Le Renseignement américain dans la tourmente
FBI et FAA étaient au courant d'un risque d'attaque avec des avions Les services de renseignement américains étaient au courant d'un risque d'attentats utilisant des avions de ligne avant les attaques du 11 septembre 2001, mais avaient estimé qu'il était peu élevé, a déclaré mercredi une responsable de l'enquête menée au Congrès sur les ratés de ces services. "En dépit des informations en sens contraire parvenues aux services de renseignement, le FBI (police fédérale) et la FAA (administration fédérale de l'aviation civile) avaient estimé que le risque d'un acte terroriste prenant pour cible l'aviation civile était relativement faible", a déclaré devant une commission spéciale du Congrès Eleanor Hill, une des responsables de l'enquête, ancien procureur. Mme Hill a fait remonter les premières informations en ce sens à 1994, et mentionné une alerte, à l'automne 1998, évoquant un projet d'attentat par Oussama ben Laden impliquant des avions dans la région de New York et de Washington. Une autre indication à la même époque mentionnait la possibilité qu'un avion bourré d'explosifs soit envoyé sur un aéroport américain.
"De 1994 jusqu'à la fin août 2001, les services de
renseignement avaient reçu des informations indiquant que des
terroristes internationaux avaient sérieusement envisagé
d'utiliser des avions pour mener des attaques terroristes. (...) Apparemment,
il y a eu peu, si ce n'est aucun effort des services de renseignement
pour analyser ce risque", a-t-elle ajouté. Mme Hill s'exprimait
dans le cadre de la première audience publique sur l'enquête
menée depuis six mois par la commission spéciale du Congrès,
composée des personnels des commissions du renseignement de la
Chambre et du Cette commission avait déjà tenu 10 audiences à huis-clos. Ses membres, pour parvenir à leurs conclusions, ont étudié en six mois plus de 400.000 pages de documents et interviewé près de 500 personnes, a précisé le sénateur démocrate Bob Graham, président de la commission sénatoriale sur le renseignement.
Mme Hill a cependant tenu à souligner que les informations sur
les risques d'attentat impliquant des avions ne représentaient
qu'une petite partie du volume très important d'informations
collectées par les services de renseignement. L'audition de mercredi a duré près de six heures. Source:
Netscape
Infos (18/09/2002) FBI-CIA l'échec La pièce se trouve dans l'un des labyrinthes du Capitole, siège du Congrès des Etats-Unis. Elle répond à une appellation administrative aussi neutre que fonctionnelle : S-407. Mais ce n'est pas un endroit comme un autre. C'est la Chambre d'audiences de la commission du renseignement du Sénat. S-407 est une bulle hypersécurisée : murs insonorisés et censés résister à toute forme d'écoute électronique ; doubles portes protégées. Ici, on témoigne à l'abri, en principe en toute liberté. S-407 accueille depuis quelques jours une commission mixte du Congrès chargée d'une des plus formidables enquêtes parlementaires de ces dernières années. Il s'agit de répondre à la question suivante : pourquoi les services de renseignement américains - CIA et FBI, notamment - ont-ils été incapables de prévoir les attentats du 11 septembre 2001 ? Qu'est-ce qui n'a pas marché dans le système de renseignement du pays, l'un des plus onéreux et des plus sophistiqués au monde ? Où sont les failles qui font que l'information à la disposition des services a été mal analysée ? Vaste question, que les membres du Congrès posent avec urgence et une certaine amertume. Car, depuis bientôt deux mois, la presse rapporte une série de bourdes, erreurs bureaucratiques et autres, imputables à la CIA et, plus encore, au FBI. Toutes commises avant le 11 septembre, elles donnent l'impression que le système de protection du territoire américain est une passoire. Personne ne semble encore contester l'assertion du président George W. Bush : "Rien n'aurait pu empêcher l'horreur du 11 septembre." Mais tout le monde, les intéressés les premiers, convient déjà que la CIA et le FBI ont mal travaillé. La première, la Central Intelligence Agency, créée en 1947, est chargée d'espionner à l'étranger pour garantir la sécurité de l'Amérique, mais ne peut poursuivre une enquête sur le sol des Etats- Unis ; le second, le Federal Bureau of Investigation, établi en 1908, a une mission de police sur l'ensemble du territoire américain. Les investigations de la presse et les auditions au Congrès laissent une première impression : la CIA et le FBI sont de belles machines à collecter de l'information, pas à l'analyser. Ce qu'un agent du FBI résume d'une belle formule : "Nous ne savions pas ce que nous savions" (cité par le New York Times, 9-10 juin) ; autrement dit, nous ignorions que nous avions dans nos tiroirs beaucoup de choses sur Al-Qaida et son chef, Ben Laden. Mais, récoltées depuis 1986, ces informations éparses ne faisaient sens que si elles étaient reliées entre elles. "Nous n'avons pas pris Al- Qaida suffisamment au sérieux", dit encore un responsable des "services". Pour prendre au sérieux l'existence d'une organisation islamiste radicale décidée à frapper l'Amérique, il fallait imaginer de lui attribuer la série d'attentats perpétrés contre des intérêts américains depuis le début des années 1990. Ce ne fut pas fait, ou pas systématiquement. Il fallait, psychologiquement et politiquement, accepter une déplaisante réalité : à la marge de l'islam, on haïssait l'Amérique et on complotait, méthodiquement, pour l'attaquer. Il fallait croire l'agent du FBI de Phoenix (Arizona) qui signalait une présence incongrue de possibles islamistes dans les écoles de pilotage du pays. Il fallait coopérer. Or, à l'évidence, la CIA et le FBI ne coopèrent pas facilement. D'abord parce qu'il s'agit de mastodontes bureaucratiques qui tirent leur pouvoir du type d'informations sur lesquelles ils ont un monopole. Ensuite, parce qu'ils appartiennent à deux cultures distinctes, à deux métiers différents. Le FBI accompagne la montée du pouvoir fédéral au début du siècle passé, avec comme obsession l'"ennemi intérieur" - qui prendra des formes diverses. La CIA voit le jour avec la guerre froide et, au début des années 1990 encore, cherche l'ennemi dans les décombres de l'empire soviétique - pas du côté d'un islam radical qu'elle a, un temps, utilisé contre Moscou. Quand la chef de poste du FBI à Minneapolis, Coleen Rowley, sollicite, quelques semaines avant le 11 septembre, l'aide de la CIA pour enquêter sur le passé d'un homme qu'elle vient d'arrêter, Zacarias Moussaoui, elle se fait taper sur les doigts par ses chefs. On ne "partage" pas avec la CIA. Moussaoui est l'un des suspects dans le complot du 11 septembre... La Maison Blanche n'est pas indemne. A- t-elle su, de son côté, correctement interpréter les signaux remontés jusqu'à elle ? George W. Bush commencerait à craindre de devoir à son tour rendre des comptes sur cette série de dysfonctionnements dans le système de sécurité du pays. La Maison Blanche refuse une enquête du type de celle qui a suivi l'assassinat de Kennedy. George W. Bush vient de prendre une initiative politiquement spectaculaire. Sans toucher à la CIA ni au FBI, il annonce la création d'un nouveau ministère : le Department of Homeland Security, pour regrouper sous un même toit gardes-côtes, douanes, services de l'immigration, etc. Le Congrès est plutôt pour, mais, dans la tranquillité de la chambre S-407, n'en continue pas moins d'enquêter sur les carences de la CIA et du FBI. Source: Le Monde (15/06/2002)
