Services de Renseignement vs NTIC

 

La High Tech, ennemie des services secrets américains

Les Grandes Oreilles américaines condamnées à la surdité par la high-tech? A cause de la fibre optique, les services secrets – dont le projet Echelon a récemment été dénoncé par la Communauté Européenne - auraient de plus en plus de mal à gérer l'interception des communications.

Nouveau casse-tête pour la National Security Agency (NSA), ironiquement confrontée aux retombées d'un de ses plus efficaces alliés : la haute-technologie. Il n'y a pas si longtemps, la principale agence d'espionnage américaine accumulait ses informations grâce à l'interception des signaux transmis par satellites – ou de façon générale, par voie aérienne. Une fois recueillies, elle finissaient dans ses super-ordinateurs avant d'être épluchées par des analystes. La NSA ainsi pouvait tout savoir ou presque des conversations de Saddam Hussein, de Leonid Brejnev et, parfois même, pouvait avoir vent de précieuses informations commerciales.

Hélas! tout a une fin et aujourd'hui ces signaux, au lieu de voyager par les airs, sont transmis par des câbles de fibre optique sous-marins qui relient les continents entre eux et sont autrement difficiles à placer sur écoute. Apparemment, depuis le milieu des années 90, la NSA a tenté de se brancher clandestinement sur ces câbles mais sans trop de succès. Un des obstacles : la fibre optique, entre les conversations, les e-mails et les fax, transmet trop de données et les Grandes Oreilles n'auraient récolté qu'une incompréhensible cacophonie de signaux. "Accéder aux fibres ne me semble pas être un problème, a récemment confié au Wall Street Journal le directeur de la NSA, le général Michael Hayden. Mais franchement il y a trop de données à analyser. La haute technologie est devenue notre pire ennemi..."

Le cauchemar de la NSA – sise à Fort Meade, dans le Maryland et dans un labyrinthe d'installations ultra-secrètes – a commencé en 1988 quand ATT a installé le premier câble de fibre optique entre le New Jersey et la Grande-Bretagne. Pas plus épais qu'un poignet, il permet de transmettre 40.000 conversations téléphoniques à la fois – cinq fois la capacités du câble classique. L'innovation s'est ensuite répétée entre presque tous les continents et aux dernières nouvelles, la Russie et la Chine sont en train de déployer des milliers de kilomètres de fibre optique – éliminant du champ d'action de la NSA un énorme réservoir d'information.

Apparemment, la NSA aurait compris dès le début que cette révolution technologique constituait un danger. En 1989, elle aurait rassemblé une équipe de chercheurs dans son quartier général pour leur demander de trouver un moyen d'intercepter les communications. Ceux-ci auraient fai chou-blanc mais, opiniâtre, la NSA aurait conçu une chambre sous-marine destinée à mettre sur écoute un des câbles transatlantiques. A la suite de l'opération, le Congrès aurait même accepté d'équiper d'un tel caisson un des nouveaux sous-marins de la Navy, le USS Jimmy Carter qui, en 2003, doit remplacer le vieux USS Parche destiné à espionner l'URSS au temps de la Guerre Froide.

Source: La Tribune (05/06/2001)

 

La Grande-Bretagne et les criminels high-tech

Hackers et virus informatiques étant plus dangereux que les armées ennemies, la Grande-Bretagne va augmenter le budget de ses services secrets.

Selon Robin Cook, secrétaire britannique aux Affaires étrangères, une "attaque informatique pourrait endommager la nation plus rapidement qu'une frappe militaire". Robin Cook vient en effet de faire une grande découverte : la technologie est au cœur même des infrastructures vitales du pays, et il y aurait de sérieux risques de se retrouver sans eau ni électricité. Si l'on n'a encore jamais vu de tels dégâts occasionnés par le truchement des nouvelles technologies (au contraire des actions militaires), on retrouve ici le discours classique de la National Security Agency (NSA) américaine, du FBI et de tous ceux qui misent sur la crédulité des hommes politiques pour augmenter leur budget à coups de désinformation. Simple coïncidence sans doute, c'est à l'occasion de l'Open Intelligence and Security Debate, qui se tenait à la chambre des Communes et dont le but était d'examiner le rôle des services de renseignements dans l'après-guerre froide, que Cook s’est laissé aller à cette mémorable envolée.

