obtenue excède largement nos capacités intellectuelles selon le principe bien connu de la rationalité limitée, plusieurs outils peuvent nous aider à organiser et analyser ces informations pour faire émerger une information nouvelle nous permettant d'éclaircir la situation et d'informer nos décisions.

 

3 - La décision

Afin d'expliquer le fonctionnement et l'apport des outils d'aide à la décision, un retour sur la définition de la décision et les différents types de décision ainsi que son mécanisme s'impose.

Selon LEMOIGNE, "la prise et l'exécution des décisions sont les buts fondamentaux de toute organisation, de tout management. Toute organisation dépend, structurellement, de la nature des décisions qui sont prises en son sein et non par des décideurs, qu'ils soient individuels ou collectifs…etc.".

Selon MINTZBERG une décision, qu'elle soit individuelle ou basée sur un travail de groupe, peut être définie comme "l'engagement dans une action, c'est-à-dire une intention explicite d'agir". Le but d'une décision est de résoudre un problème qui se pose à l'organisation ou à l'individu LÉVINE. Mais la décision peut correspondre à un changement de l'environnement (comportement réactif) ou au désir de saisir une opportunité et ainsi changer l'environnement (comportement d'anticipation). Cet aspect concerne directement l'intelligence économique selon la définition que nous avons donnée plus haut.

Ces différentes définitions nous permettent de distinguer les différents types de décisions : la décision individuelle et la décision collective/distribuée. Cette distinction se fera en fonction du contexte de la décision c'est-à-dire le domaine, l'objet, la nature, la portée, et l'auteur ou les auteurs de la décision.

La décision qu'elle soit collective ou individuelle peut être structurée ou non. La décision structurée est une décision pour laquelle les informations nécessaires sont disponibles, les alternatives possibles énumérables et les mécanismes qui permettent de les évaluer connus. La décision non structurée, présente des caractéristiques spécifiques. Selon BRAESCH C. & HAURAT A. on peut distinguer trois types de complexité qui caractérisent ce type de décision :

- la complexité géographique (actuellement résolue par l'évolution du monde de la télécommunication et des réseaux);

- la complexité imprévisible ( due à l'incertitude);

- la complexité dynamique c'est-à-dire la prise en compte du caractère historique de la décision et de l'émergence. Cette complexité exige que la décision se prenne de façon dynamique.

3.1 Les mécanismes de la décision

La décision ne se résume pas à un simple choix à faire entre plusieurs alternatives. H. SIMON décrit un processus itératif dans le modèle I.D.C. (I.M.C.) (Intelligence Design Choice) qui découpe la décision en trois phases pour :

1/ Identifier dans l'environnement les facteurs que l'on considère sensibles.

2/ Organiser et modéliser les informations que le décideur a retenues de façon à disposer des solutions possibles pour résoudre son problème.

3/ Permettre au décideur de faire un choix parmi les solutions établies ou encore de faire une itération sur l'une des phases précédentes. En effet, s'il n'a pas trouvé de solution satisfaisante après ces trois phases, on peut ajouter une phase de contrôle (feedback) qui peut être mise en œuvre avant (à travers des simulations) ou après l'application de la décision.

Ce modèle a été critiqué et jugé incomplet : en effet, l'intérêt accordé aux phases de découverte, de formulation et d'apprentissage est insuffisant, ce modèle ne prend pas en compte l'aspect psychologique limitant la rationalité tels que les aspects affectifs ou émotionnels. Ces critiques ont donné lieu à plusieurs autres modèles et extensions qu'ils soient à dominante psychologique ou cognitive.

Parmi les modèles à dominance psychologique, on peut citer le modèle de MARCH & SIMON. Leurs travaux se sont centrés sur la relation entre le niveau d'aspiration et le niveau de satisfaction : à mesure que le niveau d'aspiration d'un décideur augmente, son niveau de satisfaction diminue. Par ailleurs lorsque, suite aux actions entreprises, sa satisfaction augmente, le niveau d'aspiration s'élève à son tour et le processus se répète jusqu'à ce que le décideur parvienne à limiter ses aspirations. Il existe d'autres modèles qui sont venus pallier le manque psychologique du modèle IDC tels que le modèle de FESTINGER avec la théorie de la dissonance cognitive, ou de JANIS & al. qui introduit l'émotivité.

