L'internet est un outil remarquable pour les rumeurs

 

Le RumorBots d'Agence Virtuelle traque la rumeur !

Agence Virtuelle, société genevoise de conseil en e-branding, fait la promotion de RumorBots, outil dédié "à l'analyse de l'information sensible en temps réel."

Le département ‘intelligence économique’ d’Agence Virtuelle SA, web agency helvétique spécialisée depuis 1995 dans l'e-branding (conseil en stratégie des marques sur Internet), propose au marché européen un outil de veille dédié "à l'analyse de l’information sensible en temps réel."

Créé par l’Agence, le RumorBots a fait l’objet d’une première présentation en janvier 2001 aux Etats-Unis. Désormais, cet agent intelligent est disponible sous la forme d’une plate-forme web pour permettre à ses utilisateurs potentiels "de tester une version basique après validation des requêtes."

Le RumorBots est censé "scanner et analyser simultanément" le web, forums et newsgroups compris, afin d’offrir la possibilité à ses utilisateurs de "trier l'information par valeur" dans un souci de veille concurrentielle.

Un vrai petit robot paramétrable traquant la rumeur !

L'outil doit pouvoir "s'adapter à chaque secteur d'activité et gérer de multiples profils." Par ailleurs, les résultats sont présentés via un système de push "par graphique, rapport et séquence de recherche."

Florence JACQUINOT, responsable de la cellule business intelligence d'Agence Virtuelle SA, souligne : "Notre objectif est d'aider les entreprises à mieux protéger leurs marques en détournant les menaces, tout en ‘profilant’ les opportunités. La veille sur Internet, c'est l'aide à la décision par excellence !"

Avant de préciser : "La sensibilisation aux méthodes de recherche est une nécessité pour les entreprises qui ne possèdent pas encore de véritable cellule de veille. Pour certains de nos clients, nous pouvons également évaluer en interne leurs besoins stratégiques afin de soutenir leur politique de traitement de l'information."

RumorBots et l’ensemble des solutions proposées par la société sont destinées aux entreprises privées comme aux administrations, dont les services de renseignement, tient à souligner l’Agence installée à Genève, mais aussi à Londres et Paris.

L’objectif, selon Florence JACQUINOT, est de "lutter contre la désinformation, la criminalité, le piratage et la contrefaçon qui se développent d'une manière exponentielle en Europe."

Big Brother nous guette…

Source: Net Economie (14/02/2003)

 

"Le piège du marketing viral, c'est la rumeur"

Opinion, marketing viral, communication d'influence... Autant de mot-clés regroupés autour du "Buzz Marketing", un concept qui a émergé au milieu des années 90. Tour à tour, professionnels des médias et publicitaires considèrent cette approche du marketing consommateur comme une stratégie incontournable, notamment avec Internet. Dans son ouvrage "Buzz marketing : les stratégies du bouche-à-oreille" (Editions d'Organisation), coécrit avec Eric Briones, Karim B. Stambouli décrypte les mécanismes et les ressorts de ce nouvel instrument de communication. Rencontre.

Quels sont les principaux critères à considérer avant de lancer une opération de "buzz marketing" ?

Karim B. Stambouli. Le premier est de bien choisir son univers, bien le comprendre, repérer les leaders d'opinions et les leviers sur lesquels on pourra s'appuyer. Il en existe toujours. Des études ont été menées pour des produits très divers, comme les assurances ou les régimes. Elles démontrent que les communautés existent systématiquement, avec leurs leaders d'opinions. Le deuxième critère est l'établissement de la relation avec ces mêmes leaders. Cela passe par des événements spécialement créés à leurs intentions. En gros, il faut avoir le même traitement que pour les leaders d'opinions classiques, comme les stars ou les personnes médiatiques. Mais il faut aussi prendre en compte le fait que tous les leaders d'opinions, par rapport à un produit donné, ne sont pas uniformes. Il est donc important d'avoir une stratégie de bouche-à-oreille spécifique par rapport à chacune des communautés. Enfin, le troisième critère, est de ne pas arrêter cette dynamique. Une fois la relation lancée, il faut savoir la maintenir.

Est-ce qu'une opération de marketing viral peut se retourner contre l'entreprise qui l'a lancée ?

Le bouche-à-oreille a ses limites. Je pense notamment à la rumeur, un phénomène insaisissable. Il ne faut pas perdre de vue qu'il existe un bouche-à-oreille naturel et que les consommateurs s'informent par d'autres moyens. Ce qui distingue la rumeur du bouche-à-oreille, c'est que dans le cas de la rumeur, ceux qui la lancent ne la contrôlent plus. Il faut donc prendre toutes les précautions possibles, d'autant plus que le penchant traditionnel du bouche-à-oreille est plutôt l'information négative que positive.

Est-ce qu'il existe des outils pour développer et pour surveiller le bouche-à-oreille ?

Pour développer une opération de marketing viral, il faut savoir s'appuyer sur la transversalité des supports. L'exemple des cartes Hugo Boss est à ce titre intéressant. Le site de la marque proposait aux internautes d'envoyer des cartes à un ami ou à un proche. Là où l'idée devenait très bonne, c'est que les cartes étaient de vraies cartes postales, cartonnées et qui contenaient un échantillon du parfum. L'addition de plusieurs éléments provoque un sentiment relativement positif chez le consommateurs. Pour ce qui est de la surveillance des opérations, les messageries instantanées, les forums et les e-mails sont des bonnes sources d'information. Il y a également des indicateurs quantitatifs à suivre qui renseignent sur l'activité, le taux de paroles sur tel produit, tel événement.

Source: Journal du Net (05/07/2002)

 

Rumeur sur le Net. A qui profite le crime ?

Des canulars aux campagnes de dénigrement orchestrées, la rumeur est utilisée sur le Net comme un redoutable média de désinformation. Mais qui a donc intérêt à jouer au jeu de l'intox ?

L'Internet booste la rumeur. Le bon vieux ragot qui enfle et qui grossit, présenté comme une vérité invérifiable, mais incontournable, celui qu'on ne peut démentir sans se voir opposer un " y'a pas de fumée sans feu " catégorique prolifère sur le web. Pétitions, alertes aux virus, scoops divers... Chaque semaine apporte son lot de rumeurs fraîches. Les stars toutes catégories en 2001 ? Prévenez vos amis: des seringues infectées par le virus du sida se cachent dans les fauteuils de salles de cinéma à Issy-les Moulineaux... Pure paranoïa, pure intox. Penny Brown, une petite fille de 9 ans, a disparu. Aidez nous à la retrouver en diffusant cet avis de recherche. Seul problème: Penny Brown n'existe pas! Miss France, elle, existe bien. Mais c'est un homme... qui s'appelle Nicolas Levanneur, d'origine picarde! L'ntox, reprise par la presse, viendrait d'un site satirique français. Attentats, fausses chaînes de solidarité, faux appels à pétitionner, faux virus, toutes les ficelles de la désinformation y passent pour piéger les internautes crédules.

" Quatre ou cinq nouvelles rumeurs non fondées surgissent chaque semaine ", estime Guillaume Brossard, cofondateur du site hoaxbuster.com , spécialisé dans leur traque. Hoax, c'est le mot anglais pour désigner la rumeur en ligne. Elle profite des trois atouts virtuels incomparables du Réseau des réseaux. L'amplification, tout d'abord: la propagation du potin devient mondiale et instantanée. La rumeur, comme l'économie, se globalise... La fidélité, ensuite: le message transmis peut être tartiné sur des kilomètres de lignes sans être déformé, puisqu'il est forwardé. La sophistication, enfin: la rumeur en ligne s'affiche de plus en plus en photos, sons et vidéos truqués, histoire d'en rajouter une louche dans la force de conviction.

