Désinformation sur Internet

 

Internet, un fouillis de rien et de pas grand-chose ou une formidable source d'informations ? Peu importent les avis ! Les dangers et les risques de fuite ou de désinformation existent déjà. Plus particulièrement sur Usenet, le réseau d'échange d'informations collectives, les News. En dépit des sécurités techniques , grâce aux News, n'importe quel sujet peut être lancé, discuté, enrichi au sein d'un ou plusieurs forums à thèmes (Newsgroup), et diffusé sur tout Usenet. Plus de 17 000 Newsgroups existent par le Monde, environ 6 000 accessibles en France. Certains sont modérés par un responsable qui filtre les articles, d'autres totalement libres.

La culture communautaire de partage de l'information, philosophie originelle d'Internet, encourage à se confier et à révéler et échanger des informations.

Cependant, les sujets brûlants, intéressants ou pointus, abordés dans ces forums, sont la plupart du temps pollués. Dès qu'un thème est stratégique, il faut vérifier et recouper systématiquement les informations publiées. Des techniques classiques d'influence ou de désinformation sont régulièrement employées au sein de ces Newsgroups, soit par de joyeux drilles, véritables surfeurs du canular, soit par des groupes de pression, soit par des concurrents ou leurs agents déguisés.

Ces techniques sont multiples ; les pièges les plus simples, qu'il n'est toutefois pas toujours aisé de déjouer, sont les suivants :

          - le mimétisme, car l'on reproduit naturellement les comportements d'une communauté ou d'un groupe pour s'y insérer et y être reconnu ; 

          - la sympathie qui peut s'établir en dehors des échanges purement professionnels et techniques (ex : en jouant la confusion concurrent-confrère), qui conduit à la confidence ou fait baisser les barrières de la "saine paranoïa" ; 

          - la réciprocité de l'information (donnant-donnant) dont le résultat n'est pas toujours à somme nulle quand on ne possède pas une vue ou une analyse stratégique complète de son entreprise, de celles en face, ou du secteur concerné ; 

          - l'avis d'expert ou du spécialiste reconnu qui, de façon péremptoire, volontaire ou non, affirme et clôt de fait une discussion ou un sujet qui mérite encore étude ou approfondissement ; 

          - la fuite organisée, où une information "confidentielle" est fournie par inadvertance ou naïveté feinte ; 

          - les techniques classiques de la théorie de l'engagement (pied dans la porte, porte dans le nez, effet boule de neige, piège abscons...).

Manipuler et influencer un Newsgroup est d'autant plus facile lorsqu'un nombre important de ses participants semble d'un même point de vue. Certaines entreprises n'hésitent pas à multiplier les foyers de désinformation, d'agents anonymes ou de participants fictifs, pour influer sur l'orientation d'un groupe ou d'un sujet. Un professionnel de l'information peut aussi dessiner le profil des intérêts d'un participant ciblé et l'amener à se dévoiler aisément. En effet, les Newsgroups sont de véritables caisses de résonance, où celui qui lance, et gère un sujet, peut occulter tous les autres ou mettre en exergue les centres d'intérêt de celui qui cherche à en sortir ou qui s'en écarte. La création de la résonance n'est pas toujours naturelle : les interlocuteurs crédules et les propagateurs d'informations sont repérés et utilisés.

Cet effet "caisse de résonance", comme les techniques de la fuite organisée et du mimétisme, vise à "éduquer" les interlocuteurs, les amener à modifier leurs schémas de réflexion ou leurs points de vue :

          - soit pour tourner le "marché" en faveur de techniques ou des idées développées et de l'y faire adhérer, 

          - soit pour le désorienter ou de lui faire prendre un retard en polluant les circuits décisionnels et la perception des 

La participation aux newsgroups n'est pas seulement synonyme de fuite des informations sur les projets ou les résultats de recherche. Elle révèle aussi l'identité des collaborateurs d'une entreprise, et permet la reconstitution de son organigramme et du processus décisionnel. Bavardage ou conversation spontanée sur les forums publics peut dévoiler les personnels clés, imprudents ou négligents, manipulables ou exprimant un point de vue dissident dans une entreprise, révélant ainsi les possibles divergences internes à exploiter. De la même façon, sont fournies inconsciemment des bribes d'informations stratégiques (même sur une simple question), que des spécialistes du management de l'information reconstruiront facilement (certaines pages de présentation imprudentes facilitent parfois dramatiquement ce travail...).

Par ailleurs, la communication par ordinateur, en engendrant un état proche de l'hypnose (de la déprivation sensorielle), favorise des comportements typiquement humains :

          - quête du Graal ou de la boîte de Pandore, satisfaction permanente de la curiosité immédiate et non ciblée, 

          - manque de responsabilité dû à la facilité de fuite, à la sécurité d'un anonymat partiel, à la distance entre le connecté et le lieu des événements et des conséquences de ses actes ; 

          - côté ludique, qui peut mener à mentir, déguiser, dissimuler ou exagérer la réalité, à se laisser entraîner dans la discussion ou par une polémique ; 

          - simplification des relations due à l'absence physique de l'interlocuteur et des signaux sensoriels liés...

De plus, ces caractéristiques cohabitent sur Internet avec un certain exhibitionnisme, un "moi-je-aussi, j'existe, je connais", institutionnalisé par le phénomène des "homepages", via lesquelles chacun peut se présenter, s'exprimer, faire valoir ses hobbies, opinions, etc.

Tous ces aspects sont autant d'inconvénients ou d'avantages suivant la personne qui opère sur le réseau.

Une politique et une stratégie de l'information constituent la meilleure parade aux fuites inconscientes ou accidentelles. Cela prévient aussi des personnels compétents dans leur domaine, mais novices en management de l'information, de se substituer aux personnes habilitées, expérimentées et formées aux techniques d'influence et de manipulation de l'information.

Le plan stratégique de contrôle et de maîtrise des communications doit prendre avant tout en compte la formation des personnels. Chacun doit connaître le discours et l'image que l'entreprise souhaite communiquer, et les limites de ses prérogatives, en terme de communication vers l'extérieur de l'entreprise. Cette attitude ouverte n'empêche en rien une maîtrise des flux de communications sur le réseau, toute éthique respectée.

L'entreprise doit aussi choisir les Newsgroups auxquels elle va participer, et ceux qu'elle va surveiller. Ce choix de consultation partielle limite peu l'accès à l'information, sachant que régulièrement des moteurs de recherche sur des archives des News peuvent être interrogés.

Afin de contourner la surveillance possible par autrui de ses centres d'intérêt, une entreprise peut passer par un agent anonyme et opérer des FreeLoad : télécharger les informations, puis à les mettre à disposition sur un serveur Intranet privé, dissimulant ainsi leur importance pour l'entreprise, que des accès répétés auraient révélée.

La théorie existe depuis déjà longtemps, ses applications aux nouveaux moyens de communication s'affinent de jour en jour. Mieux vaut se préparer dès maintenant aux méandres et aux intrigues d'un Net pourtant encore jeune.
 


Source: Webmaster (mars 1997)