A propos des modèles à dominance cognitive, les travaux de POUNDS mettent en évidence la notion de modèle dans la phase d'identification du problème. Selon POUNDS, le décideur dispose de plusieurs modèles de la réalité et en les comparant avec le réel, il peut identifier le problème. POUNDS met en évidence trois familles de modèles (historique, planification et extérieur). Par la suite COURBON a repris les travaux de POUNDS en distinguant décision réelle et décision virtuelle.

 

4 - Les outils d'aide à la décision

L'entreprise actuellement se plaint d'une surabondance de données. Pourtant, ces dernières représentent une mine d'informations d'une importance capitale pour elle. Pour cela, il est fondamental de mettre en place une informatique décisionnelle qui facilite les prises de décisions stratégiques et opérationnelles tout en gardant la mémoire de l'entreprise. Pour répondre à ces besoins, l'informatique doit fournir au décideur une architecture qui va servir de fondation aux applications décisionnelles. Cette architecture globale est le Data Warehouse.

4.1 Le Data Warehouse

La finalité d'un Data Warehouse est d'amener la bonne information disséminée dans l'entreprise ou exogène vers l'utilisateur final (le décideur), au niveau de qualité souhaité dans le meilleur délai au format adapté à ses besoins.

4.1.1 Définition

Un Data Warehouse se définit habituellement comme "un ensemble de données orienté sujet, intégré, prenant en compte la variante temps, opérant une collecte des données non volatiles et organisées pour le support d'un processus d'aide à la décision" INMON & HACKATHORN.

Orienté sujet et intégré signifie que le Data Warehouse est conçu pour enjamber les frontières fonctionnelles et permettre une analyse orientée sujet (produit, coût…etc.), contrairement aux données des systèmes traditionnels qui sont généralement organisées par processus fonctionnel. Le Data Warehouse doit permettre de prendre en compte les données qui sont dans les systèmes traditionnels (les bases précédentes conçues sur des modèles plus anciens, mais qui contiennent des données capitales pour l'entreprise), afin de fournir au décideur une vue intégrée des données (c'est-à-dire une vue unique et transversale).

La variante de temps : concerne la nature historique des données ce qui permet d'analyser les tendances. En effet un des objectifs du Data Warehouse est de conserver en ligne les données historiées. Cela suppose que les données sont mises à jour, mais pas effacées, permettant ainsi de faire une analyse temporelle et de retrouver les situations analogues. Ainsi il est nécessaire d'associer à la donnée un référentiel de temps.

Non-volatile implique que le Data Warehouse contrairement à une base de données d'OLTP (On Line Transaction processing) est mis à jour de façon constante. Le Data Warehouse est plutôt alimenté périodiquement à partir des sources externes et internes.

Les données présentes dans le Data Warehouse sont obtenues à partir de deux sources principales : les systèmes internes et les sources extérieures. Le filtrage et le nettoyage des données sont nécessaires pour assurer la qualité des données dans le Data Warehouse. Dans les systèmes internes, les données sont fréquemment contradictoires, non traitées et entreposées dans différents formats. Elles doivent être réconciliées et nettoyées avant d'être chargées dans le Data Warehouse

L'architecture d'un Data Warehouse. Il convient tout d'abord d'aller chercher les données dans les bases de données de l'entreprise (marketing, commerciales, comptables…etc.) ainsi que dans les bases externes. Ces données seront par la suite filtrées, triées, qualifiées, homogénéisées et intégrées à la base de données relationnelle par les outils d'alimentation. Cette même famille d'outils assure la gestion du référentiel, ce qui est considéré comme l'un des éléments fédérateurs du data Warehouse, car ce référentiel nous garantit la traçabilité du système et une gestion historique des valeurs (agrégats …etc.). La base de données relationnelle permet de constituer des bases de données multidimensionnelle (datamarts) pour naviguer dans les données (zoom sur les données et changement des axes d'analyse).

4.1.2 Modèle de conception Data Warehouse

Dans la démarche de conception, il faut prendre en compte les besoins des utilisateurs en impliquant le plus possible les utilisateurs les plus expérimentés dans la connaissance de leurs entreprises et leurs métiers. Une fois construit, le Data Warehouse doit évoluer en fonction des demandes des utilisateurs ou des nouveaux objectifs de l'entreprise, il doit donc être évolutif et flexible.