Un omniprésent ministère de la Sécurité intérieure Le président George Bush en a étonné plusieurs jeudi dernier lorsqu'il a dévoilé un vaste plan de centralisation des ressources, qui donnera lieu à la création d'un nouveau ministère de la sécurité intérieure, le «Department of Homeland Security». À partir du regroupement d'une trentaine d'organismes et de services déjà existants, le ministère aura un budget annuel de 37 milliards de dollars et emploiera 170 000 personnes. Pour mieux camper la perspective, le ministère sera le troisième en importance quant à son budget et son effectif, après celui de la Défense (Pentagone) et celui des Anciens combattants. Quatre axes d'intervention sont prévus : l'analyse du renseignement, la sécurité frontalière et des transports, la gestion des mesures d'urgence, les mesures devant assurer la réactivité à des attaques chimiques, biologiques et radiologiques. La création de ce super ministère laisse intactes les structures de la police fédérale (FBI) et de l'agence centrale de renseignement (CIA), dont on continue de scruter les agissements avant le 11 septembre, mais le projet doit faire l'objet d'un examen préalable par non moins de 88 comités et sous-comités parlementaires. Par ailleurs, comme on le constate à la lecture du chapitre 6 du plan de constitution du nouveau ministère, ce dernier intégrera des organismes de cybersécurité comme le bureau de veille des infrastructures critiques (Critical Infrastructure Assurance Office qui relève du ministère du Commerce), le centre de protection de l'infrastructure nationale (National Infrastructure Protection Center qui relève du FBI), le système national de communications (National Communications System qui relève de la Défense), et le centre d'intervention en matière d'incidents informatiques (Federal Computer Incident Response Center qui relève de l'administration des services fédéraux). Le regroupement de ces quatre organismes constituera au sein du nouveau ministère la division de l'analyse de l'information et de la protection de l'infrastructure. Elle disposera d'un effectif de 976 personnes et d'une enveloppe budgétaire annuelle de 364 millions de dollars. On reste cependant perplexe sur le degré de consultation qui a précédé l'annonce de la création du nouveau ministère et, dans la foulée, le regroupement de ressources destinées à combattre la cybercriminalité. Le 8 mai dernier, Robert Mueller, directeur du FBI, s'adresse aux membres du comité sénatorial sur les affaires judiciaires (voir texte de l'allocution). Mueller annonce alors la création, à l'intérieur du cadre du FBI, d'une «cyber division» ayant pour mandat la prévention et la répression des crimes ayant recours à la technologie. Répétant la mantra anti-terroriste, Mueller affirme qu'il est essentiel de lutter de manière concertée contre les terroristes qui menacent le commerce électronique et les infrastructures. Jeudi 6 juin, devant le même auditoire, et quelques heures seulement avant l'annonce par le président Bush de la création du nouveau ministère, Mueller reprend le thème de cette «cyber division» du FBI. Il précise que le centre de protection de l'infrastructure nationale (NPIC - National Infrastructure Protection Center) serait intégré à d'autre organismes de lutte à la cybercriminalité à l'intérieur du cadre du FBI. En soirée, le président Bush annonce la création du ministère et de la division de l'analyse de l'information et de la protection de l'infrastructure qui s'accapare du NPIC. Cette annonce de la création d'un super ministère de la sécurité intérieure intervient moins d'une dizaine de jours après que l'Attorney General des États-Unis, John Ashcroft, ait annoncé l'élargissement des pouvoirs de surveillance et d'enquête du FBI (notre chronique précédente). Farhad Manjoo du service de nouvelles Wired se fait l'écho de bon nombre d'observateurs, comme Marc Rotenberg du Electronic Privacy Information Center (EPIC), qui se demandent si l'on n'est pas en train d'assister à l'instauration d'un État policier. De déclarer Rotenberg : «Je crois que nous sommes arrivés au point où il faut se demander où la présente administration veut mener l'appareil gouvernemental [...] Il devient impératif de mettre les freins, sinon les États-Unis deviendront un État policier.» Pour sa part, l'American Civil Liberties Union (ACLU) enjoint les législateurs à exiger un mécanisme de surveillance des activités du ministère de la sécurité intérieure. Laura Murphy, directrice du bureau de Washington de l'ACLU, a déclaré par voie de communiqué : «Si ce nouveau ministère renforce les pouvoirs du gouvernement, le Congrès doit également s'assurer qu'il existe des mécanismes appropriés pour éviter les abus. De tels mécanismes, comme la nomination d'un inspecteur général, sont cruciaux étant donnée l'ampleur des pouvoirs accordés au nom de la sécurité intérieure, des pouvoirs qui toucheront à tous les recoins de nos vies et libertés.» Ce dimanche, dans le Boston Globe, on rapportait qu'avec les autorisations législatives nécessaires, le nouveau ministère de la sécurité intérieure pourrait officiellement voir le jour le 11 septembre 2002. Source: Les Chroniques de Cybérie (11/06/2002)
Hypocrisie et liberté chéries La CIA et le FBI ont failli. Résultat, les Etats-Unis leur donnent des pouvoirs supplémentaires. Pour Jean-Louis Gassée, autant donner une prime de match à une équipe battue. Qui va enquêter sur les étrangers clandestins quand le Service national d'immigration envoie leurs visas aux auteurs présumés et décédés de l'attentat du 11 septembre? n peu d'imagination. Vous êtes le patron, un collaborateur gradé rate une série d'affaires importantes, l'entreprise pâtit de l'incompétence et de l'arrogante paresse du cadre, que faire ? Donnez-lui une belle rallonge. Avec plus d'argent en poche, votre précieux dirigeant aura encore plus d'impact sur la marche de vos affaires. C'est à peu près ce qui vient de se passer avec le FBI (Bureau fédéral d'enquêtes), un organe du ministère de la Justice (DOJ, Department of Justice). Les preuves de l'ineptie, de l'indifférence et de la lourdeur bureaucratique du FBI s'accumulent. A vrai dire, elles n'ont fait que s'accélérer après le 11 septembre 2001. La grêle avait commencé bien avant avec, pour ne citer que deux des plus visibles orages, la révélation de la trahison de Robert Hanssen, 21 ans d'espionnage au service du KGB, et la condamnation d'un agent de la Côte Est pour avoir protégé des maffieux, et couvert au moins un assassinat au motif qu'il s'agissait d'indicateurs, sans oublier quelques enveloppes sous la table, semble-t-il. Naturellement, la hiérarchie n'était au courant de rien, n'avait jamais soupçonné Hanssen. Quant à la couverture des assassinats des indicateurs, la complicité de la hiérarchie est établie. Pli de pantalon Pour ce qui est du 11 septembre, on s'aperçoit maintenant que les agents sur le terrain avaient clairement décelé des activités anormales dans une école de pilotage de Phoenix, Arizona ainsi que les agissements de Zacarias Moussaoui. Ce dernier a bien sûr droit à la présomption d'innocence, mais il est tout aussi sûr que les agents du terrain ont dû se battre contre une hiérarchie paresseuse et plus préoccupée de son confort politique que de son devoir d'enquête. La liste est longue, arrêtons-là et postulons que les exemples ci-dessus sont, justement, exemplaires. Le FBI est incompétent, les serviteurs des citoyens sont plus préoccupés des plis de leur pantalon, de leur avancement, de faire des risettes au Congrès, de relations confortables avec la Maison Blanche, que de la sûreté de la communauté. Notons que c'est l'évolution naturelle de toute organisation qui finit par se soucier avant tout d'elle-même, de sa survie et de son confort plutôt que de ses mandants, citoyens ou clients. Dans les affaires, cela prend quelque fois des décennies, mais Toyota finit par déboulonner General Motors. Dans la cité, c'est plus difficile. Pour le FBI, le remède est d'augmenter le budget et les pouvoirs de cette perle d'intégrité et d'efficacité. Edgar Hoover, le ténébreux fasciste et, en privé, travesti occasionnel, gardait de juteux dossiers sur les présidents, les hommes politiques, les personnalités des arts et du spectacle et autres déviants et mal pensants comme ceux qui luttaient pour les droits civiques dans les états du Sud. Bobby (Robert) Kennedy, frère du président et coureur lui-même, se fit expliquer les règles du jeu par Edgar Hoover. Ce dernier finit par disparaître et le FBI qui espionna Martin Luther King se vit dicter des règles lui interdisant d'espionner les citoyens en l'absence de raisons sérieuses et, dans certains cas, sans l'accord d'un magistrat indépendant. En particulier, ces règles interdisaient au FBI de pêcher au chalut, d'aller traîner dans les réunions d'organisations privées, religieuses, de bienfaisance, politiques pour