" Des messages qui reflètent les peurs et les espoirs du corps social "

Les spécialistes en rumeurs, appelés " rumorologues " (atchoum et à vos souhaits!), se passionnent pour ce véritable phénomène social. Ils tentent de décrypter leur mode de propagation tout autant que leur contenu. Premier constat: " Ces messages reflètent les peurs, les fantasmes et les espoirs du corps social ", estime Emmanuel Taïeb, chercheur au Centre de recherches politiques de la Sorbonne, spécialiste des rumeurs. Second constat: le mode de propagation de la rumeur virtuelle reste un mystère aussi impénétrable que la présence de l'homme sur Terre: d'où vient elle, où va t elle, dans quel état erre-t elle? " Une rumeur se propage quand son contenu est plausible et touche un sujet sensible ", analyse Florence Bonetti, directrice générale de Net Intelligenz, une société de veille. Ses destinataires la relayent alors en toute bonne foi, par esprit charitable ou par fierté louable d'informer en avant prerriière leurs connaissances. " Le message est transmis par un expéditeur digne de foi. Le destinataire va donc relayer l'information reçue, puisqu'elle est légitimée ", détaille Pascal Froissart, maître de conférences à Paris VIII et spécialiste des théories des rumeurs. La mayonnaise prend dès lors à toute allure, par e mail, dans les forums de discussion et les newsgroups. Il s'agit le plus souvent de canulars anodins. Leur seule véritable nocivité, finalement, est d'encombrer les réseaux.

De la rumeur anodine à la diffamation

Guillaume Brossard constate cependant une recrudescence de potins mal intentionnés. " Les messages deviennent de plus en plus pernicieux ", souligne t il. La rumeur prospère en effet d'autant mieux en milieu humide et sombre, quand elle colporte des faits cachés et des révélations troubles. Du coup, les messages de déstabilisation et de dénigrement gagnent du terrain. De l'information à la désinformation, voire à la diffamation, il n'y a qu'un pas. Il s'agit de plus en plus souvent de véritables attaques ciblées, qui mettent nommément en cause une personne ou une entreprise. La société TotalFinaElf a ainsi fait les frais, en 2000, à ses dépens, de la puissance de la manipulation en ligne. Un message, qui prétendait informer les internautes sur le "comment la multinationale pétrolière responsable de la marée noire tente d'étouffer l'expression citoyenne ", offrait la retranscription d'e mails compromettants, échangés entre cadres dirigeants du groupe pétrolier. Il a fait le tour de la planète. On y discutait des moyens de contrer la menace de boycott qui pèse sur l'entreprise... en ayant recours aux Renseignements généraux ou à la justice. Plusieurs chaînes de télé, plusieurs journaux se sont fait piégés et ont relayé l'info en toute hâte, Or tout était faux, ce qui fût démontré par les adresses e mail toutes erronées des correspondances des cadres qui ont été épinglés.

Le mal était pourtant fait, l'image du groupe écornée. La rumeur comme outil d'intox et de déstabilisation sur l'Internet ne fait plus sourire depuis longtemps les grands groupes et les marques leader. Ils connaissent les ravages potentiels que peut causer ce média, puissant et retors. Un nombre croissant s'entoure d'ailleurs des services de sociétés de veille, qui tentent de traquer, grâce à des progiciels spécialisés, tous les bruits potentiellement nocifs pour leurs clients qui traînent sur le Net... Qu'ils soient faux ou vrais, d'ailleurs. " Les attaques se font souvent en push, dans les forums et les newsgroups, constate Florence Bonetti. Les rumeurs commencent à devenir dangereuses quand elles sont étayées et argumentées, donc plausibles. "

Exemple type ? Ce hoax qui dénonce depuis février 2002 " les mauvaises pratiques " de pere noel.fr . Signé par un soit disant ancien salarié de ce site marchand de matériel high tech dont la logistique et le service clientèle sont pointés du doigt par la presse depuis plusieurs mois , le message prétend à tort que la hot line du site est purement fictive... Faux, et délibérément nuisible. Mais la rumeur est d'autant plus crédible, donc dangereuse, quand elle carbure à l'infotox, en mélangeant justement info et intox. "Face à ces attaques, les entreprises doivent être "proactives", et apprendre à réagir très tôt ", continue Florence Bonetti. Comment? " En répondant ouvertement aux allégations avancées, soit sur le site corporate, soit sur les forums concernés. Il est fortement conseillé d'agir avant le drame: la rumeur devient catastrophique quand elle est relayée par la presse. " Les contre feux à allumer coûtent alors très cher, car il y a présomption de culpabilité... et les démentis officiels ne font plus que renforcer les rumeurs.

Un individu a désormais le pouvoir d'ébranler une multinationale

Pour autant, les entreprises ne se précipitent pas vers ces nouvelles vigies du Net. " Nous sommes encore en période d'évangélisation ", admet Alain Pajot, dirigeant de Startem, une autre société de veille. Son credo pour les convaincre ? "Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un individu ale pouvoir d'ébranler une multinationale. Et c'est encore plus terrible quand l'ennemi vient de l'intérieur. " Bigre! Le cas serait d'ailleurs fréquent, selon les chasseurs de rumeurs. Alain Pajot ne pense pas qu'aux employés. " J'ai en tête le cas d'une rumeur lancée par un dirigeant pour déstabiliser un de ses opposants au conseil d'administration. " Autres pourvoyeurs de rumeurs repérés parles vigies du Net: les salariés de sous traitants des marques dénigrées.

Plus intéressés, certains petits porteurs d'actions se prêtent au jeu de l'intox sur les forums de discussion pour tenter d'influer sur le cours de Bourse de leurs actions chéries. Astucieux, car les entreprises cotées sont très sensibles aux rumeurs... En août 2000, l'entreprise Emulex [Cette entreprise américaine est spécialisée dans de les télécommunications par fibres optiques] a perdu en à peine trente petites minutes 60 % sa valeur en Bourse après publication d'un communiqué de presse fallacieux sur un site internet. Il annonçait le départ du PDG...

Les activistes de tout poil ne sont pas en reste. " Ce sont les rois incontestés de la rumeur, affirme Yanick Desrosiers, spécialiste et fondateur du site yanickd.com. Les rumeurs non fondées servent pour le moment principalement d'arme de défense aux consommateurs mécontents qui désirent s'attaquer à la réputation d'une compagnie polluante, à un monopole nuisible ou à une publicité mensongère. " L'arme du " faible ", en quelque sorte. Les entreprises seraient, paraît il moins enclines au jeu de la désinformation.

" Elles savent que c'est un jeu très risqué: la rumeur est puissante, mais incontrôlable. Elles s'en détournent autant par éthique que par peur d'un effet boomerang ", estime Florence Bonetti, de Net Intelligenz. Mais elles sont tentées d'utiliser le mécanisme de la rumeur comme levier de marketing. " Certains clients nous ont demandé de faire courir des bruits positifs sur leurs produits, concède ainsi Sohrab Heshmati, dirigeant d'Impact Net, spécialisé dans le marketing direct. Nous nous y refusons, par éthique, "

On imagine pourtant mal les grandes marques se priver de ce fantastique bouche à e mail puissant et gratuit. La vérité est sans doute ailleurs, car la rumeur présente trois inconvénients majeurs: elle est incontrôlable, déformable et rétive à toute domestication marketing, il est en effet difficile de définir les paramètres qui assureront son succès. Il est plus facile de créer une rumeur pour dénoncer que d'en créer une pour faire vendre... Les entreprises planchent pourtant sur ses mécanismes pour tenter de la maîtriser. Et pour Guillaume Brossard, d'hoaxbuster.com, " dans les années à venir, les hoaxes commerciaux vont se multiplier ".

" Les rumeurs contestataires vont s'accroître "

Alain Pajot, directeur associé de Startem, société spécialisée dans la veille on et off line.

Quels sont ces émetteurs isolés qui lancent des rumeurs ?

Alain Pajot : Ce sont des consommateurs ou des salariés mécontents. Ils ont pris conscience de leur pouvoir. L' Internet leur offre une nouvelle puissance d'attaque et leur permet aussi de se fédérer sur des sites critiques. Grâce au Net, ils peuvent désormais déstabiliser en ligne grandes marques ou multinationales.

N'a t on pas tendance à amplifier le phénomène ?

A. P : Je ne pense pas. Les entreprises vont être confrontées à un nombre croissant d'actions lancées sur le web par des particuliers, et risquent d'être dépassées. Les tentatives de déstabilisation boursières vont également se multiplier : elles ne coûtent rien et leurs gains peuvent être énormes. Enfin, c'est une arme rêvée de contestation.

Les entreprises usent elles aussi de la rumeur en ligne pour déstabiliser leurs concurrents ?

A. P : Il ne faut pas être paranoïaque. La plupart des rumeurs naissent spontanément, le plus souvent lancées par un émetteur isolé. Les campagnes orchestrées sont rares. Les entreprises peuvent cependant être tentées d'exploiter la rumeur...

Votre rumeur préférée ?