La conception d'un Data Warehouse est un processus qui peut être divisé en quatre phases fortement interdépendantes et itératives :

- la première phase intitulée Initiation d'un projet de Data Warehouse consiste à déterminer le pourquoi du Data Warehouse, informer sur ses caractéristiques ses applications et le bénéfices attendu pour les acteurs concernés.

- la deuxième phase permettra de définir l'infrastructure technique et organisationnelle du Data Warehouse. Il s'agit ici d'effectuer un certain nombre de choix technologiques et de déterminer l'infrastructure organisationnelle du système.

- la troisième phase mettra en œuvre les applications, une à une (c'est-à-dire spécifier, concevoir, construire et déployer).

- la quatrième phase concerne l'utilisation et la mesure d'efficacité par un feedback à partir des deux phases précédentes

4.2 L'exploitation des données

Plusieurs outils permettant d'analyser les données sont actuellement disponibles sur le marché. Les outils de datamining sont parmi les plus répondus.

4.2.1 Le datamining : définitions

On définit le datamining, comme "forage de données" ou "extraction de la connaissance". Cette pratique permet à l'entreprise de faire émerger les informations cachées dans le gisement de données. Les technologies de datamining s'appliquent à de nombreux domaines . J.M. FRANCO cite :

1/ le domaine de l'analyse du risque, en effet une compagnie bancaire utilise un outil de datamining pour déterminer si un crédit peut ou non être accordé à une certaine personne.

2/ le domaine du marketing direct, car ces outils permettent de déterminer les caractéristiques de la population à cibler.

3/ tout secteur à forte concurrence, puisque le datamining peut aider l'entreprise à identifier les clients susceptibles de quitter la société pour un concurrent.

4.2.2 Les techniques de Datamining

La plupart de ces outils a pour objectif premier de déterminer les relations qui existent entre les variables. Ils s'apparentent à la statistique (inférence statistique) ou à l'intelligence artificielle (déduction de règles) et proposent à l'utilisateur non-technicien des hypothèses d'explication des données en faisant apparaître des corrélations cachées jusqu'alors. Dans ce qui suit, nous expliquerons la logique de fonctionnement de ces outils :

La découverte des règles : la mise en relation des données montre les régularités ainsi que les informations inhabituelles. Elle permet de comprendre la situation (analyse des variables) par inférence statistique qui peut être projetée dans le temps. Elle permet de faire des prévisions du comportement futur d'un élément donné. Cependant, les statistiques sont limitées par rapport au nombre de variables à analyser8. Il est donc nécessaire d'utiliser des techniques de recherche intelligente. Ces techniques qui appartiennent à l'intelligence artificielle vont scruter la base de données pour forger des hypothèses. Si ces hypothèses sont vérifiées, elles remonteront vers l'utilisateur sous forme de règles, ce qui lui permettra par la suite de prévoir le comportement d'une variable dans le temps.

La découverte de modèles fonctionnels : d'autres systèmes proposent d'exprimer ces relations sous la forme de modèles fonctionnels. Les modèles les plus souvent utilisés sont construits avec des méthodes de régression qui identifient les variables significatives et proposent un modèle d'interprétation. Toutefois, ces techniques rapides et efficaces sont insuffisantes pour l'analyse multidimensionnelle. En effet, les erreurs augmentent avec le nombre d'attributs du jeu de données. C'est ce qui a entraîné l'utilisation des réseaux neuronaux. Partant d'un modèle aléatoire, les réseaux neuronaux permettent de découvrir des modèles complexes, puis de les affiner au fur et à mesure de l'exploration des données (grâce à leur capacité d'apprentissage). Mais les réseaux neuronaux suivent, dans leur analyse, un processus opaque. Par conséquent, l'utilisateur ne sait pas comment la décision a été prise et ne peut pas influer sur le mécanisme en modifiant certains paramètres.

La classification : consiste à dégager des profils de comportement. Par exemple, ce système peut être utilisé pour aider à déterminer si oui ou non un crédit peut être accordé à une personne en étudiant les situations déjà rencontrées par les personnes qui ont le même profil.