faire du renseignement général, comme on dit au pays natal, pour prévenir des actions nuisant gravement à la sécurité des citoyens. Dans le mur En même temps, après des abus répétés ne se limitant pas aux pratiques de Nixon, la CIA se vit interdire d'espionner à l'intérieur du pays. La CIA à l'étranger, le FBI à l'intérieur. La CIA souffrant des mêmes maladies de sénescence bureaucratique et politique que le FBI, ces deux agences gouvernementales ne communiquent pas. Résultat, des informations (jugées a posteriori) importantes ne sont pas échangées et les terroristes passent au travers de filets qui, sans nécessiter une intervention divine, auraient pu arrêter tout ou partie de la bande. Donc, le FBI recule la voiture dont l'avant est complètement cabossé, répare et demande l'installation d'un plus gros moteur pour se jeter à nouveau dans le mur. Plus d'argent et plus de pouvoir pour surveiller les citoyens. Très joli, et surtout d'une hypocrisie multiforme qui fait frémir, qui fait craindre pour nos libertés. Première forme. Ne vous agitez pas, les citoyens honnêtes n'ont rien à craindre de notre présence discrète, lisez clandestine, dans leurs réunions politiques, religieuses, syndicales, écologistes ou simplement récréatives. N'ayant rien à cacher, vous n'avez rien à craindre, bien au contraire, nous vous protégeons des ennemis du peuple comme vos élus nous l'ont demandé. C'est l'argument de tous les régimes autoritaires, de gauche ou de droite, fascistes ou léninistes. Un de ces derniers m'expliquait que le paradis socialiste était doté d'une constitution qui protégeait les droits civiques des citoyens sauf les ennemis du peuple qui, bien entendu, n'ont pas de droits. Pourquoi protester, auriez-vous quelque chose à cacher ? Votre comportement est étrange C'est oublier l'expression «inquiéter les populations». Outre une dangereuse méconnaissance de l'histoire, c'est négliger notre droit à la tranquillité, à une vraie vie privée, à une vie sans le poids de l'il de Big Brother. Deuxième hypocrisie, deuxième menace pour nos libertés, celle qui consiste à prétendre que tout cela est de la faute des vilains bureaucrates du FBI. Mais, aux Etats-Unis comme ailleurs, existe un Parlement devant lequel l'exécutif rend des comptes. De même qu'il y a une Cour des comptes au pays natal, il y a à Washington un Bureau général de la comptabilité (publique), le General Accounting Office (GAO). Que faisait le GAO, que faisaient les élus quand le FBI (ou la CIA) manquaient de s'équiper de systèmes informatiques, manquaient d'agents parlant et lisant autre chose que l'anglais ou sombraient dans la paperasse mal gérée, comme l'affaire McVeigh devait le révéler ? (Certains bureaux avaient oublié de répondre aux demandes de documents sur l'auteur de l'attentat à la bombe contre le bâtiment fédéral à Oklahoma City.) Bien sûr, après la catastrophe, les élus demandent des têtes, des réformes, oubliant qu'ils avaient manqué de donner suite aux recommandations de la Cour des comptes, pardon, du GAO, qui avait soulevé la plupart des problèmes qu'on jure maintenant de résoudre. Pétaudière Troisième galéjade, les dangers de l'immigration qu'il faut maintenant sévèrement contrôler. Pendant plusieurs décennies, les élus ont laissé l'INS, le Service national d'immigration, devenir une ingérable pétaudière, attentes interminables, dossiers perdus, attitude arrogante. Pourquoi ? Il est impossible de faire tourner le pays sans une forte population immigrée. Mais on ne peut en admettre l'ampleur, les citoyens s'effaroucheraient. Donc, on s'agite sur la scène, on se montre difficiles pour ceux qui respectent la loi, et on fait semblant de ne pas voir les 10% ou plus d'immigrants illégaux dans le pays. Un policier de la route ne peut demander autre chose qu'un permis de conduire, la carte d'identité n'existe pas, les employeurs posent peu de questions, même si la loi leur en fait obligation. Mais qui va enquêter avec un INS délabré qui envoie leurs visas aux auteurs présumés et décédés de l'attentat du 11 septembre? Enfin, dernier exemple d'une hypocrisie peu rassurante pour nos libertés, la NSA. C'est une agence dont on parle bizarrement peu, elle a pourtant un budget estimé (il est bien caché) à dix fois celui de la CIA. Descendante de l'organisation britannique GCHQ qui se faisait porter une copie de toute dépêche transatlantique transitant par les îles de Sa Majesté, la NSA épie les communications entre les Etats-Unis et l'étranger. En principe, pas celles de l'intérieur. Ici, communications veut dire téléphone, télex, courrier électronique, fax, j'en oublie sûrement. La NSA dispose de satellites dans des pays amis comme la Grande-Bretagne, elle est le plus gros consommateurs de grands ordinateurs, grand client autrefois de Seymour Cray à qui je dois quelques lectures et conversations sur le sujet. Donc, si tout va bien, la NSA lira cette chronique avant vous. Pas un mot des conversations enregistrées ou manquées avant, pendant ou après le 11 septembre. On nous parle de ce que le FBI et la CIA savaient, auraient dû savoir ou échanger, mais pas un mot de la NSA, de ce qu'elle savait sur Oussama ou de ce qu'elle enregistre de nos conversations. L'agence est soumise à la surveillance d'un comité parlementaire, probablement aussi efficace que ceux qui auditaient le FBI ou la CIA. Inutile de continuer, il est malheureusement clair que nos libertés risquent de rétrécir à cause de mouvements de colère ou de crainte, ou du désir de couvrir des incompétences, sans pour autant tresser un filet capable de faire obstacle à des adversaires déterminés et organisés comme ceux du 11 septembre. Autrement dit, la tranquillité, la vie privée des citoyens seraient menacées de l'intérieur comme de l'extérieur. C'est le progrès. Espérons que quelques parlementaires, journalistes et organisations pas encore espionnées feront obstacle à ces réactions réactionnaires. Source: Libération (07/06/2002)
Bush crée un super ministère de la Sécurité Le président américain a annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi son intention de créer un grand ministère de la sécurité intérieure, mieux adapté à la lutte contre le terrorisme. "Nous avons récemment constaté un accroissement du volume de menaces générales (...) Nous savons que des milliers de tueurs professionnels complotent pour nous attaquer et ce terrible constat nous oblige à agir différemment", a déclaré le président des Etats-Unis dans un discours à la Nation prononcé hier soir (cette nuit en France). Soulignant que la protection du pays relevait jusqu'à présent d'une centaine d'agences gouvernementales, M. Bush a proposé de réunir toutes ces agences au sein d'un même ministère. "Ce soir, je demande au Congrès de se joindre à moi pour créer un ministère unique à la mission urgente et primordiale : la sécurité de la patrie et la protection du peuple américain", a dit le président, en demandant aux parlementaires de donner leur feu vert avant les prochaines élections législatives de novembre. "Nous devons agir vite avant la fin de l'actuelle session du Congrès. Nous avons tous beaucoup appris depuis le 11 septembre et nous devons en tirer toutes les leçons" a affirmé M. Bush en appelant les Américains à rester "vigilants". Les responsabilités de ce futur super-ministère s'étendront à quatre grands domaines : sécurité des transports et des frontières, préparation et réaction aux situations d'urgence, contre-mesures en matière chimique, biologique et nucléaire, et enfin analyse d'informations et protection des infrastructures. Il rassemblera quelque 170.000 personnes et gèrera un budget annuel de quelque 37 milliards de dollars. Il puisera ses effectifs et ses moyens de fonctionnement dans ceux de huit autres ministères. Bush réfute les critiques contre ses services de renseignements Le président des Etats-Unis a par ailleurs tenu à rejeter les critiques portées contre le FBI et la CIA pour leurs dysfonctionnements avant les attentats du 11 septembre. "Nous avons certes besoin d'identifier les alertes et les indices ratés, mais je ne pense pas que quiconque aurait pu empêcher l'horreur survenue le 11 septembre" a-t-il affirmé. Bush sest toutefois voulu rassurant pour ses concitoyens. "Les Etats-Unis sont à la tête du monde civilisé dans une lutte titanesque contre le terrorisme. La liberté et la peur s'affrontent, mais c'est la liberté qui est en train de l'emporter", a-t-il dit. Source: Le Monde (07/06/2002)