A. P. : Celle, délirante, qui a frappé Euro Disney et qui affirmait que des enfants étaient capturés dans le parc pour alimenter un réseau de trafic d'organes. L'entreprise n'a pas répondu à cette intox. Elle a eu raison : elle s'est épuisée d'elle même..

Thierry Mevssan : un inconnu touche le jackpot

Inutile d'attendre la rentrée littéraire pour faire un carton le Net se charge de relayer les rumeurs les plus improbables. Exemple: Thierry Meyssan. Si cet homme est devenu riche, il le doit en partie à une rumeur née sur le Net. Dans L'Effroyable Imposture, il défend la thèse selon laque le aucun avion ne s'est écrasé sur le Pentagone le 11 septembre 2001. Point de départ de ce colossal succès de librairie : une rumeur instillée sur asile.org par Raphaël Meyssan, son propre fils. Très vite, le site est pris d'assaut par les curieux, jusqu'à afficher 85 000 visites le 12 mars dernier, lendemain du lancement du livre de papa. A l'arrivée, 150 000 ventes, un mois à peine après sa sortie, et un chèque de 500 000 euros de droits d'auteur. Et c'est loin d'être terminé : les éditions Carnot s'apprêtent à diffuser le livre à travers le monde entier.

Règle du jeu de la Net-Rumeur

Départ : vous êtes à la tête d'une PME cotée en Bourse. Objectif : déjouer les pièges de la Net-Rumeur.

1. Des consommateurs mécontents mettent en ligne une parodie de votre site web, détournant votre marque et votre logo. Aller à la case 3.

2. Une société de veille identifie un départ de rumeur sur votre prochain dépôt de bilan. Elle vous aide à contre-attaquer immédiatement en apportant un démenti catégorique sur plusieurs supports médias. Rejouez.

3. Dans le forum d'un site boursier, un concurrent prétend que votre société a truqué ses comptes afin de masquer des pertes de l'exercice sur l'année précédente. A la veille de l'annonce des résultats, votre cours de Bourse décroche de 18 %. Passez deux tours.

4. Une vidéo circule dans laquelle on vous voit en train de jouer au golf avec l'ennemi public numéro 1. Le trucage est parfait, la rumeur se répand comme une traînée de poudre. Retournez à la case départ.

5. Un membre du conseil d'administration de votre entreprise tente de vous faire passer pour un trafiquant d'armes pédophile en organisant l'envoie de hoaxs (canulars) par mailing-list. Vous démentez, trouvez pire sur votre accusateur et en apportez la preuve. Avancez de deux cases.

6. Des photos envoyées par e-mail vous montrent dans une situation compromettante. Paniqué, vous ne faites rien pour démentir, la rumeur enfle. Reculez de dix cases.

7. Votre département marketing organise une campagne de lancement pour votre nouveau produit. Très en amont, il développe sur le Net des outils (forums, événements, etc.)marketing afin d'installer la notoriété du produit dans l'opinion. Le lancement du produit est un succès. Allez directement à l'arrivée !

Arrivée : Bravo ! Vous avez vaincu la rumeur… ou en avez fait bon usage. Il ne vous reste plus qu'à convaincre vos actionnaires de vous renouveler leur confiance.

Source: New Biz (Mai 2002)

 

Internet, machine à rumeurs

De la blague de potache à la propagande orchestrée, en passant par les coups de pub, les élucubrations fleurissent sur le Web

«Une enquête réalisée par les Renseignements généraux crédite Le Pen de 42% des voix et n'exclut pas son élection.» Cette information prétendument confidentielle s'est répandue comme une traînée de poudre sur Internet entre les deux tours de la présidentielle, alors que les sondages étaient interdits. Mais elle était fausse. C'est une rumeur électronique, comme la plupart des nouvelles qui prolifèrent dans les messageries, les forums de discussion et les sites Web. Le réseau mondial, souvent présenté comme le lieu de la libre expression, est aussi celui des révélations bidon, des fausses alertes et des histoires à dormir debout. «Miss France est un homme», «Des aiguilles infectées par le virus du sida ont été glissées dans les fauteuils de cinéma», «Aucun avion n'a percuté le Pentagone le 11 septembre»... Un phénomène que certains ne se privent pas d'exploiter, tel Thierry Meyssan, l'auteur du best-seller (100 000 exemplaires) qui soutient cette dernière thèse, entièrement étayée par des élucubrations pêchées dans des documents... circulant sur Internet.

«Comme les mythes et les contes populaires»

«On en vient à douter en permanence de tout ce qui circule sur la Toile, affirme Guillaume Brossard, cofondateur du site HoaxBuster, où sont répertoriées la plupart des rumeurs. Les internautes prennent souvent pour argent comptant tout ce qui arrive sur leur écran: notre but est de leur donner les moyens de vérifier.» Guillaume et les chasseurs de canulars (hoaxes, en anglais) ont décortiqué des centaines de messages, allant de la blague de potache à la propagande orchestrée. La plupart concernent des alertes aux virus informatiques imaginaires ou reprennent, après traduction, des rumeurs importées le plus souvent des Etats-Unis. Les fausses informations sont souvent présentées comme un avertissement au ton dramatique à faire circuler d'urgence, attribuées à une pseudo-autorité administrative ou scientifique, ce qui leur donne l'apparence d'un document irréfutable. Il y a deux ans, la rumeur des seringues infectées dans les fauteuils de cinéma est partie d'on ne sait où avant de passer dans la boîte aux lettres électronique d'un employé de l'Institut Pasteur. Celui-ci a machinalement retransmis le message sans même le lire, puis l'a détruit. Mais le mal était fait: le message a ensuite été présenté comme provenant du prestigieux laboratoire de recherche, et donc incontestable...

«Un rôle d'accélérateur et de prisme grossissant»

«Les rumeurs électroniques ne sont pas plus nombreuses que celles qui circulent ordinairement dans la rue, par le bouche-à-oreille, explique Emmanuel Taïeb, sociologue au Centre de recherches politiques de la Sorbonne. Mais le réseau joue un rôle d'accélérateur et de prisme grossissant.» Parce qu'elles sont écrites, ces histoires se transmettent intactes. On peut suivre leur cheminement d'un destinataire à l'autre et retrouver éventuellement leur origine. «La plupart des légendes urbaines partent d'une même entreprise ou d'une même institution, explique le sociologue: un groupe restreint où elles sont d'abord testées en circuit fermé, avant d'être diffusées à l'extérieur et de contaminer tout le réseau. Comme les mythes et les contes populaires, elles charrient les peurs et les fantasmes du moment. Voilà pourquoi elles se multiplient pendant les crises et les périodes d'incertitude, comme les attentats du 11 septembre ou les élections présidentielles.»

La «poubelle aux rumeurs» qu'est devenu Internet commence à faire douter des principes d'ouverture et de laisser-faire voulus par les pionniers du réseau, qui ont toujours refusé la mise en place de contrôles et de règlements. La manipulation des rumeurs devient aussi un outil publicitaire. Ce qu'on appelle le «marketing viral», une nouvelle méthode de vente qui consiste à propager des informations ou des offres plus ou moins confidentielles sur un produit pour booster son image auprès des jeunes branchés. Dans le grand bazar d'Internet, tous les coups sont permis.

Source: L'Express (16/05/2002)

 

Le Net et la rumeur

OUI, un avion s'est bel et bien écrasé sur le Pentagone, à Washington, le 11 septembre, après que deux autres eurent détruit les tours du World Trade Center à New York. Oui, le ministère américain de la défense a été attaqué par des terroristes qui avaient choisi de lancer contre lui un Boeing 757. Oui, cinquante-huit passagers et six membres d'équipage ont été tués pour avoir pris, ce jour-là, le vol 77 d'American Airlines en direction de Los Angeles.

On n'aurait pas besoin de rappeler ces quelques données, établies par les enquêtes les moins contestables, si une rumeur, propagée sur le Net par un petit groupe qui s'est donné le nom de Réseau Voltaire, ne soutenait la thèse contraire : pour lui, aucun avion n'a touché le Pentagone le 11 septembre et seule l'explosion d'une bombe déposée à l'intérieur du bâtiment a pu provoquer l'incendie meurtrier. On devine les implications de cette théorie, exposée depuis par Thierry Meyssan, seul animateur de l'autoproclamé "Réseau" Voltaire : si l'attaque est venue de l'intérieur, et non de l'extérieur, elle est le résultat d'un complot ourdi par les éléments les plus extrémistes de l'armée américaine, qui voulaient obtenir le feu vert du président pour se lancer à l'assaut de l'Afghanistan et bientôt de l'Irak. Selon la même logique, les attentats contre le World Trade Center auraient bénéficié de la complicité d'une partie de l'appareil d'Etat américain, et la piste Ben Laden ne serait qu'une fausse piste destinée à détourner les soupçons.