Kournikova plus dangereuse que le KGB

Pour le ministre anglais, il conviendrait d'"accroître les capacités de défense [des services secrets] face aux menaces aussi diverses que les virus LoveBug et Kournikova". On reste sans voix : tout internaute averti sait qu'il suffit, pour contrer ces "menaces", de disposer d'un antivirus mis à jour, voire de ne pas utiliser Outlook Express (qui sert de plate-forme à la majeure partie des programmes malicieux de ce type). De là à vouloir accroître les pouvoirs des services secrets… Le budget desdits "services" a d'ailleurs… doublé depuis la fin de la guerre froide. Officiellement, il atteindrait 803 millions de livres (8,5 milliards de francs). Mais, selon un ancien des services anglais de renseignements interrogé par The Economist, il avoisinerait plutôt les 2,5 milliards de livres (26,5 milliards de francs). L'Angleterre est par ailleurs le deuxième pilier, après les États-Unis, du réseau de surveillance des télécommunications Echelon, dont elle accueille la plus importante des stations d'écoute et d'interception. Mais cela n'a probablement rien à voir : Echelon servirait à se prémunir des menaces terroristes, voire à faire un peu d'espionnage industriel. En matière de "cybercriminalité", rien n'indique qu'Echelon puisse aussi servir à améliorer l'efficacité des antivirus, ou retrouver les pirates informatiques.

L’e-commerce en sécurité

Une unité chargée de lutter contre le crime high-tech, composée de 80 officiers spécialisés et dotée d'un budget, sur trois ans, de 25 millions de livres (263 millions de francs), sera officiellement lancée le 18 avril prochain. Créée à l'initiative des services de renseignements et de la police criminelle, elle a entre autres pour objectif de renforcer la coopération entre la police et le secteur privé. D'autre part, le ministère de l'Intérieur britannique se targue d'investir massivement – 1 milliard de livres (plus de 10 milliards de francs) – dans les nouvelles technologies policières. L’ambition affichée du gouvernement : "faire du Royaume-Uni le meilleur et le plus sûr des pays en matière d'e-commerce". 168 millions de livres seront ainsi alloués à la base de données ADN de la population criminelle, 25 pour le centre de surveillance des télécommunications électroniques et de crackage du cryptage et enfin… 90 millions pour développer la vidéosurveillance… en milieu rural.

Source: Transfert (03/04/2001)

 

180 milliards de francs pour les nouvelles technologies

Qui va investir 180 milliards de francs dans les nouvelles technologies ? Une multinationale ? Un gouvernement ? Non, les services de renseignements américains.

C'est la plus vaste opération industrielle et financière jamais liée aux services de renseignement. Qualifié de "supersecret" par le Los Angeles Times, ce nouveau programme dépend du National Reconnaissance Office (NRO), l'agence américaine chargée de la reconnaissance satellite. Cet organisme compte, dans les cinq ans à venir, investir 25 milliards de dollars (180 milliards de francs) et embaucher 5 000 ingénieurs, techniciens et autres informaticiens. Et ce n'est qu'un début... John Pike, de la Federation of American Scientist (FAS), estime ainsi que pas moins de 20 000 personnes, rien qu'en Californie, pourraient à terme bénéficier de cette nouvelle manne inespérée. Il est pour le moins difficile d'en savoir plus : à part un bref communiqué de septembre 1999, aucune information "officielle" n'est disponible, et ce, malgré l'ampleur du programme.

Plus haut, plus loin, plus fort…

Objectif : constituer, "pour des décennies", l'épine dorsale du renseignement américain, tant à destination de la CIA (Central Intelligence Agency) que du Department of Defense, les deux principaux clients du NRO. Connu sous le nom de code de "Future Image Architecture" ou "Mission Integration and Development" (MIND ), le projet vise à renouveler le parc de télescopes, radars et satellites existants. Les prochaines caméras de vidéosurveillance de l'espace seront ainsi plus petites, plus puissantes et plus discrètes (moins chères aussi) que celles qui sillonnent aujourd'hui le cosmos. Ces grands yeux seront capables de prendre 20 fois plus de photos qu'avant, par n'importe quel temps, même la nuit, et même à travers les nuages. Et comme il y en aura davantage, il faudra également plus de gens pour la collecte, l'analyse et le traitement des images et données recueillies.

… et plus coûteux que la bombe atomique

Boeing, qui a remporté une bonne part du contrat, vient d'ouvrir un bureau pour débaucher les spécialistes de Lockheed Martin, l'ex-contractant attitré de la NRO. Lockheed a été recalé parce que sa proposition coûtait un milliard de plus que celle de l'avionneur, tout en étant moins performante. Autres firmes "bienheureuses" : Eastman Kodak, pour l'imagerie, et Raytheon, leader en matière de ventes d'armes et très proche de la NSA (National Security Agency). Selon le Los Angeles Times, le budget de la NRO (6 milliards de dollars annuels) serait plus important que celui de la CIA et de la NSA... En comparaison, le Manhattan Project, qui employa 125 000 personnes pour la fabrication de la bombe atomique, revint à l'équivalent de 20 milliards de dollars actuels. Selon la FAS, le nouveau programme, qui représente une "amélioration incroyable" des capacités actuelles, "sera le plus coûteux de toute l'histoire des services de renseignements". C'est le complexe militaro-high-tech qui doit être content.

Source: Transfert (21/03/2001)