«Des changements massifs sont en train de s'opérer dans le renseignement» John Pike est le directeur de Globalsecurity.org, un centre de recherche basé à Washington, spécialisé sur les questions de défense et de renseignement. Le Congrès organise des auditions pour tenter de comprendre pourquoi le FBI ou la CIA n'ont pas vu venir le 11 septembre. Que va-t-il en ressortir ? Une grande partie relève du théâtre politique. Il s'agit pour les hommes politiques d'accrocher les caméras et les titres des journaux. Si l'on s'en tient aux quelques annonces concrètes le doublement des effectifs antiterroristes au FBI, la décision prise par le département de la Justice de prendre les empreintes digitales de 100 000 étrangers, l'augmentation massive du budget des opérations secrètes de la CIA, etc. on peut être sûr que des changements massifs sont en train de s'opérer aux Etats-Unis au sein des agences de renseignements et de sécurité. S'agit-il d'un simple renforcement des moyens ou d'un bouleversement du mode de fonctionnement des services ? Pour chaque information rendue publique, il y a des douzaines d'autres éléments tout aussi importants qui ne le sont pas. Une série de défaillances, ayant eu lieu avant le 11 septembre, ont été révélées depuis quelques mois. On a insisté sur le fait que certains services ont gardé pour eux des informations. Ce qui n'a pas été décrit, ce sont les procédures qui ont amené ces services à agir ainsi. Prenez l'exemple de Zaccarias Moussaoui [le Français soupçonné d'avoir trempé dans le complot, arrêté dans le Minnesota quelques semaines avant les attentats, ndlr]. On dit aujourd'hui : «Ils avaient attrapé un des méchants, le gouvernement français le leur avait dit, ils n'ont même pas cherché à obtenir contre lui un mandat de perquisition auprès de la cour antiterroriste !» (1) Mais si le FBI n'a pas demandé de mandat, c'est probablement parce que les éléments à charge (en l'occurrence, les informations françaises décrivant ses liens avec des mouvements fondamentalistes islamistes) étaient insuffisants pour justifier une telle demande. Aujourd'hui, on peut penser que si un nouveau Moussaoui était arrêté, le FBI obtiendrait un mandat de recherche. Mais il faut être conscient de ce que cela signifie : à savoir que l'on se contente désormais d'éléments de preuves beaucoup moins importants pour une perquisition. Avant, il fallait prouver un lien avec une organisation terroriste ; aujourd'hui, j'ai l'impression qu'il suffira de liens avec une organisation religieuse. Concrètement, cela veut dire que le FBI pénétrera plus fréquemment qu'auparavant dans les appartements d'innocents. Les réformes se font-elles obligatoirement au détriment des libertés publiques ? C'est inévitable. Et il est difficile de juger de leur efficacité. Ce qui se passe est préoccupant : tous ces articles dans les journaux qui dénoncent les «défaillances massives» du renseignement, créent un climat dans lequel les organisations de renseignements ou de sécurité sont invitées à se déchaîner. Or, il faut réfléchir au rapport coût/avantage d'un tel changement. Peut-être, dans la logique antiterroriste, faut-il faire des visites de routine dans les appartements d'étrangers, ou mettre sur écoute tous les Moyen-Orientaux de ce pays. Plus on cherche à attraper les «méchants», plus on nuit aux gens qui n'ont rien à se reprocher. Ce pays, depuis longtemps, a choisi un «niveau de criminalité acceptable». C'est ce choix qui est remis en cause aujourd'hui. Si tous les policiers et les officiers de renseignements étaient des gens énergiques, loyaux, responsables des flics de télé, quoi ce ne serait pas grave. Mais ils ne le sont pas : certains sont idiots, d'autres des escrocs, d'autres incompétents. C'est ainsi. L'un des principaux problèmes évoqués porte sur l'absence de communication entre le FBI et la CIA, qui avaient chacun les pièces d'un puzzle qu'ils ont été incapables de réunir. Ce problème ne peut-il pas être résolu. Cette mauvaise communication existe, et je dirai plus : elle doit exister. Le FBI a pour mission de protéger les citoyens américains, le rôle de la CIA est de causer des problèmes aux étrangers. Le FBI est là pour faire respecter la loi, la CIA pour la violer (tout ce qu'elle fait dans les pays où elle s'active est illégal, à commencer par l'espionnage). Le FBI opère sous des contraintes constitutionnelles pour protéger les droits des citoyens américains. La CIA, elle, n'a pas à protéger les droits des étrangers. Le FBI doit trouver des preuves et mettre des gens en prison. La CIA cherche seulement à les mettre hors d'état de nuire, ou à les recruter. Il est donc naturel qu'il y ait des difficultés de communication. Il faut prendre garde à ce que, sous couvert d'améliorer la communication entre les deux agences, on ne fasse pas ressembler de plus en plus le FBI à la CIA, à une agence opérant en marge de la loi. A l'occasion de l'affaire Moussaoui, on a également constaté une très mauvaise communication entre les agences régionales et le quartier général. Faut-il décentraliser, ou au contraire centraliser le FBI ? Le gouvernement est en train de faire les deux à la fois ! Je ne suis pas certain que cela ait du sens. On centralise d'un côté, en concentrant à Washington les enquêtes sur les actes terroristes ; on décentralise de l'autre, en laissant les agents spéciaux mener leurs propres investigations... Il y a peut-être une cohérence là-dessous, mais elle n'a pas été expliquée. (1) La «Fisa Court» (Foreign intelligence surveillance act). Source: Libération (07/06/2002)
Renseignement: Les services mal aimés Essai - Une longue guerre a commencé depuis le 11 septembre. Elle exige un Renseignement performant. Jean Guisnel analyse et explique la torpeur de la citadelle FBI-CIA. Par Jean-François Deniau Le livre de Jean Guisnel « La citadelle endormie » répond à la question posée depuis le 11 septembre : comment l'Amérique a-t-elle pu être victime d'attentats aussi meurtriers sur son sol sans rien prévoir ni éviter ? C'est tout le système d'espionnage à l'extérieur et de sécurité à l'intérieur qui est mis en cause. La guerre, c'est la surprise. La surprise n'est pas pour les Américains. Où est passée la CIA ? Et le FBI ? Remarque fondamentale de Guisnel : le Renseignement est très mal vu aux Etats-Unis. Autant il est normal pour un Anglais de bonne famille de servir dans les services de Sa Majesté - de grands écrivains britanniques l'ont fait -, autant la culture américaine profonde refuse le secret comme une sorte de mensonge et l'action clandestine comme un genre de gangstérisme. L'apparition de services secrets américains est tardive, et Allan Dulles, à la fin de la dernière guerre mondiale, travaillera d'abord sans couverture officielle trop précise. Un amiral américain - celui de Pearl Harbour - avait refusé de tenir compte des écoutes radio. Un autre, avant lui, avait refusé la notion même d'espionnage. Des coups tordus en Amérique latine et ailleurs ont fait de la CIA « le paria de la société américaine ». Carter, Reagan, Clinton vont épurer. Ce qu'on ne peut pas dire au Congrès ne doit pas exister. Mais les fuites en provenance du Congrès fragilisent toute action. Le FBI, compétent pour la sécurité intérieure, n'est pas à l'abri des doutes, et des critiques non plus. L'affaire du rapport de Minneapolis n'est pas terminée. Des documents accablants montrent la désorganisation du renseignement au nom des bonnes moeurs. Pas d'agents « sales ». L'infiltration de réseaux, base de toute protection, est devenue à peu près inexistante. Trop de sources, trop de bureaux Le lecteur trouvera en annexe l'organigramme de la protection intérieure des Etats-Unis. Le texte ne précise pas qu'il s'agit de montrer par le grotesque que la superposition et l'enchevêtrement des organismes sont un défi au bon sens et à l'efficacité. Cela va de soi. Aucune protection sérieuse ne peut être effectuée dans ces conditions. Gagner la guerre ne consiste pas à créer des