Cette thèse ne saurait être prise comme une hypothèse parmi d'autres : elle est tout simplement révisionniste, affirmant que l'histoire réelle que décrivent les médias et sur laquelle agissent les politiques n'est qu'un récit factice, totalement fabriqué et inventé. Comme le montre notre contre-enquête, c'est l'inverse qui est vrai : le Réseau Voltaire raconte, en l'espèce, n'importe quoi. Des témoins ont vu l'avion avant qu'il ne s'écrase sur le Pentagone, une photo a même montré un morceau de fuselage à une centaine de mètres de l'immeuble. Pour le reste, les experts expliquent que l'appareil s'est pulvérisé sous la violence du choc. La parole des experts n'est certes pas d'Evangile, et il est bon qu'elle soit contestée par les citoyens. Encore faut-il que cette contestation s'appuie sur des critères de rigueur où tous les faits sont pris en compte. Or la rumeur du 11 septembre laisse de côté tout ce qui ne va pas dans le sens que souhaitent ses propagateurs. Comme si la réalité n'était qu'affaire d'opinion et de jugement, comme si elle n'avait aucune consistance factuelle objective indépendamment des parti-pris subjectifs.

L'information est un travail, avec ses règles, ses apprentissages, ses vérifications. Grâce à la liberté qu'offre le Net, certains croient pouvoir s'en émanciper et propager le faux sans rencontrer les obstacles professionnels, déontologiques ou commerciaux qui sont ceux des autres médias. S'ils se font ainsi une notoriété, c'est hélas au détriment de la liberté, qu'ils discréditent, et de la démocratie, qu'ils rabaissent à un jeu d'ombres où le complot serait partout et la vérité nulle part. Pauvre Voltaire !

Source: Le Monde (21/03/2002)

 

Internet véhicule une rumeur extravagante sur le 11 septembre

Le Réseau Voltaire, connu pour ses attaques contre le Front national et présidé par Thierry Meyssan, utilise une série de photos pour affirmer qu'aucun avion ne s'est écrasé sur le Pentagone. Par le biais de forums et de courriers électroniques, cette théorie du complot a gagné une audience mondiale.

"Y a-t-il un avion dans le Pentagone ?" Depuis quelques semaines, la question parcourt la Toile. La thèse défendue par Thierry Meyssan, président du Réseau Voltaire, selon laquelle aucun avion ne s'est écrasé sur le Pentagone le 11 septembre 2001, rencontre sur le Net une audience exceptionnelle. L'affaire déborde même de ce cadre : M. Meyssan a été reçu par Thierry Ardisson, samedi 16 mars, dans son émission "Tout le monde en parle" sur France 2. Le lendemain, Al-Watan, le journal à plus fort tirage d'Arabie saoudite, a publié un entretien de M. Meyssan, sans prendre aucune distance vis-à-vis de sa thèse. Ce succès médiatique vient soutenir le lancement de son livre (L'Effroyable Imposture, Ed. Carnot, 18 euros, 235 pages), lundi 11 mars.

Dans de très nombreux forums sur Internet, la polémique enfle, avec son lot d'invectives. La thèse, pourtant, n'est pas récente. Le Réseau Voltaire en publie les prémices sur son site (reseauvoltaire.net) à peine un mois après le 11 septembre. "Juste après les attentats, les gens avaient un peu honte de douter de la thèse officielle", affirme M. Meyssan. Le site de l'association, selon lui, enregistre alors 45 000 visites par mois.

Mais, le 10 février, le site L'Asile utopique (asile.org), géré par le fils de Thierry Meyssan, Raphaël, publie une version allégée de cette thèse. La présentation, courte et scandée, exhibe des photos de l'attentat contre le Pentagone, toutes reprises de sites officiels américains. Une minute suffit à parcourir ce montage, agrémenté de légendes au ton badin et énigmatique, qui stigmatisent l'absence de débris sur les lieux de l'attentat mais ne démontrent pas la théorie du complot. Dans cette sélection sur asile.org, la photo d'Associated Press (AP), montrant un morceau de fuselage gisant à une centaine de mètres du Pentagone, n'y figure toutefois pas. " On nous raconte que l'avion s'est complètement désintégré (...), mais on retrouve à plusieurs dizaines de mètres de l'explosion un morceau de carlingue tordu, mais pas calciné", rétorque Raphaël Meyssan.

Dès le 22 février, le site enregistre 15 000 visites par jour. La théorie se propage via des forums en listes de discussion, le courrier électronique et les magazines en ligne. Mardi 12 mars, alors que ni la thèse du Réseau Voltaire ni asile.org n'ont bénéficié de relais dans la presse, ce site culmine à 85 000 visites selon les mesures de son hébergeur, Gitoyen. Largement plus que beaucoup de sites de la presse écrite française. "Ces médias non officiels captent une audience très forte sur le Net, analyse Karim Stambouli, directeur-conseil à Publicis e-brand. La rumeur d'Abbeville, expliquant 'les causes' du débordement de la Somme, y avait déjà trouvé un certain écho. Mais ici, la Toile permet de légitimer une parole [celle de Réseau Voltaire], car tous les éléments présentés sont sourcés, et directement consultables en ligne." Pour M. Stambouli, les médias en ligne vont se révéler de plus en plus capables d'"influer sur la presse".

"Il ne faut pas exagérer le rôle joué par le Réseau, tempère Pascal Froissart, professeur en sciences de l'information et de la communication à l'université Paris-VIII et spécialiste de la rumeur. Internet ne dicte pas de nouvelles conduites dans l'opinion. Il est tout au plus un espace de contestation populaire, comme l'ont été les radios libres."

La déferlante n'est pas circonscrite à un pays. "Environ deux tiers de nos connexions viennent des Etats-Unis", assure Raphaël Meyssan. De nombreux sites américains reprennent – souvent pour la démonter – la thèse de M. Meyssan. Les télévisions aussi. La chaîne d'information CNN a diffusé, le 7 mars, les images – prises par une caméra de sécurité – d'une forte déflagration sur la façade du Pentagone.

Si Internet et les autres médias participent à la diffusion de cette thèse, ils peuvent aussi contribuer à son discrédit. Depuis début mars, plusieurs sites, aux Etats-Unis et en France, décortiquent et contredisent les arguments du Réseau Voltaire. Ainsi d'Hoaxbuster (hoaxbuster.com), site spécialisé dans la chasse aux rumeurs sur le Net. "Dans un contexte de défiance de l'opinion française, depuis la guerre du Golfe, vis-à-vis de la capacité du gouvernement américain à dire la vérité, la façon dont a été posée la question [de la présence de l'avion] ne pouvait générer qu'une rumeur", estime Guillaume Brossard, cofondateur de Hoaxbuster. D'autant que le Pentagone a livré peu d'informations sur les attentats de septembre et que, le 20 février, alors que la thèse du Réseau Voltaire commençait à agiter la Toile, le secrétaire américain à la défense, Donald Rumsfeld, reconnaissait l'existence d'un Office d'influence stratégique au sein du Pentagone.

Source: Le Monde (21/03/2002)

 

Canulars : le virus du pauvre

Cachés derrière une apparence "utile", les canulars (hoax) envahissent les boîtes aux lettres des internautes. De l´encombrement réseau à la diffusion d´informations personnelles en passant par la crédibilité de l´entreprise, les experts commentent les risques.

Qui peut résister à l´appel d´une mère qui vous demande de l´aide pour retrouver sa petite fille perdue ? Surtout, si l´aide en question ne consiste qu´à envoyer un mail à toutes vos connaissances. En bon internaute, vous transmettez le message à votre carnet d´adresse, tout comme les autres mails "utiles" que vous recevez sur la recherche de sang pour un malade, des chiots qui cherchent une maison, ou le nouveau virus super dangereux. Sauf que ni la petite fille, ni les chiots, ni le super virus n´existent en réalité. Ces e-mails, dont les auteurs anonymes vous demandent de les transmettre à un maximum de personnes, sont la plupart du temps des hoax (canulars qui circulent sur le web).