Les techniques les plus utilisées sont l'analyse discriminante, ainsi que la construction d'arbres de décision

4.2.3 Typologie des outils d'aide à la décision existants

On distingue généralement quatre autres types de systèmes d'aide à la décision :

EIS (Executive Information System) : ce sont des applications de type tableau de bord destinées à mettre à la disposition des décideurs tout ou une partie de l'information dont ils ont besoin pour mener à bien leur mission. TURBAN définit l'EIS comme "un outil fournissant au décideur l'information utile qui lui permet de se focaliser sur les données critiques et d'avoir une bonne appréciation de l'organisation". MAWHINNEY et MILLET considèrent l'EIS comme un "système qui intègre des informations en provenance de sources internes et externes permettant aux dirigeants de contrôler et de demander des informations d'importances vitales pour eux et présentées de façon personnalisée". La BNP a adopté Express/EIS d'IRI Software. Cet EIS lui permet de consulter de façon multidimensionnelle une base de données Oracle (c'est-à-dire accéder à des analyses par produits ou par client). A partir de là, ils peuvent faire du drill down ou du drill throw pour voir des détails temporels ou bien par types de produits…etc.

ESS (Executive Support System) : l'ESS va au-delà de l'EIS car il inclue des outils de communications, d'analyse et d'intelligence. Afin de mieux distinguer les deux systèmes, nous dirons que l'EIS est un outil permettant au décideur de se focaliser sur des données critiques pour obtenir une appréciation de l'organisation. L'ESS doit permettre l'analyse de ces données pour donner une appréciation du futur de l'organisation grâce aux modèles d'analyse. Le passage de l'information à l'intelligence implique de pouvoir affecter le futur (axe temporel et visualisation des liens).

DSS (Decision Support System) : est un système interactif qui aide le décideur à exploiter les données et les modèles pour trouver une solution à un problème non structuré et analyser l'effet d'éventuels changements de l'environnement sur l'organisation. Le but du DSS est d'aider la décision et non de remplacer le décideur. Toutefois, il doit permettre de faire de la planification stratégique, ainsi que de la budgétisation à long terme.

PSS (Planning Support System) : il permet une analyse de la faisabilité des procédures ou décisions retenues (c'est-à-dire lui fournir une assistance intelligente).

Si nous revenons au modèle IDC, la phase d'intelligence correspond à l'EIS et l'ESS : le premier permet au décideur de se focaliser sur des données critiques (par exemple la chute des actions en bourse durant une certaine période) et le deuxième de faire une analyse pour une appréciation future de l'organisation. Les autres étapes du modèle IDC de SIMON peuvent être assurées selon TURBAN par le DSS qui peut faire de la planification stratégique et offre la possibilité d'analyser les effets d'éventuels changements sur l'organisation (en effectuant des simulations).

4.2.4 Les qualités indispensables d'un outil d'aide à la décision

En ce qui concerne l'accès aux données, un outil d'aide à la décision doit fournir une interface de requête intuitive simple qui masque la complexité du langage utilisé. Il doit être capable d'adapter les données au contexte de l'utilisateur (une vue métier) en proposant un catalogue pour accéder aux données par sujet.

En ce qui concerne la valorisation des données, l'outil doit être capable de faire des tris, de rajouter des sélections, des totaux…etc. Il doit aussi s'ouvrir aux outils bureautiques ainsi qu'à Internet. L'outil doit s'adapter à plusieurs types d'utilisation et doit intégrer le modèle "PULL" et "PUSH" de l'information, c'est-à-dire offrir au décideur la possibilité de demander des informations sur profil et d'être informé lorsque des événements arrivent.

 

5 - Intelligence Economique et coopération

Pour nous la planification de l'action à entreprendre dans le cadre de l'intelligence économique impose une connaissance approfondie de l'environnement. La mise en relation obligatoire de ressources informationnelles favorise la mise en perspective du contexte. H. MARTRE souligne l'importance de la coopération pour l'intelligence économique. Nous connaissons différents niveaux de coopération et types de coopération à la suite SCHMIDT & MAC GRATH.

La coopération est variable : elle peut aller de la simple reconnaissance mutuelle au partage d'objectifs et à la mise en œuvre de solutions communes. On définit l'intensité et le type de coopération selon différents critères : l'intégration de buts, la communication entre les partenaires et la coordination des actions.