comités et des structures. Trop de renseignements tue le Renseignement... « Group Thinking » Les renseignements ne « passent » pas s'ils ne correspondent pas à ce qui est attendu en haut lieu. Phénomène universel que j'ai essayé d'analyser dans « Le bureau des secrets perdus ». Que des avions américains, détournés avec des canifs pour armes, servent à détruire les symboles de la puissance mondiale américaine, les tours du World Trade Center, le Pentagone, éventuellement la Maison-Blanche, avec comme explosifs les pleins de carburant, personne n'y a pensé. C'est trop symbolique. Trop gros. Trop bien exécuté. Non, les attentats, les drames, les milliers de morts, c'est ailleurs... Et pourtant, les Américains vivent dans un climat de violence - 80 tués chaque jour par armes à feu. Le total des victimes du 11 septembre à New York en cinq semaines, note Guisnel. Et pourtant, il rappelle que la traque de Ben Laden a commencé dès le 20 août 1998 avec le tir de 66 missiles de croisière. A continué avec des essais de raids par des mercenaires pakistanais ou ouzbeks. Puis par des bombardements massifs. Est-il vivant ou mort, Ben Laden, l'ennemi public numéro un ? Et où est-il, le temps où le président des Etats-Unis déclarait à la télévision : « On enfume son trou. Il sort de son trou. On le capture. On le livre à la justice des Etats-Unis » ? Le mollah Omar court toujours. Mais il est parti à vélomoteur, ce qui sans doute n'était pas prévu par les programmes des plus modernes satellites du monde. La supertechnique ne remplace pas tout La liste des outils techniques américains dressée au cours du livre est saisissante. Mais, à un moment, il faut être au sol pour tenir le sol. Il faut des hommes. Les bombardements en Afghanistan ont fait, pour certains, plus de 4 000 morts. Comment, depuis le ciel, distinguer un civil d'un combattant ? La première phase de la guerre en Afghanistan a été gagnée par les Américains dans des conditions qui font l'admiration de tous les états-majors. Mais les talibans avaient conquis 90 % de l'Afghanistan sans pratiquement tirer un coup de fusil. C'est ensuite que viennent les problèmes. Une guerre longue a commencé le 11 septembre, qui suppose aux Etats-Unis une réforme profonde des services de sécurité et de renseignement, de la culture américaine elle-même. Parfois, je diverge d'avis avec l'auteur sur un point de détail, dont la date du modèle du fusil Lee Enfield... Mais si j'avais un conseil à donner aux autorités de Washington, ce serait de lire le livre de Jean Guisnel « La citadelle endormie », de Jean Guisnel (Fayard, 352 pages, 17 euro). Source: Le Point (07/06/2002)
FBI-CIA : Règlements de comptes Terrorisme : Les Américains découvrent avec stupeur les incroyables carences et les négligences de leurs services de renseignements. Le scandale ne devrait pas retomber, année électorale oblige. Premier accusé, le FBI. Les Américains vivent depuis des semaines au rythme des révélations qui éclaboussent chaque jour un peu plus leurs grandes agences de renseignements : le FBI et la CIA sont tour à tour au ban des accusés. Pressés par les enquêtes internes, par lactivisme de certains membres du Congrès en pleine campagne électorale et par les fuites organisées de lintérieur même des services, le FBI et la CIA sont contraints de laver leur linge sale en public. Le temps est venu de rendre des comptes pour cette communauté du renseignement qui bénéficiait jusque-là dune aura sans pareille dans lopinion publique américaine. Le constat déchec est cruel. Au matin du 11 septembre 2001, le nuage de poussière qui enveloppe Manhattan et le Pentagone met fin aux illusions dune nation qui se croyait intouchable. Laveu dimpuissance est terrible. Malgré un budget de plus de 30 milliards de dollars consacrés au renseignement, aucune des grandes agences américaines na su déceler limminence de la menace : ni le FBI, ni la CIA, ni la NSA (National Security Agency). La CIA et le FBI semés par deux terroristes. Ce que lon apprend depuis quelques semaines est peut-être plus grave : des indices précis et des informations recoupées auraient pu conduire les agents à gêner, sinon à empêcher, les projets terroristes. Mais la routine, des négligences, la guerre entre les services, la méfiance à légard des renseignements fournis par les alliés (notamment la DST et la DGSE) ont paralysé les enquêtes préventives et retardé la mise en alerte des services de sécurité. Au fil des révélations, on apprend avec quelle légèreté ont été traitées les informations concernant la présence dislamistes moyen-orientaux dans des écoles de pilotage aux Etats-Unis ou le passé islamiste du Franco-Marocain Zacarias Moussaoui, arrêté en août 2001 dans le Minnesota pour infraction aux lois sur limmigration. Ses voyages en Afghanistan, sa proximité avec Ben Laden et ses étranges leçons de pilotage étaient connus. Cette affaire Moussaoui est typique des carences du FBI. Son cas avait alerté les agents de Minneapolis. Ce dossier sensible est resté sans suite, comme vient de le révéler lagent du FBI Coleen Rowley, auteur dune lettre accusatrice adressée le 21 mai à Robert Mueller, le directeur du FBI. Ce mémo de treize pages, révélé par le magazine Time, décrit avec précision les soupçons des agents de terrain sur les activités dun certain Zacarias Moussaoui, apprenti pilote à Minneapolis, réclamant avec insistance un manuel dopération pour piloter des Boeing. Linstructeur du centre de pilotage avait alerté lantenne locale du FBI. Souhaitant enquêter, elle navait pas réussi à obtenir de mandat de perquisition, malgré des renseignements transmis par les Français, confirmant lexistence de liens entre Moussaoui et les islamistes. Ce nest que le 11 septembre une ou deux heures après leffondrement des Twins Towers que la division FBI de Minneapolis réussira à obtenir ce fameux mandat ! Newsweek est à lorigine dun autre scoop, accusant cette fois la CIA. Dès janvier 2000, la centrale de Langley aurait identifié deux terroristes appartenant à la mouvance Ben Laden. Ils circulaient en toute liberté sur le territoire américain. Lun des deux suspects aurait même eu son visa renouvelé sans aucun problème, en juillet 2001. Ces deux hommes, Nawaq El-Hamzi et Khalid El-Midhar, se retrouveront au matin du 11 septembre, pour détourner le Boeing lancé contre le Pentagone. La CIA aurait établi des liens entre El-Midhar et les auteurs de lattentat contre le destroyer USS Cole en rade dAden, en octobre 2000. Le FBI reproche à la CIA de ne lui avoir transmis le dossier que le 23 août. Pris de court, les agents fédéraux affirment quil était alors trop tard pour que la chasse aux terroristes puisse donner un quelconque résultat. Comment expliquer cette faillite du renseignement américain, malgré ses technologies perfectionnées, face à un réseau terroriste ne bénéficiant daucune infrastructure comparable ? Les systèmes découte et dinterception ultrapuissants de la NSA, lomniprésence de la CIA dans le monde et le maillage du FBI sur le territoire américain se sont révélés impuissants. Laveuglement du tout-technologique La tragédie du 11 septembre a été le lourd tribut payé pour la confiance aveugle dans le tout-technologique affirme Robert Baer dans son essai sur la Chute de la CIA (Lattès). Agent de la grande maison pendant vingt ans, Baer explique : « LAgence est devenue dépendante des nouvelles technologies. Aujourdhui, elle na plus dautre choix que daller sur le terrain et de recruter des hommes qui pourront se rendre là où elle ne peut pas aller, voir ce quelle ne voit pas et entendre ce quelle nentend pas. » Cest lune des grandes leçons du déballage actuel : les informations et les données captées puis stockées par le FBI et la CIA nont pas été exploitées, faute de personnels capables de les analyser, à commencer par des traducteurs trop peu nombreux. Un rapport officiel rendu public en janvier dernier estime que labsence dagents parlant des langues étrangères a provoqué laccumulation de milliers dheures de bandes magnétiques et de textes, ni traduits ni exploités. « Le FBI nest tout simplement pas capable aujourdhui de fournir les informations nécessaires à la lutte contre le terrorisme. Ils ont beaucoup de changements à faire