Rien de méchant, juste des blagues ? "Quand 25 personnes m´appellent pour savoir si elles ont été contaminées par ce virus dangereux, quand le réseau est encombré à cause de 10 personnes qui envoient le même message à 100 destinataires, le prix de la blague nous revient un peu cher", répond Vincent Trely, responsable sécurité de la société Aro, spécialiste du soudage par résistance.

Comment les arrêter ?

Régulièrement confronté aux hoax, le responsable a même dû prendre des mesures particulières pour les arrêter. Il a interdit la transmission des e-mails d´alerte sur les virus : seule l´équipe informatique est chargée d´informer les salariés sur les nouvelles attaques virales. "A l´époque où le hoax Sulfnbk.exe -qui conseillait aux utilisateurs de supprimer le fichier système qui porte ce nom en leur expliquant que c´était un virus- circulait en masse, certains responsables informatiques ont bloqué les mails qui contenaient ce mot", poursuit-il. "Il y a des utilisateurs qui pourraient même formater leur disque dur si un mail aux apparences sérieuses leur conseillait de le faire ! Le canular peut alors causer de vrais dégâts".

Comment un responsable informatique peut-il alors gérer ces messages indésirables ? "Distinguer les hoax des vrais messages d´alerte n´est pas du tout évident", précise Emmanuel Jud (photo), créateur du site Secuser.com, qui informe sur les nouvelles menaces de sécurité et les hoax. Une alerte de virus est relativement facile à vérifier, mais les choses se compliquent quand il s´agit des "chain letters", des pétitions et des lettres incendiaires sur une société ou personne connue. "Il y a quand même quelques règles qui peuvent guider les utilisateurs. Par exemple, un canular se termine toujours par une demande de transmission à un maximum d´utilisateurs. Or les vrais bulletins d´information ne demandent jamais cela", explique Emmanuel Jud.

Autre conseil : ne pas se fier aux noms prestigieux qui signent le message. "Les éditeurs d´antivirus n´envoient jamais de mails provoquant la panique. En cas de doute, il est conseillé de vérifier l´information sur les sites des éditeurs", souligne le spécialiste. Les sites spécialisés sur les canulars, comme Hoaxbuster.com peuvent également aider les responsables à faire le tri.

Attention aux messages sensibles

"On évoque souvent l´encombrement du réseau ou la perte de productivité et de temps pour les problèmes causés par les hoax, mais on oublie les risques sur la crédibilité de l´entreprise", explique Emmanuel Jud. Les sites spécialisés sur le hoax citent notamment le cas d´un commercial d´une grande société informatique qui avait transmis une fausse alerte de virus à ses clients.

Autre problème : la diffusion des données personnelles. Dans les messages forwardés, on peut trouver les noms et les adresses e-mail de toutes les personnes qui ont reçu le message. Ces informations -qui peuvent aussi être la proie des spammeurs- deviennent encore plus sensibles dans le cas des pétitions, messages politiques ou discriminatoires. Il suffit que le message soit posté sur un forum pour que toutes les coordonnées des destinataires soient accessibles sur le Net. Grâce à la rapidité de diffusion d´informations sur le web, ces données peuvent faire le tour du monde, assurant parfois une célébrité malgré elles aux personnes qui ont transféré le message (voir l´affaire David H, sur le site de Hoaxbuster).

Mais pourquoi causer autant de problèmes en bombardant le monde entier de fausses informations ? "Certains canulars étaient de vrais messages, destinés à un cercle restreint à l´origine. Mais ils ont dépassé ce cercle et sont devenus obsolètes avec le temps", explique Emmanuel Jud. Certains auteurs de hoax partagent les mêmes motivations que les créateurs de virus. "On peut dire que le hoax est le virus du pauvre, ou de celui qui ne veut pas prendre de risques car il n´y a aucune sanction prévue", poursuit Emmanuel Jud. "Et le seul remède contre ces messages contagieux reste la vigilance".

Source: Indexel (14/02/2002)

 

La rumeur du mail

Un éditorialiste du quotidien américain Christian Science Monitor s´interroge sur l´épidémie de courriel paniquard qui n´en finit pas, depuis les attentats du 11 septembre dernier.

Les voies de la rumeur sont impénétrables. On connaît le phénomène : Machin dit à Truc qui répète à Bidule que Théodule "lui a dit que", et on se retrouve tous à avoir entendu parler d´une histoire dont personne ne connaît la source. Sous le titre "Anthrax virtuel", Howard Fienberg, éditorialiste occasionnel au quotidien américain Christian Science Monitor, s´interroge sur l´épidémie de courriel paniquard qui n´en finit pas, depuis les attentats survenus aux États-Unis, le 11 septembre dernier. Un exemple ? Si vous y tenez : "Un ami d´ami qui sortait avec un Afghan a reçu une lettre peu après que ce dernier a disparu de la circulation le 6 septembre. Son correspondant l´avertissait de ne pas prendre l´avion le 11 septembre, ou d´éviter d´aller se promener dans les centres commerciaux le 31 octobre." Pour info, cette dernière date, est le jour d´Halloween, la fête déguisée qui jette tout le monde dans les rues et les shopping malls.

Appuyez sur "effacer"

"Je ne peux me prononcer définitivement sur le fait qu´il n´y aura aucun incident dans les centres commerciaux le jour d´Halloween, écrit l´auteur, mais ces e-mails ne fournissent aucun motif de penser l´inverse." Pas plus que ceux qui citent Nostradamus et ses prédictions de destructions multiples interprétées à la sauce empoisonnée 11 septembre. Au passage, Howard Fienberg rappelle qu´une des sources d´un des quatrains de Nostradamus a été abusivement torturé dans le sens de l´actualité par un étudiant canadien, démasqué sur un site de "légendes urbaines", snopes.com. Conseil aux internautes ? "La prochaine fois que vous recevrez un de ces mails, mettez de côté ces inquiétudes sans objet et appuyez sur la touche "effacer"."

Source: Transfert (26/10/2001)

 

Des e-mails tentent de semer la panique en Grande-Bretagne

Les frappes aériennes anglo-américaines contre l'Afghanistan ont déclenché en Grande-Bretagne, allié privilégié de Washington, un torrent d'e-mails généralement présentés comme des conseils amicaux sur le risque de menace de représailles terroriste.

La police a indiqué que depuis que les premiers missiles ont touché le sol afghan, des milliers de Britanniques ont reçu des avertissements, par téléphone ou par e-mail, évoquant des groupes occultes qui seraient sur le point d'attaquer leur ville.

Le signal est généralement donné par "l'ami d'un ami" à qui un mystérieux Arabe aurait conseillé de rester chez soi à l'abri du danger dans les jours qui viennent.

Cet inconnu a été rencontré dans un bureau de poste, dans la file d'une station-service, ou encore dans les grands magasins londoniens chics comme Harrod's ou Harvey Nichols.

Quel que soit le lieu, l'histoire reste invariable: un inconnu bien informé récompense une gentillesse - comme une ristourne accordée par un vendeur, par exemple - en informant la personne, de manière apparemment sereine, que la fréquentation d'un certain lieu du centre-ville ou des transports en commun est hautement risquée.

Après avoir hésité sur la conduite à adopter, la police a finalement décidé de ne pas diffuser d'avertissement particulier suite à ces messages, afin de ne pas alimenter le climat de panique.

Source: Reuters (10/10/2001)

 

Internet, relais des vraies nouvelles et des fausses rumeurs

Internet a montré, à travers les attentats anti-américains du 11 septembre, qu'il pouvait être un précieux outil de communication mais aussi un vecteur de canulars et fausses rumeurs en cas d'attaque terroriste.

Dans les heures qui ont suivi les opérations suicide contre le World Trade Center, les New-Yorkais n'ont dû souvent qu'au courrier électronique de pouvoir rester en contact avec le reste du monde.

Lignes téléphoniques, téléphones portables...la plupart des communications traditionnelles ont été saturées d'appels ou coupées à cause de l'attentat, ajoutant au sentiment de panique.

Des millions d'internautes qui s'inquiétaient du sort de leurs proches ou voulaient rassurer les leurs ont pu alors communiquer grâce à la toile.

Après la tragédie, le premier réflexe de Liva Judic, une journaliste qui travaillait au World Trade Center et n'a pu joindre ni parents, ni collègues pendant des heures, a été d'acheter un ordinateur.