5.1 Fondements et mecanismes de la veille en réseau

Un processus de veille économique en réseau est avant tout une démarche coopérative de partage de connaissances. Les différentes définitions de la veille sont souvent attachées à des notions de "processus", "produits" ou "objectif" Schrage, Bair, parce que la coopération est souvent abordée en termes intra-organisationnel. Nous utilisons la hiérarchie qui s'inspire des travaux de Schill pour définir le concept de coopération, au sens générique du terme, en tant que différents niveaux de "rapport à l'autre". Comme le dit Schrage "le véritable médium, c'est l'autre". Les mécanismes généraux de coopération sont classés en trois catégories coopération/collaboration/co-décison. La reconnaissance mutuelle et la création de connaissances partagées sont les concepts centraux de ce modèle ( participation effective des acteurs et base des communications entre eux). On distingue la connaissance d'un acteur (ce qu'il sait), sa catégorie (le domaine de ses connaissances). La dynamique de l'interaction permet de construire progressivement des connaissances partagées au fur et à mesure des interactions.

5.2 L'intelligence économique en tant que veille coordonnée en réseau

Le réseau de veille permet de catégoriser les acteurs et d'animer leurs interactions. Il a de fortes contraintes de sécurité, de qualité de l'information et définit un mécanisme de choix des acteurs en fonction des objectifs du réseau et de la coïncidence des intérêts de l'acteur et de ses compétences utiles au plus grand nombre.

Trois types d'acteurs au moins sont indispensables:

1/ l'acteur médiateur qui anime le réseau en lançant des discussions d'intérêt général, en informant sur des sources d'information formelles ou informelles, en aiguillant les liens bilatéraux entre acteurs et en suggérant de nouvelles formes d'échanges (colloques, séminaires, rencontres...).

2/ l'acteur expert: qui dispose d'une expertise spécifique dans un domaine technico-économique (scientifique, technique, technologique, juridique ou financier etc.). Ce type d'acteur permet la co-décision, le conseil ou la mise en place de formations ou des séminaires.

3/ l'acteur réseau: n'a pas de statut spécifique, mais doit être impliqué par rapport aux objectifs du réseau, respecter la clause d'échanges mutuels.

5.3 Le système coopératif multi-agent

Le système doit allier le travail en réseau (le traitement distribué) et le traitement local. Le système doit pouvoir s'adapter et faire des inférences à partir d'informations incomplètes ou incertaines , prendre en compte la complexité (boites noirs) et être capable d'auto-organisation.

Un tel système est complexe : réduire l'incertitude n'est pas réduire la complexité. Pour répondre à ces exigences, nous nous intéressons aux architectures de type multi-agents dans le but de faire émerger de l'information pertinente à partir d'informations simples traitées localement, mais traitées collectivement.

Le caractère auto-organisationnel du système (capacité à se mettre à jour par l'observation, à apprendre et à l'adéquation fonctionnelle, à effectuer sa tâche correctement) est lié à la technologie multi-agent. En effet, un système multi-agent est capable de s'adapter et d'apprendre à partir des besoins exprimés et des croyances en évolution des différents partenaires. Le modèle multi-agent ne décrit pas un univers clos; c'est un système ouvert grâce à l'organisation hyper textuelle des agents et le lien permanent entre le niveau individuel et le niveau collectif. Le collectif d'information est mis à jour à travers les transactions des différents partenaires impliqués. Il n'est pas nécessaire d'avoir une représentation parfaite de l'environnement pour agir.

 

6 - Conclusion

Pour conclure, nous souhaitons souligner l'importance de l'individu dans tout dispositif coopératif : disons citant E. Hutchins qu'il est le site de sa connaissance et de ses besoins en information, de leur évolution. A travers ce qu'il sait et ses intentions stratégiques, il est capable de se relier aux autres, d'interagir avec eux. Le monde qui les intéresse émerge de leur interaction.

L'aspect multi-agent est très innovant, car il ne repose pas sur un modèle clos et hiérarchique. Il ne repose pas sur des représentations prédéterminées et limitantes. Il n'y a pas de planification a priori. Elle émerge a posteriori des échanges. Le dispositif du travail coopératif en réseau permet de régler provisoirement la question du contrôle des échanges, puisque dans cet univers, tout se négocie en même temps et de façon permanente, mais à partir d'un projet clair.

Source: URFIST (1998)