et beaucoup à apprendre », remarquait la semaine dernière Porter Gross, président de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, lui-même ancien de la CIA. Réorganiser et remettre au travail le FBI Le temps des réformes à sonné. Patron du FBI depuis septembre 2001 il nest entré en fonction quune semaine avant les attentats du 11 septembre, Robert Mueller a pris de plein fouet les reproches adressés à son service. Cet ancien marine, décoré pour bravoure au Vietnam, a fait front et contre-attaqué la semaine dernière, soutenu par le ministre de la Justice John Ashcroft, pour annoncer une série de réformes radicales au sein du FBI. Ce plan de réorganisation stratégique est lun des plus ambitieux jamais réalisés depuis la création du FBI (vingt-sept mille fonctionnaires, dont onze mille quatre cents agents). Les tâches traditionnelles la lutte contre la grande criminalité vont être allégées au profit de lantiterrorisme. Environ six cents agents affectés à la lutte contre le trafic de stupéfiants seront redéployés dans le combat antiterroriste. Plus de neuf cents nouveaux agents seront recrutés dici au mois de septembre. Les effectifs de la division antiterroriste devraient quadrupler au cours des deux prochaines années et la coopération avec la CIA devenir enfin une réalité. Certains évoquent même une amorce de mise sous tutelle du FBI par la CIA : toutes les informations sur la lutte contre le terrorisme seront centralisées par un nouveau bureau de renseignement et danalyse, dirigé par un agent de la CIA. Vingt-cinq analystes de Langley ont déjà été envoyés au QG du FBI et des dizaines dautres agents de la CIA seront répartis dans les antennes du FBI des dix plus grandes villes des Etats-Unis. « Il est essentiel que toutes les agences fédérales qui traitent du contre-terrorisme aux Etats-Unis coordonnent leurs forces, explique Robert Mueller. Cest un réel changement culturel ! » Changement aussi du côté de la justice : John Ashcroft annonce un allégement des procédures judiciaires qui ont trop souvent découragé les agents du FBI. Ashcroft a reconnu quelques aberrations du système juridique américain : cest ainsi que les agents ne peuvaient prendre aucune initiative pour prévenir un attentat, sauf si le FBI était informé de la possibilité dune activité criminelle par des sources extérieures, notamment de la CIA. Désormais, les agents de terrain pourront lancer ou rouvrir une enquête sans attendre le feu vert du QG de Washington et surfer sur Internet, sans mandat. Cétait jusquà présent impossible, même pour tenter didentifier des sites diffusant des modes de fabrication dexplosifs. Autre innovation : le FBI pourra mener des enquêtes dans des groupes religieux ou politiques. Leur démarche sera légale autant quelle peut lêtre lorsquils enquêtent dans nimporte quelle autre organisation, comme pour les gangs de type mafieux. Cette ambitieuse réforme doit remettre le FBI au travail, sur des bases nouvelles. Mais le scandale de ses carences passées ne devrait pas pour autant retomber, au moins avant la fin de lannée. Il ne devrait pas cesser dêtre alimenté par les querelles politiciennes, dans la perspective des élections intermédiaires de novembre. Lenjeu est la majorité au Congrès. Démocrates et républicains se renvoient la balle, au nom de la sécurité du pays, non sans arrière-pensées électorales. Le Congrès a commencé cette semaine les auditions sur le rôle exact des services de renseignement, et des familles de victimes du 11 septembre réclament la création dune commission denquête indépendante. La presse américaine fourbit de nouveaux scoops. Source: Valeurs Actuelles n° 3419 (7/06/2002)
Le nouveau ministère de la sécurité intérieure met un peu plus l'Amérique en état de guerre «Des milliers de tueurs entraînés complotent pour nous attaquer», a dit George Bush en présentant son super-ministère qui comptera 170 000 fonctionnaires et un budget de 37,4 milliards de dollars. En promettant ce regroupement des forces sur le front intérieur, le président américain tente aussi de reprendre l'initiative devant la multiplication des révélations de défaillances avant le 11 septembre Robert Mueller, le directeur du FBI, a fait devant la commission judiciaire de Sénat un aveu humiliant: l'ordinateur central de la sûreté américaine est incapable de faire une recherche avec deux mots clés; si un agent veut savoir ce que la mémoire policière contient sur les écoles de pilotage, il doit effectuer deux opérations, une avec «school», l'autre avec «flight». Maintenant que le Congrès a entrepris, depuis mardi, d'ausculter les défaillances des services de renseignement avant le 11 septembre, les révélations de ce type vont se multiplier, et la belle façade guerrière de la Maison Bush va se lézarder. Le président se devait de reprendre l'initiative. Il l'a fait jeudi soir en annonçant la création d'un Département de la sécurité intérieure, nouveau ministère de plein droit, énorme machine de 169 000 fonctionnaires, dotée d'un budget de 37,4 milliards de dollars. Le Congrès doit donner son approbation, ce qui ne devrait pas être difficile. Des ténors du parlement, démocrates et républicains, demandaient depuis des semaines que l'Office de la sécurité intérieure, créé après le 11 septembre, soit transformé en ministère afin de l'obliger à rendre des comptes devant le Sénat et la Chambre. Les difficultés s'empileront au moment où il s'agira de créer dans les faits le monstre, en arrachant à d'autres ministères les services liés à la sécurité intérieure (22 au total). Le nouveau département avalera en effet les Services secrets, la Douane, l'Immigration, la Coast Guard, pour ne citer que les gros morceaux. Il aura quatre grands secteurs: la sécurité des transports et des frontières, la gestion des alertes, une agence de lutte contre les attaques chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, un centre d'analyse du renseignement. Mais ni le FBI, ni la CIA, ni la NSA (écoutes) ne feront partie de ce nouveau grand ministère. Face à la menace dissymétrique d'un ennemi dispersé, invisible et décidé à employer les armes les plus inattendues, les Etats-Unis réagissent comme ils sont préparés à le faire: en ajoutant à des bureaucraties, toutes jalouses de leur autonomie et de leur propre importance, une nouvelle bureaucratie. Or peu avant l'annonce présidentielle, devant les mêmes commissaires qui avaient entendu Robert Mueller, la paralysie bureaucratique était justement en accusation. Coleen Rowley témoignait elle aussi, et cette juriste du FBI à Minneapolis, qui avait dénoncé dans une lettre retentissante les dysfonctionnements du Bureau avant le 11 septembre, démontrait avec candeur comment les couches et les barrières hiérarchiques avaient empêché qu'une enquête approfondie ne soit ouverte sur Zacarias Moussaoui. L'élève pilote franco-marocain avait été arrêté par les collègues de Coleen Rowley, et son ordinateur contenait entre autres des informations sur des contacts d'Al-Qaida en Allemagne et en Malaisie. L'autorisation d'ausculter le disque dur, demandée à la mi-août, avait finalement été accordée dans la panique, le 11 septembre dans l'après-midi... La bureaucratie policière produit ce qu'elle sait faire. John Ashcroft, le ministre de la Justice, vient d'annoncer que l'INS (services de l'immigration) qui dépend encore de lui avant de passer au Département de la sécurité intérieure allait ouvrir une grande chasse aux immigrants proche-orientaux, pas seulement eux, mais d'abord eux. Arrivant à la frontière, ils seront photographiés, et les agents prendront leurs empreintes digitales; leur séjour sera ensuite suivi, pour vérifier qu'ils font bien ce qu'ils étaient venus faire, et qu'ils partent à l'expiration de leur visa. Cette mesure massive s'ajoute aux arrestations secrètes que défend toujours l'Attorney General, à la recherche des clandestins, aux «entretiens volontaires» avec des milliers de résidents arabo-musulmans. C'est la guerre, comme dirait Ari Fleischer, le porte-parole de George Bush. Justifiant la création du Département de la sécurité intérieure, il a dit que cela «faisait partie de ce mouvement qui mène d'une société en temps de paix à une société mobilisée pour la