«Quand cela s'est passé, je sortais du métro pour aller travailler. J'étais persuadée que mes collègues n'avaient pas réussi à sortir. Il était impossible de passer un coup de fil», raconte-t-elle. «Désormais, j'ai un ordinateur, je peux l'emmener partout, envoyer des courriers électroniques et surfer sur le Net. Il me permet de rester en contact avec mes amis, avec le reste du monde, tout le temps».

Après le 11 septembre, des centaines de sites et de forums de discussion ont fleuri un peu partout sur le web pour comparer les expériences et rassembler les témoignages.

«Les communautés en ligne ont servi de relais émotionnel, spirituel, intellectuel aux Américains. Certains avaient besoin d'être consolés, d'autres d'exprimer leur colère, de trouver des points de repère», souligne Lee Rainie, directeur du centre de recherche Pew Internet and American Life Projet à Washington.

Ouvert de par sa nature même à tous les vents, Internet a aussi commencé à servir de vecteur aux canulars et fausses nouvelles les plus sordides - accusant telle ou telle communauté - répercutés en cascade via la mécanique du courrier électronique.

Une photo montrant l'incendie d'une des tours jumelles du World Trade Center suscite aussi toutes les passions: avec un peu d'imagination, on peut y discerner un visage... aussitôt attribué par certains à Satan.

«Internet fait pleinement partie de notre infrastructure de communication. Il peut effectivement être utilisé dans une crise pour diffuser de fausses informations», note Lee Rainie.

Les canulars et rumeurs liés aux attaques du 11 septembre ont toutefois été très vite repérés, constate-t-il. «Beaucoup d'internautes avertissent par courriel dès qu'ils en trouvent. J'ai souvent été alerté avant même de les avoir vus», ajoute-t-il.

Plusieurs sites, comme Urbanlegends.com et Worldnewyork.org, recensent aussi tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à de fausses rumeurs et en vérifient le fondement.

A partir de là, Internet peut jouer à plein son vrai rôle en cas de danger: «si vous habitez Saint-Louis et que Los Angeles est la cible d'une attaque chimique, vous pourriez apprendre par exemple quels hôpitaux ont des vaccins ou comment évacuer la ville».

Source: Multimedium (26/09/2001)

 

"L'internet est un outil remarquable pour les rumeurs"

L'auteur de "Rumeur, le plus vieux média en ligne" (Editions du Seuil, 1987) trouve une nouvelle source d'inspiration avec le développement de l'Internet. Car si le contenu est roi sur la Toile, les rumeurs se sont taillé dans le même temps une place de choix sur le Web. Dernier exemple en date : la rumeur qui affecte la ville d'Issy-Les-Moulineaux (des personnes auraient été infectées par le VIH dans des cinémas par le biais d'aiguilles plantées dans les sièges). Jean-Noël Kapferer, au travers de son expertise marketing, livre son analyse sur cette nouvelle caisse de résonance qu'est l'Internet. Une expertise qui, associée aux rumeurs sur Internet, peut donner naissance au "marketing viral". Démonstration...

JDNet. Comment analysez-vous la rumeur qui vient de toucher Issy-les-Moulineaux ?

Jean-Noël Kapferer. Ce qui me frappe le plus est qu'il s'agit d'une version moderne d'un rumeur très ancienne. Historiquement, les premières traces remontent à 1912. A l'époque, on disait qu'on était piqué dans les fiacres et dans les bus. Les rumeurs à propos de piqûres faîtes par des gens, des serpents, des araignées... c'est un grand thème de la rumeur en Europe, un peu comme la disparition d'enfant. La piqûre est un thème constant de la rumeur. C'est un exemple typique, replacé dans un contexte moderne. Celui du Sida et de la peur de la maladie.

Plus généralement, comment analysez-vous les rumeurs sur Internet ?

Internet supprime d'un seul coup le problème majeur de la circulation des rumeurs, qui est l'absence de mémoire. Pour le cas d'une rumeur normale, qui ne passe pas par le Net, la mémoire fait défaut : la rumeur peut être en effet oubliée ou déformée. L'avantage d'Internet, qui est lié à l'informatique, est le fait de pouvoir toucher un grand nombre de personnes très rapidement, ne serait-ce que par le biais de son carnet d'adresses mails, avec un même message. Du coup, on ne se contente plus d'échanger les rumeurs avec des personnes que l'on connaît, mais avec un nombre plus grand de correspondants. En plus, l'effet de source est important. On retrouve l'essentiel de la rumeur sans erreur. L'internet est un outil remarquable pour cela. Le "Xeroxlore" [NDLR : le fait de diffuser des tracts par fax, en référence au grand fabricant américain de photocopieuses et de fax] l'était déjà. Avec Internet, il y a une discontinuité fantastique dans le fonctionnement des rumeurs.

Retrouve-t-on les mêmes bases sur Internet que celles que vous décrivez dans votre ouvrage ?

Tout à fait. Les mécanismes sont les mêmes. On retrouve l'émotion intense que l'on veut faire partager. Vous avez l'impression d'avoir trouvé la perle rare et de faire, du coup, du prosélytisme positif sur un sujet important. Sur Internet, on retrouve ainsi les grands classiques de l'émotion négative comme les virus ou les chaînes (si vous ne faîtes pas passer ce message, il peut vous arriver des malheurs...).

Quelle sont les caractéristiques majeures des rumeurs sur Internet ?

La plus importante me semble être la création de bases de données sur Internet. Tout est stockée en mémoire. Par exemple, les sites où les consommateurs s'expriment sur les produits qu'ils achètent constituent des stocks de rumeurs. Les consommateurs peuvent s'exprimer librement en dehors de la publicité. Dans ce cas, la rumeur est une vérité qui se rétablit par la base. La publicité dit "ce produit lave plus blanc que blanc". Sur Internet, l'avis du consommateur peut être contraire. C'est un ré-équilibrage des pouvoirs. Ce qui m'amuse beaucoup, c'est la convergence entre les vieilles et les nouvelles rumeurs. Prenons le cas d'une chaîne pour faire circuler un document sur Internet : une entreprise propose des cadeaux si beaucoup de personnes cliquent sur un lien hypertexte. Ca nous rappelle des vieilles rumeurs du type : si vous collectionnez des bagues de cigares, la Seita offrira des chaises roulantes à des paralytiques. Deuxième point remarquable : la propagation sur Internet ressemble à une explosion nucléaire en chaîne. Alors que généralement, le bouche-à-oreille est, lui, très lent.

L'étude des terminologies Internet est également intéressante. Le "buzz" par exemple...

Le "buzz" est un mot techno, qui a un côté "contenu" et "bruit". Originellement, c'est le bruit des abeilles. Un bruit ambiant qui attire l'attention des internautes. On parle de aussi de "marketing viral" sur Internet. J'ai trouvé cette expression pour la première fois dans un article aux Etats-Unis en 98. C'est l'usage de cette capacité, presque contagieus,e et immédiate de diffuser des rumeurs.

Autre exemple que vous évoquez dans votre ouvrage : le cas de la rumeur du tract de l'hôpital de Villejuif sur des additifs censés être cancérigènes et qui seraient compris dans des produits de marques connus. Le JDNet a reçu un exemplaire du tract par mail récemment. Comment expliquez-vous que ses rumeurs réapparaissent sur Internet ?

Il n'y a pas de fumée sans feu. C'est le signe d'un profond trouble alimentaire à l'heure actuelle dans la population. Le problème des additifs alimentaires avait totalement disparu. J'ai beaucoup travaillé sur le tract de l'hôpital de Villejuif de 1977 à 1985. C'est exactement le même tract qui est diffusé aujourd'hui sur Internet. La marque Banga y est encore mentionnée. Or, à l'époque, elle était leader sur le marché. Ce qui n'est plus le cas... D'un seul coup, les rumeurs reviennent, alors que l'actualité parle de fièvre aphteuse et d'encéphalite spongiforme bovine. Avec cette rumeur, on réanime donc une sensibilité actuelle qui est très forte. Le sujet regagne de la pertinence.

L'un des secteurs qui fait l'objet de manière récurrente de rumeurs sur Internet, c'est la Bourse. Comment expliquez ce phénomène ?

C'est normal. Le fonctionnement de base de la Bourse, c'est le tuyau, c'est-à-dire une information rare, valable dans une période de temps limité. La Bourse devenant de plus en plus un marché de novices, le réseau est important car les personnes qui veulent s'y initier ne sont pas des experts. Ce qui ennuie la COB, c'est que les tuyaux peuvent tourner en manipulation.

Comment une entreprise peut-elle contrer une rumeur sur Internet la concernant ?

Il faut être capable de détecter les prémices de ce qui pourraient devenir une rumeur. Internet est un média réactif, ce qui oblige l'entreprise à rebondir immédiatement. Des directions de communication financière des grandes entreprises créent des agents de veille concernant les rumeurs sur Internet. Toutefois, ce type de rumeurs disparaît rapidement si l'entreprise prend rapidement la parole de manière officielle. La parole des analystes financiers vaut de l'or.

Vous songez à réactualiser votre ouvrage "La rumeur, le plus vieux média du monde" avec une section Internet ?

Je travaille actuellement sur un produit autour des rumeurs et Internet. Ce sera probablement un livre dédié. Ca en vaut la peine.

Vous êtes également un spécialiste des marques. Comment les entreprises peuvent-elles utiliser l'Internet ?

Je travaille actuellement sur la manière d'utiliser le buzz par les entreprises. Aux Etats-Unis, les dotcoms ont beaucoup utilisés le buzz, contrairement à leurs homologues européennes. Les créations de grandes marques se sont beaucoup faites par le bouche-à-oreille. Je pense que cela crée des marques beaucoup plus fortes que les campagnes publicitaires. Le conseil que je donne donc aux entreprises est de mettre beaucoup plus de bouche-à-oreille et de buzz dans les plans marketing.

Avez-vous un exemple en tête ?

Je trouve qu'Amazon utilise merveilleusement bien les rumeurs sur Internet. Lorsque que l'on choisit un livre, Amazon apporte des suggestions en plus. Il indique au consommateur : "Vous avez acheté ce livre. Voici ce que les autres acheteurs ont choisi massivement". C'est formidable : au lieu de vendre un livre, Amazon en vend deux. C'est la contagion. C'est viral. De plus, le libraire permet à un acheteur de recommander un livre directement à un ami.

Quel est votre site d'information favori ?

Je reçois la newsletter de Strategies Europe. J'aime bien que les gens fassent la sélection d'information pour moi et identifie l'actualité principale.

En dehors de vos activités professionnelles, quelles sites consultez-vous pour vos loisirs ?

Je n'en ai pas. Je suis quelqu'un qui adore travailler. J'ai un métier passionnant et mes centres d'intérêts sont en dehors de la logique Internet.

Qu'aimez-vous sur Internet ?

La personnalisation. C'est toujours le même exemple qu'avec Amazon. Je trouve que Kelkoo, le comparateur de prix, est assez malin. Ca comprend bien le problème des consommateurs. Comment se repérer dans l'offre ?

Que détestez-vous ?

La pression sociale. Je pense que beaucoup d'entrepreneurs sont allés sur Internet parce qu'il fallait y aller. A mon avis, si on regarde les expériences des grands de la distribution type Houra ou Ooshop, ils ne sont pas près de gagner de l'argent. Mais il fallait plaire aux analystes financiers et leur indiquer que des acteurs de la vieille économie s'intéressaient à Internet. La pression sociale étant retombée, je pense qu'il y aura plus de réflexion avant de se lancer. Et tant mieux.

Jean-Noël Kapferer, 52 ans, est un spécialiste des marques. Il a écrit de nombreux ouvrages (le plus récent étant Re-marques, Editions D'organisation, Paris, 2000) et articles à ce sujet. Diplômé HEC, il est professeur du département marketing de cette institution. Egalement expert des rumeurs, il est devenu célèbre avec la publication de son ouvrage "Rumeurs, le plus vieux média du monde" en 1987 (Editions du Seuil), qui a été réactualisé depuis. Jean-Noël Kapferer est président de la Fondation pour l'Etude et l'Information sur les Rumeurs.

Source: JD Net (28/02/2001)

 

Tremblez, entreprises, voici les webmenteurs 

Quoi de mieux qu'Internet pour une opération d'intoxication ? Les grands groupes commencent à s'en inquiéter

N'importe quel internaute a les moyens de mettre une entreprise à genoux. » A New York, Tim Wallace, l'un des directeurs de Makowski, une grosse agence de relations publiques, n'a aucun mal à en convaincre ses clients. Une démonstration suffit : « vus sur le Web », ces piqures désagréables de sites agressifs contre McDo, Toys R Us ou Nike, ces bavardages pas toujours bienveillants sur les chat rooms (groupes de discussion) consacrés aux produits ou au management d'un groupe, ces confidences plus ou moins bien inspirées d'investisseurs qui se déversent sur le portail financier de Yahoo! Finance ou autres. Cas exemplaire : l'affaire Bloomberg. Au printemps 1999, un faux site imitant parfaitement celui de l'agence d'informations financières annonce une fusion-acquisition entre deux entreprises high-tech. En une matinée, la cotation de Pair Gain, l'entreprise « rachetée », grimpe de 31 %. Malgré le démenti rapide de Bloomberg et l'action en justice introduite par la SEC (équivalent américain de la Commission des opérations de Bourse), la rumeur a persisté pendant plusieurs semaines. A l'origine de la manipulation : un employé de Pair Gain... « Je ne vais certes pas me fonder sur des informations recueillies sur les messageries de sites financiers, dit Howard Capek, analyste financier chez Warburg Dillon Read. D'un autre côté, regarder ce qui s'y raconte fait partie du job d'un analyste avisé... » La manipulation d'informations financières est devenue monnaie courante sur le Web, au point que la SEC a musclé ses interventions en créant une unité spéciale d'investigation. En mars, elle a porté plainte contre un site financier, eConnect, qui aurait réussi à faire monter le cours de ses actions de 1,39 à 21,88 dollars en dix jours grâce à de faux communiqués annonçant un partenariat commercial. 

Aux Etats-Unis, plus d'une centaine de multinationales ont déjà subi des « attaques sur le Net », portant préjudice à l'image, voire au titre, révélait l'an dernier Business Week. Microsoft a ainsi recensé vingt sites « de dénigrement », Nike a ouvert un contre-feu sur le Web pour désamorcer les appels au boycottage de la marque, accusée d'exploiter ses salariés dans les pays en développement. Les agitateurs du Net sont si efficaces que les entreprises achètent des adresses ou déposent les suffixes injurieux qu'on pourrait leur accoler, tels que « sucks.com » ou « Ihate » (je hais).

Internet : l'arme de David contre Goliath

Et en France ? Le sujet semble tabou. Au mieux, les entreprises minimisent. Le Net source de déstabilisation, voire de crise ? Internet serait un média supplémentaire de diffusion de rumeurs et de critiques, sans plus. Quant à craindre qu'il ne devienne un levier stratégique pour divers groupes de pression - écologistes, consommateurs, mouvements citoyens, lobbys et, sans doute, concurrents -, c'est possible. Le nombre d'internautes est encore limité dans l'Hexagone (5,37 millions de personnes, soit près de 12 % des 18 ans et plus, selon les dernières statistiques de Médiamétrie Multimédia). 

De prime abord, les dangers de la Toile ne passionnent guère les entreprises françaises. De toute façon, « les critiques arrivent aussi bien par fax ou par les médias » (TotalFina). « Nous ne commentons jamais les rumeurs, y compris celles qui sont nées sur le Net, sauf attaque infondée sur le titre » (Axa). « Il n'y a pas de réponse spécifique » (Ford-France). Trois exemples d'entreprises qui ont pourtant déjà eu maille à partir avec des individus ou des collectifs de « mécontents » par Web interposé. 