guerre». Le président, lors de son annonce de jeudi, avait le même ton emphatiquement guerrier: «L'Amérique, a-t-il dit, conduit le monde civilisé dans un combat titanesque contre le terrorisme.» Samedi dernier, il avait presque annoncé une prochaine intervention préventive contre l'Irak, dans lequel Washington veut voir la prochaine menace terroriste armée de moyens de destruction de masse. Devant l'OTAN à Bruxelles, Donald Rumsfeld expliquait jeudi que le passage à l'action ne pouvait pas attendre que les preuves absolues du danger soient données. Dick Cheney, le vice-président, répétait peu après à Washington qu'il y avait urgence à s'en prendre à Saddam Hussein. Comme dit Fleischer: «une société mobilisée pour la guerre»... Ulysse et Polyphème Comme Ulysse avait rendu aveugle le cyclope Polyphème, les hommes d'Al-Qaida, noyés dans les foules, ont empêché le géant américain de les voir. Non que l'espionnage et le contre-espionnage des Etats-Unis aient eu les yeux crevés. C'est que l'attaquant et l'attaqué ne sont plus dans le même monde: d'un côté, des tueurs déterminés, entraînés au secret; de l'autre, le plus puissant appareil étatique, auquel sa puissance même peut faire perdre sa clairvoyance. Les Américains comprennent bien cette dissymétrie, dont ils ont même fait la théorie avant d'en être les victimes. Maintenant, ils cherchent des parades, et ils les trouvent dans leur arsenal familier. On ne change pas facilement de monde et de peau. Qu'y a-t-il dans cet arsenal: des armements sophistiqués, bien sûr; des moyens presque illimités; des organismes de sécurité qui n'attendent qu'à être développés ou réorganisés... Les Etats-Unis avancent dans cette voie. Mais il y a de redoutables dangers. Le développement des moyens policiers appelle leur emploi. Aux yeux de la plupart des Américains, la guerre qui leur a été déclarée justifie des actions déterminées, sans trop prendre de gants: arrestations prolongées, détentions hors du droit international, enquêtes au faciès même quand on se défend de le faire. L'Amérique ne sera pas un Etat policier. Mais le danger, c'est qu'elle se rapproche du portrait détestable que ses ennemis font d'elle. Les terroristes européens des années 70 voulaient, par leur violence, contraindre les Etats à montrer leur supposée face policière. C'est aussi ce qu'Al-Qaida et ses séides, dans leurs caches, espèrent. Source: Le Temps (06/06/2002)
Les services secrets américains sur la sellette Que savait le FBI, la police fédérale américaine, sur le réseau Al-Qaida d'Oussama Ben Laden avant les attentats du 11 septembre contre New York et Washington ? Les services secrets américains auraient-ils pu faire davantage pour les éviter ? La polémique fait rage depuis plusieurs semaines aux Etats-Unis à la suite d'une série de révélations mettant en cause les ratés des services de renseignements américains. Le directeur du FBI, Robert Mueller, va devoir répondre à ces questions dans les prochains jours, à huis clos, devant une commission spéciale du Sénat et de la Chambre des représentants sur le renseignement, dirigée par le démocrate Bob Graham et le républicain Porter Goss. D'ici là, le directeur du FBI, qui avait pris ses fonctions quelques jours avant le 11 septembre, déploie de multiples efforts pour montrer que le "Bureau" tire les enseignements de l'échec du 11 septembre. Une réforme massive a été annoncée la semaine dernière. Selon le Washington Post, Robert Mueller s'est lui-même chargé d'examiner les demandes de mandats de recherche liées aux enquêtes sur le terrorisme. "L'état du FBI est plus mauvais que celui de son directeur", lui concède, lundi, l'éditorialiste Robert Novak, dans le quotidien. Si le FBI a essuyé la salve la plus sévère pour avoir ignoré l'avertissement de l'un de ses agents à Phoenix (Arizona), la CIA, l'agence centrale de renseignements, et la NSA (National Security Agency) sont également entraînés dans la tourmente. "Ce que nous avons vu dernièrement avec le FBI, nous allons y assister avec la CIA, la NSA et d'autres", a mis en garde, lundi, le sénateur républicain (Alabama) Richard Shelby, vice-président de la commission sénatoriale du renseignement, sur la chaîne ABC. Une autre session, publique, est d'ailleurs prévue fin juin, en présence de M. Mueller et du chef de la CIA, George Tenet. Le président George W. Bush doit, pour sa part, visiter, mardi, le siège de la NSA, sans caméras ni micros. "Un FBI dirigé efficacement aurait pu prévenir la catastrophe du 11 septembre. C'est la probabilité consternante que le Congrès, dans son rôle d'investigation, va commencer à démontrer cette semaine", estime William Safire dans une colonne intitulée "J. Edgar Mueller", en allusion à J. Edgar Hoover, le tout-puissant chef du FBI qui, entre 1924 et 1972, l'avait transformé en véritable inquisiteur du monde politique et culturel. Suite au remaniement du FBI, les agents fédéraux, considérés jusque-là comme le rempart policier dressé contre la criminalité aux Etats-Unis, opèrent désormais comme des espions à l'écoute des Américains et des résidents étrangers. La réorganisation du FBI lui permet de s'immiscer dans la vie privée des Américains (écoutes téléphoniques, e-mails et perquisitions). Le Congrès va aussi s'assurer que les libertés individuelles ne sont pas en danger. La collaboration entre les différentes agences du renseignement devrait aussi figurer en bonne place des débats de la commission spéciale. Selon l'hebdomadaire Newsweek, la CIA avait identifié deux terroristes comme des agents d'Al-Qaida plusieurs mois avant les attentats, mais n'en avait informé ni le FBI, ni les services de l'immigration. C'est d'ailleurs ce qui a poussé le président américain, George W. Bush, a déclaré, lundi lors d'un déplacement dans l'Arkansas : "Le FBI est en train de changer. Il communique maintenant mieux avec la CIA et tous deux partagent maintenant leurs informations". Par ailleurs, jeudi, Coleen Rowley, une conseillère juridique de l'antenne du FBI à Minneapolis (Minnesota), qui a adressé une lettre à M. Mueller critiquant le fonctionnement du QG du FBI à Washington, va comparaître devant la commission judiciaire du Sénat, dirigée par le démocrate Patrick Leahy. Cette séance, publique, s'inscrit dans le cadre de l'enquête lancée par le Congrès après le 11 septembre dans une tentative de mieux comprendre les raisons qui ont mené à cette tragédie qui a fait plus de 3 000 morts. Mme Rowley pourrait exposer devant la commission les détails des démarches que les agents de Minneapolis ont effectué auprès du QG de la police fédérale à Washington pour demander en vain une assistance dans l'enquête autour de Zacarias Moussaoui, un Français arrêté dans ce secteur et qui est soupçonné d'être le vingtième pirate de l'air impliqué dans les attentats. Les ratés du FBI, de la CIA, de la NSA et de l'INS, avant le 11 septembre FBI. Le quartier-général de la police fédérale américaine à Washington a ignoré un rapport datant du 10 juillet, rédigé par un agent fédéral de Phoenix, en Arizona, qui établissait déjà un lien entre des élèves d'une école de pilotage aux Etats-Unis et un groupuscule islamiste proche d'Al-Qaida. De plus, Coleen Rowley, la conseillère juridique de l'antenne du FBI à Minneapolis (Minnesota) met en cause, dans une lettre de 13 pages, son patron, Robert Mueller, pour avoir délibéremment ignoré, voire entravé l'enquête, autour du Français Zacarias Moussaoui soupçonné d'être le 20e pirate de l'air impliqué dans les attentats du 11 septembre. INS. Les services américains de l'immigration ont fourni des visas à deux des pirates de l'air du 11 septembre. Ces deux documents, qui venaient remplacer des visas de touriste, sont parvenus six mois après les attentats à l'école de pilotage où les deux terroristes apprenaient le maniement d'avions qu'ils allaient par la suite transformer en missiles destructeurs contre New York et le Pentagone. CIA. L'agence américaine du renseignement a identifié deux terroristes, Khaled al-Mihdar et Nawaf al-Hazmi, comme des agents d'Al-Qaida, dès janvier 2000 sans toutefois exploiter l'information ni la transmettre au FBI ou à l'INS. Al-Midhar a même vu son visa renouvelé en juillet 2001, alors que la CIA avait établi un lien entre lui et l'un des terroristes présumés responsables de l'attaque du navire militaire USS Cole en octobre 2000 par Al-Qaida, au Yémen, selon l'hebdomadaire Newsletter. NSA. La plus puissante des agences de renseignements américaines, chargée d'écouter les communications sensibles dans le monde entier, a écouté pendant deux ans, jusqu'en août 1998, les conversations d'Oussama Ben Landen sur son téléphone portable, mais sans en tirer des informations pertinentes sur ses agissements. (AFP) Source: Le Monde (03/06/2002)