Cependant, il suffit de surfer un peu pour s'apercevoir que le Web est très disert sur les entreprises, et pas toujours dans le sens souhaité par elles. Une visite au site www.infoguerre.com est édifiante. Ouvert par les professeurs de l'Ecole de guerre économique - une émanation de l'Ecole supérieure libre des sciences commerciales appliquées -, il recense des cas de « déstabilisation, agitation ou désinformation » via Internet, et les moyens utilisés : sites français anti-Ford ou anti-Coca-Cola, arnaque au téléphone mobile par e-mail, propos diffamatoires contre la RATP ou Axa, affaire Belvédère (voir encadré)... et bien sûr TotalFina. Une demi-douzaine de sites liés au naufrage de l'Erika font de l'agit-prop autour du pétrolier. Et d'où proviennent ces e-mails « internes » au groupe reçus par nombre d'internautes via des listes de diffusion en chaîne, qui obligèrent TotalFina à démentir la rumeur sur son site et à déclarer qu'il s'agissait de faux ? Car « quelle que soit la véracité de la rumeur, celle-ci peut atteindre l'effet de déstabilisation recherché », commente Christian Harbulot, directeur de l'Ecole de guerre économique. Enfin, la notoriété des publicités Total détournées par le graphiste Samuel Artez n'est plus à démontrer. Grâce au Net, « l'avantage premier et évident, c'est l'effet boule de neige, déclare-t--il. Je ne crois pas qu'il y ait moyen de diffusion plus efficace que le Web ». D'autant qu'il est perçu comme l'arme de David contre Goliath. « Les internautes ont une culture libertaire forte, et sont doués pour diffuser largement l'information, souligne Odile Vernier, directrice de l'agence de relations publiques Beau fixe, qui a réalisé une étude sur les dangers de crises sur Internet et sur leur parade. Le média est vécu comme un outil de démocratie, ce que renforce son caractère incontrôlable. » 

« Le Net rend les gens paranoïaques » 

D'autres arguments incitent à se méfier des « bruits de fond » produits par la Toile. A commencer par sa vitesse de propulsion, son talent de saute-frontières et son effet de masse. « Il faut trois heures pour relayer une information de Chicago à Paris via une dépêche d'agence, et sept minutes via Internet, reprend Odile Vernier. En outre, le Net s'adresse à un auditoire captif : une information bien lâchée dans un forum va aussitôt trouver un écho dans une communauté de spécialistes. » Et de citer le cas d'un site de communauté vétérinaire français avec accès codé sur lequel l'ex-collaborateur d'un laboratoire dénigrait un produit de son ancienne société. 

Les entreprises les plus exposées sont évidemment celles dont les activités sont liées, de près ou de loin, aux « sujets sensibles » : sécurité alimentaire, santé, environnement... « Tout début de crise est amplifié par Internet, car c'est un outil qui rend les gens paranoïaques sur ce qui peut s'y raconter », estime Xavier Delacroix, directeur de l'agence de relations publiques Edelman. Le Web est également une caisse de résonance pour le consumérisme revendicatif à l'américaine, avec son arsenal juridique. La France est jusqu'à présent restée à l'écart. Mais, face aux crises répétées sur les « sujets sensibles », le phénomène devrait monter en puissance, notamment à travers les groupes de discussion, très actifs sur la Toile. Une aubaine pour la guerre de l'information entre concurrents, rappellent Philippe Baumard et Christian Harbulot, qui enseignent respectivement à l'ENA et à l'Ecole de guerre économique les stratégies de l'information dans la compétition économique. Quoi de plus simple, soulignent-ils, que d'envoyer de « faux consommateurs sur des forums pour dénigrer un concurrent qui, justement, lance un nouveau produit » ? 

La liberté d'expression, « chère aux internautes » 

L'indifférence affichée par les entreprises françaises à l'égard des nuisances du Net n'est que partielle. En fait, affirment les consultants spécialisés, les plus grands groupes commencent à prendre le sujet au sérieux et réfléchissent à des stratégies de protection. « Nous sommes conscients du danger, tout particulièrement sur les forums de discussion, mais les procédures de veille ne sont pas encore bien formalisées », confirme le responsable de la veille d'un groupe industriel. Les entreprises ne sont guère équipées et organisées pour surveiller le Net. En outre, elles respectent la règle du « pas vu, pas pris », estime Philippe Baumard : tout dispositif de surveillance et de riposte dévoilé « ferait apparaître l'entreprise comme un prédateur ». Même principe pour d'éventuelles poursuites judiciaires : « Les sociétés craignent l'impact négatif sur leur image si elles se dressent contre la liberté d'expression chère aux internautes », analyse Me Alain Bensoussan. Aussi le « reniflage » - la surveillance de ce qui se dit sur le Net - fait--il la part belle aux agences de conseil qui ont développé des moyens et une offre de veille sur la Toile, et ont intégré le média dans leurs bibles de gestion de crise. En deux mois d'existence, Net Intelligenz, société créée par Publicis et Jacques Attali, a engrangé cinq contrats de veille anticrise. C'est le b.a.-ba de toute prévention. Avec des moteurs de recherche puissants et souvent personnalisés, toutes les mentions de mots-clefs définis à l'avance sont dépistées dans tous les recoins du Net : sites personnels, listes de diffusion d'e-mails, forums, net-magazines, sites consuméristes tels que dejanews.com... 

Le second volet, plus délicat, est celui de la riposte. En cas de crise ouverte ou d'orage annoncé - site agressif, rumeurs -, Internet exige une réponse encore plus rapide qu'ailleurs. Mais laquelle ? « Il faut d'abord savoir si la menace est sérieuse, conseille Philippe Baumard. On peut commencer par désigner un médiateur qui contacte les mécontents. » En effet, « même si le droit d'Internet existe, ajoute Me Bensoussan, encore faut--il que le préjudice subi soit avéré ». Entre diffamation, piratage, concurrence déloyale par atteinte à l'image de la marque et... liberté d'expression, le recours légal est ambigu, quand tout bonnement il est possible. « S'entêter à faire fermer un site agressif ne sert pas à grand-chose dans la mesure où il se reconstituera aussitôt sous une autre forme », explique Odile Vernier.

  Exemple de riposte : créer un contre-site anonyme 

Mieux vaut recourir à des techniques de diversion cuisinées à la sauce Internet, préconise l'agence Beau fixe. Par exemple, créer à son tour « un contre-site sans s'identifier, ou, inversement, installer sur son site officiel un forum de discussion ouvert à toutes les critiques, ou encore intervenir sur les forums qui vous critiquent et donner votre point de vue ». Plus raffiné : ouvrir un site tout aussi « rogue », selon la formule américaine, que celui des agresseurs, pour y instiller progressivement le doute sur les rumeurs colportées. 

Ces méthodes n'inventent rien : elles empruntent les chemins connus de la manipulation. A la différence près qu'Internet permet à tous les contre-pouvoirs d'utiliser l'information de manière offensive. En modifiant le rapport des forces, il oblige aussi les entreprises à anticiper davantage et, surtout, à faire un effort de transparence

Trois histoires de sociétés déstabilisées sur la toile 

TotalFina face à l'« agit-Web » :en décembre 1999, le naufrage de l'Erika et la marée noire ont provoqué une vague d'indignation qui a débordé des médias traditionnels pour envahir Internet par le biais de sites présentant des photos truquées ou par celui de pétitions anti-Total envoyées par e-mail. 

Ericsson victime d'une chaîne d'e-mails :en avril dernier, des millions d'internautes ont reçu un e-mail signé du fabricant de mobiles annonçant qu'il offrait des téléphones à ceux qui renverraient ce message à d'autres internautes. Ericsson a dû démentir. 

Ford piégé par un internaute: en février 1998, un Américain ouvre un site dédié à Ford, sa marque favorite. Au départ, le constructeur américain lui donne accès à sa documentation. Mais lorsque Robert Lane met en ligne des informations confidentielles, Ford lui intente un procès.

Belvédère, innocent mais coupable sur le Net 

En France, le cas le plus célèbre d'attaque via Internet est aujourd'hui dans les mains de la justice. En 1998, Belvédère, fabricant français de bouteilles de vodka haut de gamme coté au Nouveau Marché, s'oppose au groupe de distribution américain Phillips Millennium sur la propriété de brevets commerciaux. L'enjeu est de taille, puisqu'il concerne notamment le marché américain, avec 600 millions de bouteilles par an. Millennium lance alors une offensive par le biais d'un site créé en France par l'agence Edelman. Il y est déclaré, arguments à l'appui, que Belvédère communique à ses actionnaires et à la communauté financière des informations erronées et partielles. En présentant ses dénonciations sous un angle juridique, donc inattaquable et crédible, le site parvient à semer le doute auprès des actionnaires et des journalistes, qui bientôt relaieront les arguments du site dans leurs articles. Résultat : le titre Belvédère plonge, perdant en une seule séance 38 %, et la Commission des opérations de Bourse ouvre une enquête. Un an plus tard, celle-ci blanchit la société Belvédère et transmet le dossier à la justice. L'instruction est en cours, mais la cotation de Belvédère n'a que peu remonté. A l'époque, les dirigeants n'avaient pas souhaité réagir, mais ils ont fini par le regretter, explique Clément Parakian, directeur de la communication : « Outre la France, le site a été très visité aux Etats-Unis. »

Source: L'Expansion (25/05/2000)