Le FBI veut renforcer ses capacités d'espionnage Accusée d'avoir sous-estimé les signaux qui auraient peut- être permis de déjouer le 11 septembre, la Sûreté américaine annonce une réforme. Robert S. Mueller , le directeur du «bureau» présentait, mercredi, les nouvelles mesures réformant le FBI. En tête des priorités, «la protection des États-Unis contre les attaques terroristes». La Sûreté nationale américaine a ignoré des signaux qui lui auraient peut-être permis de déjouer les attaques terroristes du 11 septembre. On le savait depuis les révélations des deux dernières semaines sur les bizarreries des cours de pilotage des pirates de l'air, qui n'étaient pas passées inaperçues de certains agents du FBI (Federal Bureau of Investigation). Ce qui est nouveau, et inhabituel pour un organisme paramilitaire, c'est que son chef admette publiquement les erreurs commises et les impute au mode de fonctionnement de l'institution : agence chargée d'enquêter sur les délits, le FBI n'est pas adapté à la prévention des actes terroristes. « Je ne peux certifier qu'il n'y avait pas une possibilité que nous soyons tombés sur un indice qui nous aurait conduits aux pirates de l'air », a déclaré dans une formule alambiquée Robert S. Mueller III, le directeur du « bureau », mercredi soir au cours d'une conférence de presse de près de deux heures. Puis d'enchaîner, en annonçant des mesures que le ministre de la Justice John Ashcroft devait présenter plus en détail hier. La réforme s'articule autour de trois grands axes : le renforcement des effectifs d'enquête sur le terrorisme, qui passeront à 2 500 agents - sur un total de 11 500 - grâce au transfert de 400 experts de la section des drogues ; la levée de certaines contraintes actuelles sur les activités d'espionnage aux Etats-Unis et l'octroi d'une plus grande autonomie aux 56 bureaux régionaux du FBI ; enfin, la création d'un bureau de renseignements pour centraliser l'information et assurer la coordination avec la CIA (Central Intelligence Agency), spécialisée dans l'espionnage international. Les deux derniers points de la réforme répondent aux « scandales », qui secouent le FBI, voire la Maison-Blanche, accusés d'avoir ignoré les messages d'alerte reçus plus de deux mois avant les attaques du 11 septembre. Ce fut d'abord la note du 10 juillet adressée au quartier général du FBI à Washington, par un agent du bureau de Phoenix (Arizona), avertissant qu'Oussama ben Laden avait peut-être envoyé des hommes se former dans des écoles de pilotage américaines pour préparer des actes terroristes. Note restée au fond d'un tiroir. Ce fut ensuite la demande d'autorisation, émanant du bureau de Minneapolis, pour pirater l'information contenue dans l'ordinateur de Zacarias Moussaoui, le Français arrêté en août dernier pour un problème de visa alors qu'il prenait des cours de pilotage dans le Minnesota sans juger nécessaire d'apprendre les techniques d'atterrissage. La demande avait été refusée et aucune suite n'avait été donnée aux renseignements fournis par les services secrets français, qui avaient alerté leurs collègues américains (voir nos éditions du 25 mai). Moussaoui, décrit comme « un gros poisson » par la DST, est soupçonné d'avoir été prévu pour être le vingtième homme des équipes de pirates de l'air qui ont détourné les quatre avions du 11 septembre. Il attend, dans une prison de Virginie, d'être jugé en octobre prochain. Aucun rapprochement n'avait été fait entre les deux affaires. Au sommet du nouvel organigramme, le futur bureau central de renseignements, auquel collaboreront des représentants de la CIA, aura pour tâche de « tirer les lignes entre les points », c'est-à- dire d'améliorer la coordination. A la base, les bureaux régionaux auront une marge de manoeuvre accrue, qui aurait permis aux agents de Minneapolis de fouiller dans les affaires de Moussaoui sans dépendre du feu vert de Washington. C'est cet aspect de la réforme qui risque de poser problème. Les défenseurs des libertés civiles s'inquiètent d'un retour à l'ère de J. Edgar Hoover, le patron légendaire du FBI, dont les dossiers secrets et les pouvoirs discrétionnaires de surveillance terrorisaient le monde politique autant que le public. Le système baptisé Cointelpro avait été largement utilisé pour espionner, dans les années 60, les groupes d'opposition à la guerre au Vietnam, le mouvement pour les droits civiques du pasteur Martin Luther King et son ennemi juré, le Ku Klux Klan. Depuis les années 70, des limites strictes ont été imposées à ce qui était, non sans raison, considéré comme un abus de pouvoir du FBI. C'est précisément en vertu de ces limites que l'enquête Moussaoui avait avorté dans l'oeuf. La mission traditionnelle du FBI est d'enquêter sur des actes criminels commis, non hypothétiques. Pour perquisitionner ou espionner, ses agents doivent fournir la preuve qu'ils ont des raisons impérieuses de le faire. Désormais, si Robert Mueller et John Ashcroft ont gain de cause, le FBI aura un accès illimité aux ressources de l'Internet et un droit de regard sans entraves sur les groupes politiques ou religieux suspects. Visées sans être nommées : les mosquées où sont soupçonnées de se tramer les attaques terroristes, comme celle du World Trade Center organisée en 1993 par le cheikh Omar Abdel Rahman. « Le FBI dit aux Américains : désormais, vous n'avez pas besoin de vous livrer à des activités illégales pour entendre frapper à votre porte », se plaint Laura Murphy, directrice du bureau washingtonien de l'Union pour les libertés civiles. Entre liberté totale et sécurité, l'Amérique devra choisir. En attendant, John Ashcroft et Robert Mueller ont entendu la grogne du Congrès qui, chez les républicains comme chez les démocrates, réclamait des têtes. Source: Le Figaro (31/05/2002)
Le FBI "nouvelle version" renforce la cybersécurité Dans sa nouvelle réorganisation, le FBI place la cybersécurité au troisième rang de son top 10 de ses priorités. La mise à jour technologique est la troisième des priorités du FBI "nouvelle version". Le directeur du bureau fédéral Robert Mueller a déclaré lors d'une conférence de presse au quartier général du FBI (Washington DC) que la cybersécurité entrait dans les dix priorités "importantes" fixées par la réorganisation des services de la sûreté nationale américaine. Robert Mueller a déclaré que la division de lutte contre le terrorisme allait accroître l'utilisation des nouvelles technologies et étendre l'exploitation des données et l'analyse informatique. L'agence compte d'ailleurs renforcer ses équipes en recrutant des spécialistes des nouvelles technologies, des scientifiques et des ingénieurs. Le FBI aura un accès illimité aux ressources de l'Internet. Ce qui était déjà le cas "sous-contrôle" (le Congrès américain avait autorisé certaines mises sous-surveillance) avec le logiciel de surveillance électronique Carnivore. Sauf que les récentes bourdes de l'outil de flicage de l'agence (cf. article "La plante Carnivore se mord la tige"), ont relancé la polémique autour l'inefficacité d'un système et ravivé les inquiétudes des défenseurs des libertés civiles dénonçant le caractère intrusif dans la vie privée d'innocents internautes. Cette mise à jour technologique (des services) évoquée par Robert Mueller, ne date pas d'aujourd'hui. En décembre denier, le FBI avait déjà procédé à quelques changements en interne en créant une cyberdivision spécialisée sur les questions de propriété intellectuelle et les crimes informatiques sur l'Internet et le réseaux. En avril 2002, le FBI avait nommé Larry Mefford à la tête de ce bureau basé à San Francisco. Source: Silicon (31/05/2002)
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